« La satire est le meilleur levier pour renverser les dominations »
Charline Vanhœnacker
Humoriste
♦ le Ravi n°81, janvier 2011. En 2011, le Ravi publie son premier palmarès des villes à fuir. Un vrai travail de data-journalisme pour repérer les communes les plus repoussantes, flippantes, ennuyeuses… Et un ton 100 % satirique. Fréjus gagne la 1er édition. Quatre autres palmarès suivront…
« Et tout d’abord, félicitations pour vos dix-huit ans !
La presse satirique a vocation à se moquer du réel, mais aussi de ses confères mainstream, de cette presse censée faire référence. Le but de la satire est de renverser les dominations, de faire que le « grand » deviennent le plus « petit ». Face aux médias dominants, les news magazines, ceux qui sont les plus vendus, ceux qui captent aussi toutes les aides de l’État, qui sont parfois moutonniers, le David / Ravi cherche donc, avec son « palmarès des villes à fuir », à combattre Goliath…
La satire a des vertus pédagogiques. On nous fait souvent le procès d’ouvrir la porte au populisme, de se moquer systématiquement de tout le monde. Mais en réalité, le rire peut emmener les gens à la politique. J’en suis l’exemple typique. C’est après avoir regardé le « Bébête Show » puis « Les Guignols de l’info » que j’ai fini par faire Sciences Po.
J’ai envie de citer Le Journal du jeudi longtemps animé par le dessinateur Damien Glez au Burkina Faso sous la dictature de Camparoé, qui a poussé la logique de la caricature jusqu’au bout… En France, la satire recule tous les jours. Cela a commencé avec l’attentat contre Charlie. Cela s’est poursuivi avec le départ des Guignols, sur Canal +, autrefois la chaîne de l’humour subversif et où, aujourd’hui, ceux qui s’y essayent sont aussitôt virés. Avec la diffusion des Guignols, la télévision, un média de masse, jouait un rôle pédagogique d’éducation à la caricature. Cela s’est perdu.
Il reste la presse écrite. Mais le souci c’est que les gens achètent de moins en moins les journaux satiriques, désormais presque les seuls qui continuent à publier du dessin de presse. Les gens ont perdu l’habitude de verser leur obole pour être informés. La satire est devenue un combat de tous les jours. C’est pourtant un autre moyen de raconter, qui vaut bien un édito, un reportage, en proposant un récit alternatif. C’est celui qui permet de prendre le plus de recul pour réfléchir sur l’actualité. La satire a aussi des vertus de dédramatisation. Elle permet de canaliser la colère. C’est – une fois de plus – le meilleur levier pour renverser les dominations dont les deux principales sont toujours le capitalisme et le patriarcat… »
Pour fêter le 18e anniversaire du Ravi, de grands témoins commentent des Unes marquantes ou des rubriques emblématiques dans le 200ème numéro du régional pas pareil qui ne baisse jamais les bras…