Pan sur le bec !
Non, ce n’est pas parce qu’ils font office d’oiseaux de mauvaise augure, qu’ils leur arrivent de se mouiller ou que leur équilibre semble bien précaire qu’on parle de « canards » pour les journaux. C’est tout simplement parce qu’ils leur arrivent, comme le palmipède, de faire un peu de bruit. Et cette histoire pourrait bien en faire. Car, parfois, pour se donner des ailes, les médias empruntent leur nom à quelque volatile, voire en font leur symbole : bien évidemment le célèbre Canard Enchaîné, mais aussi la mouette de L’Agglorieuse à Montpellier ou encore le « gabian » du marseillais Marsactu… C’est cette bestiole qui a été choisie par un blogueur à Hyères : Le Gabian Déchaîné !
Si le logo du pure-player marseillais a des allures d’oiseau de proie, celui du Var semble, lui, plutôt rigolard. Le site web, lancé en juillet 2020 et narrant avec gouaille et inventivité les affres de la vie politique à Hyères, se veut ouvertement satirique. Et très joueur, en témoignent des articles hilarants comme « Le jeu des sept familles de la métropole » ou une version très particulière et hyéroise du célèbre Monopoly.
Le ton moqueur et le fait de documenter par le menu les turpitudes de la classe politique locale ne semblent pas du goût de tous. Ce ne sont pas moins de six plaintes qui ont visé l’auteur principal du blog, Reynold Ignace. « Cela m’a valu quatre heures d’audition au commissariat de Hyères le 10 mai et deux heures à celui de Toulon le 2 juin », explique-t-il. Des plaintes qui émanent, nous dit-il, de « fonctionnaires municipaux », d’une « restauratrice » mais aussi du maire de la commune, le LR Jean-Pierre Giran ainsi que de son collègue de Toulon, Hubert Falco, accessoirement et respectivement vice-président et président de la métropole !
Cagnotte pour le maire
Que le torchon brûle entre l’édile et Reynold Ignace, également président d’un comité de quartier ayant osé attaquer le Plan local d’urbanisme, n’est pas passé inaperçu. Même Var Matin s’en est fait l’écho, le maire ayant réclamé lors du conseil municipal fin mai la « protection fonctionnelle » face à un blog qui « comporte un très grand nombre de contre-vérités, d’insinuations, de diffamation portant atteinte à ma dignité et mon honneur ». Et Jean-Pierre Giran de dénoncer des « mensonges, des incursions scandaleuses dans ma vie privée comme au sein de ma famille ». Avant d’inviter « à aller voir ce site » !
Dont acte : depuis, l’audience du « Gabian » a grimpé ! « J’ai même des personnes qui me font part d’autres informations, se réjouit Reynold Ignace. Ce blog fait sourire bon nombre de personnes. Et il est normal qu’il y ait des contre-pouvoirs. C’est ce que j’ai dit quand j’ai été entendu. J’ai mis en avant la liberté d’expression, le droit à la satire. Et j’ai bien évidemment évoqué les preuves de tout ce que j’avance. En attendant, en voyant le maire demander la protection fonctionnelle, j’ai lancé une cagnotte en ligne pour l’aider à payer ses frais d’avocat. »
Pas de quoi faire sourire l’édile : « Avant l’élection, je comprends qu’on cherche à affaiblir ceux qu’on ne veut pas voir élus, proteste Jean-Pierre Giran. Mais après, il ne reste que la haine et la bile. Ce blog n’a qu’une mission, c’est de dénigrer, de diffamer mon action. Mais aussi par des intrusions dans ma vie personnelle. J’ai donc porté plainte. Comme le président de la métropole parce que ce blog dit que c’est le lieu des passe-droits et du népotisme. » Quand on lui demande contre quoi il a porté plainte précisément, il répond : « Dans le Monopoly, il est dit que je n’ai pas de logement sur Hyères. C’est n’importe quoi ! Je n’ai pas attendu 74 ans pour me faire insulter. On n’est pas au pays de Molière mais dans le caniveau. Et si vous trouvez ça humoristique, c’est que ce n’est pas vous qui êtes mis en cause ! »
De fait, les premiers magistrats ne goûtent que moyennement les sites web. Georges Cristiani, le maire très divers de Mimet, n’a jamais apprécié le blog que tient Martine Colombani, une de ses habitantes. Et rappelons, pour mémoire, que le maire lui aussi tout terrain d’Istres, François Bernardini, avait poursuivi conjointement le Ravi mais aussi et surtout le site web d’un de ses anciens proches, devenu un de ses plus farouches opposants ! Si l’édile avait, pour le Ravi qui a été relaxé, tapé à côté, la conséquence immédiate fut la disparition pure et simple du blog…