Confinés chez les voisins !

Le Covid-19 comme le confinement auront révélé l’importance de l’entourage. Et la place qu’il prend. À commencer par les voisins ! Allons donc voir les nôtres. À 150 km de la cité phocéenne, L’Agglorieuse. L’hebdo « pas pareil » de Montpellier a pignon sur rue, à côté de la Comédie, la place principale de cette métropole, où, comme à Marseille, malgré le confinement (et même un couvre-feu !), il y a du monde dehors.
Après tout, on est dans la ville de Rémi Gaillard, un youtuber entre Michael Youn et Coluche dont le slogan est « c’est en faisant n’importe quoi qu’on devient n’importe qui » et qui a été jusqu’à se présenter aux municipales, obtenant un peu moins de 10 %. Sauf que l’heure n’est guère à la politique, explique Tristan Cuche, le patron de ce canard né en 2002.
L’Agglorieuse fait sa une sur le Covid, titrant « Poison d’avril » avec un virus aux allures de pieuvre : « Plus personne ne fait campagne et les politiques ne parlent que du Covid. Alors nous aussi. Ce n’est pas un paysage politique atone qui permet de remplir un journal de 80 000 signes. »
Mais l’hebdo, qui se veut « moins engagé que satirique », ne délaisse pas son terrain favori : « Il y a un maire dans le coin qui fait parler de lui en réclamant carrément l’annulation des municipales. On l’a invité sur notre webTV. »
Une interview où, malgré les masques et le gel hydro-alcoolique, notre collègue ne prend pas de gants. Dans le local où l’entretien est tourné, est accroché un moulin à légumes sur lequel est inscrit : « Ici, on presse les grosses légumes ! ». Sourire de notre confère : « Le maire, Philippe Saurel, se définit comme un “socialiste freestyle”. Nous, on est un journal freestyle. Ça ne nous empêche pas d’avoir tout le monde. Il n’y a que l’ancien maire, Georges Frêche, qui nous avait mis sur sa liste noire, nous qualifiant de “torchon”… »
La pandémie n’est pas sans conséquences : « On a réduit la pagination pour alléger la facture. » D’ordinaire, L’Agglorieuse, qui tire à 2500 exemplaires, en diffuse entre 1600 et 1800 sur tout le département de l’Hérault, se partageant entre le kiosque et l’abonnement (40 % chacun) mais aussi le web (20 %). Avec le confinement, « les kiosques ont fermé et les gens ne sortent plus. Là où on en vendait 1000, on n’en vend plus que 200 ». Et si l’abonnement résiste, dans un billet intitulé « La Poste vous abandonne, nous non », l’hebdo estime à un tiers les abonnés qui n’ont pas reçu leur journal. Autre difficulté ? « Les annonces légales. Ça a baissé de 50 %. » Ultime conséquence ? « Jusqu’à présent, on n’intervenait pas dans les écoles. Là, on nous l’a demandé pour la Semaine de la presse à l’école. On était prêt à le faire. Et ça a été annulé. »
Mais Tristan Cuche assure : « Le Covid n’a pas changé grand-chose dans notre manière de fonctionner. On ne fait plus de conférence de rédaction depuis des lustres ! Les réunions, c’est une perte de temps ! Et puis, il y a dans l’équipe des caractères bien trempés. Gérer à distance, ça évite les tensions. »
Il en est un qui, lui, ne cache pas l’incidence de la pandémie, c’est Pierre-Emmanuel Azam, un ancien de La Marseillaise, qui a lancé il y a 3 ans La Pieuvre du Midi, un hebdo satirique à Béziers distribué à un millier d’exemplaires. Et qui est devenu, avec la crise, La Pieuvre du maquis : « On s’est replié sur le net parce qu’on n’a plus de quoi payer l’imprimeur. Et en gratuit parce qu’on ne sait pas faire autrement. Avec l’épidémie, certains annonceurs nous ont lâché et les factures qui restent à honorer pèsent lourd. On a donc lancé un appel à soutien et obtenu 3000 euros. Mais on aurait besoin du triple. »
Le pire, c’est que dans la ville de Robert Ménard, maire d’extrême droite réélu à 68 %, notre confrère, qui gère 90 % du contenu, ne manque pas de matière : « On est la 1ère ville où le contrôle d’une attestation s’est soldé par un mort. Pour lutter contre le Covid, Ménard a supprimé les bancs mais interdit jusqu’à peu à sa police de porter un masque pour ne pas effrayer la population. Et les gens applaudissent ! Certains craignaient que je n’arrive pas à remplir. Je suis obligé de faire le tri ! Et Ménard ne m’a jamais attaqué. Mais ne me parle plus. Ça ne m’empêche pas de faire mon boulot. Et de l’interroger systématiquement. Car, contrairement à d’autres journalistes, il ne me fait pas peur. » Pourvu que ça dure !