Un toit, c’est un droit !
Quand une élue RN se plaint du financement d’une structure, ça ne peut qu’éveiller notre curiosité. Surtout lorsqu’il s’agit de nos collègues du mensuel écolo L’Âge de faire. Qui ont quitté leur grange aménagée près de Sisteron pour monter, avec la MJC, leur « Maison commune » à Château-Arnoux-Saint-Auban.
En voyant ce projet bénéficier de quelques subsides, l’élue RN Marie-Anne Baudoui-Maurel monte au créneau lors du conseil de Provence Alpes Agglo de février pour dire son « incompréhension et son opposition » : « L’argent public ne doit pas servir à soutenir des actions politiques ». Pour elle, cette « coopérative de journalistes, dont l’une d’elles a été en garde à vue pour avoir participé au passage de migrants à la frontière franco-italienne » est « politique : ils ont des liens avec Basta, Attac ». Pire : « Il y a au rez-de-chaussée un bar et, à chaque manifestation, ils invitent à un apéritif pour attirer les gens ! »
Sourire de Lisa Giachino : « Oui, on bénéficie de fonds publics, notamment européens. A l’origine, on était la structure la plus solide pour porter ce projet. Aujourd’hui, c’est une coopérative pour laquelle on a emprunté 50 000 euros. Que le RN se rassure, notre but n’est pas d’organiser des apéros. Mais d’animer un lieu pour faire du lien. »
Lieu partagé
Un projet qui remonte aux origines du mensuel. Qui, en investissant d’anciens locaux d’Arkema, s’associe à la MJC et à une association de sensibilisation aux questions environnementales. Un « lieu partagé pour unir nos forces », revendique cette maison qui, à terme, doit accueillir, outre un bar, une bibliothèque, des bureaux partagés, avec, autour, des jardins. « Le rez-de-chaussée, comme le jardin, sont encore en jachère, précise Lisa. Mais on a déjà investi le premier étage et on anime des ateliers avec la MJC. Avec le confinement et ses suites, on est un des derniers endroits à accueillir des réunions. »
Retour sur cette crise qui n’en finit pas : « Durant toute cette période, avec les travaux auxquels on a participé, c’était bien qu’il y ait des choses à faire. Pour pas mal de monde, ce fut quelque chose de positif. Et, on n’a pas du tout été en télé-travail. Pour travailler, c’est important d’être ensemble. » Et d’ajouter : « On va faire des choses avec nos lecteurs. Peut-être pas ouvrir nos conférences parce qu’on n’est pas un journal local. Mais l’idée, c’est donner de la visibilité à ce que l’on fait. Et à ce que font nos médias… »
Autre exemple de média « adossé » à un lieu ? Terres vivantes. Leur slogan : « Des livres, un magazine, un centre ». Un projet, à la base parisien, qui existe depuis maintenant quarante ans et qui a vu un magazine autour de l’écologie – Les 4 saisons – se diversifier. En éditant des ouvrages. Mais aussi en s’adossant, il y a une vingtaine d’années, à un centre écologique dans le Vercors : un centre de formation, d’apprentissage avec hébergement et restauration !
Presse et CDB
Dans un autre registre et plus près de nous, le site web 15/38 Méditerranée, après avoir partagé les locaux du Ravi, vient de s’installer en plein centre-ville de Marseille dans une boutique, Ekonature, qui vend des produits à base de chanvre et de CBD !
« Avoir un lieu à nous, c’est une envie qui date de la naissance du média. Pour y organiser des rencontres, des expos, des ateliers… Dès le début, on voulait aller à la rencontre de notre public, explique notre consœur Coline Charbonnier. Mais quand on lance un média, on a mille choses à faire. Et pas les forces pour lancer un lieu tout seul ! »
Après avoir un temps envisagé de s’installer dans un bar place Jean-Jaurès, 15/38 établira ses quartiers à la lisière entre la Plaine et le cours Julien dans ce qui fut une boutique de vêtements puis un restaurant dont le Covid aura la peau. « Malgré les contraintes sanitaires, comme c’est une boutique, le lieu est ouvert », souligne Coline. Son collègue Justin de Gonzague renchérit : « Et ce que propose la boutique est en cohérence avec les thématiques qui nous tiennent à cœur : l’écologie, la biodiversité, les circuits courts… »
Au mur, des photos. Dans un coin, une bibliothèque où, explique Justin, « chacun peut déposer un livre avec un commentaire audio. Plus il y aura de commentaires, plus cela pourra déboucher sur une discussion thématique ! » Nos collègues rêvent de « bornes d’écoute », de « cours d’arabe », de « conférences de rédaction ouvertes », de présentation de travaux de chercheurs sur la Méditerranée…
En attendant, ce matin-là, ils sont trois : Marius, Camille et Isaac. Pas encore 10 ans. Mais déjà pas mal d’imagination. Justin leur soumet deux clichés d’un « marathon photographique que l’on a organisé sur tout le pourtour méditerranéen ». D’un côté, une vue plongeante dans une cage d’escalier. De l’autre, une façade décrépite où le fil à linge a des allures de barbelés. Et les voilà à détourner ses clichés : « Je vais ensuite leur demander ce que leur ont inspiré ces photos et je vais les enregistrer », décrypte Justin. Et Colline d’ajouter : « Avoir un lieu nous permet d’organiser comme bon nous semble nos ateliers d’éducation aux médias. » Avant de conclure : « Le journalisme est souvent un travail solitaire. Or, on le voit avec les pigistes qui se regroupent en collectif, on a tous besoin d’un lieu. Ne serait-ce que pour échanger. Ou se serrer les coudes ! »