De l’importance des grands-messes
C’est encore avec un brin d’émotion que l’on se souvient de notre expédition en 2019 aux Assises du journalisme à Tours où le Ravi avait pu présenter son travail aux côtés d’autres médias « pas pareils » dans une petite salle tandis que l’ex-présentateur vedette de TF1 Harry Roselmack avait, lui, enfant du pays, les honneurs de la grande scène. Depuis, pas de nouvelle invitation !
Il faut dire que la dernière édition, l’an dernier, a été annulée pour cause de pandémie, avec maintien tout de même d’une édition spéciale début octobre sur le thème « Informer en temps de Covid ». Et voilà que fin mars, rebelote, l’organisation annonce, avant même le troisième confinement, le report de la quatorzième édition (initialement prévue en mai) en octobre 2021 : « L’amour du journalisme est un sport de combat », peut-on lire sur le site de la manifestation. Qui espère pouvoir maintenir sur la thématique de « l’urgence climatique » cet automne « des Assises comme avant avec des rencontres “en vrai”… »
Mettre en commun
Jacques Trentesaux, le fondateur du site web d’investigation locale Médiacités, se souvient encore de la dernière édition : « C’était un peu triste parce que même si on avait pu se rendre sur place pour cet événement, il y avait beaucoup de monde à distance… » Lui qui vient d’intégrer le bureau du Spiil (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne, dont le Ravi est adhérent, Ndlr) est chargé d’organiser la « journée de la presse indépendante » : « L’édition de l’an dernier a été annulée. Et l’on ne sait si on va pouvoir tenir la prochaine cet automne. Mais, même s’il faut la faire à distance, il est nécessaire de l’organiser. Car notre syndicat connaît une véritable dynamique – on est plus de 200 maintenant – et qu’il est important de se retrouver pour partager, mettre en commun. Et, en ce moment, on en a plus que jamais besoin ! »
Si le programme de la prochaine « journée » du Spiil n’est pour l’heure pas connu, elle devrait à nouveau être l’occasion pour les membres de se retrouver et d’échanger non seulement sur des questions pratiques – « comment monétiser son audience », « organiser une rédaction »… – mais aussi sur des questions de fond(s) : « les droits voisins, les nouvelles formes d’aides à la presse », explique Jacques Trentesaux. Qui, à la faveur d’une levée de fonds de 450 000 euros envisage de lancer à l’automne Médiacités dans une cinquième ville qui pourrait être… Nice. Et d’apprendre avec intérêt que c’est dans l’arrière-pays niçois que devraient se tenir, début juin, les premières « Assises transnationales et intergalactiques de la presse libre, satirique et indépendante ».
À l’origine de cette initiative ? Plusieurs médias niçois : M’ouais, Télé Chez Moi… Où officie Philémon, plus connu sous le nom de Macko Dragan qui a défrayé la chronique récemment en annonçant sur son blog à Mediapart sa candidature à la présidentielle ! : « L’idée de ces rencontres, c’est parce qu’à Nice, surtout lorsqu’on est militant, on a toujours un peu l’impression d’être isolé. On veut donc tisser des liens avec d’autres représentants de la presse alternative. »
Construire une alternative
À un mois de ces assises qui se dérouleront le premier week-end de juin en plein air, une vingtaine de médias ont déjà dit leur intention de venir : « Il y a des gens qui viennent de partout. Le Trou des Combrailles, du côté de Clermont, La feuille de chou qui se trouve à Strasbourg, Les autres possibles de Nantes mais aussi L’Âge de Faire, CQFD… Avec le macronisme, on voit les médias traditionnels s’effondrer, analyse notre confrère. À nous de construire une alternative crédible. Avec des médias indépendants, qui font de l’enquête. Mais sans forcément ne compter que sur le militantisme et le bénévolat. Comment on se finance, comment on se diffuse, comment on dépasse le microcosme traditionnel de la presse alternative, voilà ce dont on va discuter ! »
Ça causera aussi dessin de presse, subjectivité, féminisme, complotisme, propagande, relations avec les lecteurs… Ce qui donne de l’espoir à Philémon, « c’est l’effervescence médiatique qu’il y a depuis deux ans avec la création de médias qui ont accompagné les luttes et mobilisations. Quant à la création du fonds pour une presse libre de Mediapart, c’est également une très bonne nouvelle ». Notre collègue qui se dit clairement « libertaire » ne se voit pas en revanche solliciter les pouvoirs publics : « On est capable d’accompagner des mouvements revendicatifs mais rien ne sert de réclamer quelque chose à des gens dont on sait qu’ils ne nous accorderont rien. Notre volonté, c’est de faire collectif, faire société. Mais aussi imaginer d’autres modèles. » Et de citer les exemples sud-américains, avec partage de l’espace public entre médias privés, publics et communautaires.
Parmi les invités, devraient être présents le journaliste et documentariste David Dufresne, le réalisateur d’Un pays qui se tient sage, et Philippe Merlant, figure de la presse citoyenne et participative qui présentera sa nouvelle conférence gesticulée. Mais aussi Alexandra Pianelli, la réalisatrice du film Le Kiosque dont le Ravi vous a déjà parlé. En revanche, tristesse : notre consœur Éloïse Lebourg, de Médiacoop, ne sera pas de la partie. Mais il se pourrait que se tiennent à l’automne entre Clermont-Ferrand et Meymac en Corrèze de nouvelles Rencontres des médias libres tandis que la Fédération de l’audiovisuel participatif qui devait initialement se réunir à Marseille pourrait se retrouver du côté de Brest à l’occasion de la 20ème édition d’un autre festival « intergalactique », celui de « l’image alternative ». Ça va être un sacré embouteillage à la rentrée. Merci le Covid !
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