Les « journaflics », le rêve de Darmanin !
Les appels à s’allier à la macronie du maire LR Christian Estrosi ne sauraient faire illusion : quand c’est bleu marine, ça vient de Nice ! C’est en marge du Tour de France qu’un couple s’est violemment fait interpeller pour « non-port du masque », le témoin qui a filmé la scène ayant lui fait l’objet de poursuites pour « outrage ». C’est à Nice que des militants ont été condamnés pour avoir lancé, lors d’un défilé de la fonction publique, des slogans hostiles à la police que n’a guère goûté le syndicat Alliance. Et c’est à Nice qu’officie le député LR Éric Ciotti à qui le Ravi a accordé il y a peu un plâtre pour sa proposition visant à flouter le visage des forces de l’ordre.
Ciotti en rêve ? Le nouveau « sinistre » de l’Intérieur obtempère. Au sortir du congrès de l’Unsa Police, s’il n’est question d’« empêcher les gens de filmer », Gérald Darmanin a dit retenir « l’idée d’obliger les télés et les réseaux sociaux à ne pas diffuser les images des visages des policiers mais de les flouter ». Quoi de plus logique venant d’un ministre qui s’« étouffe » lorsqu’on parle de « violences policières » et assume la terminologie frontiste d’« ensauvagement » ?
Journalistes embarqués
Comme Acrimed (Action Critique Médias), le syndicat national des journalistes (SNJ) s’est étranglé à la lecture du « schéma national du maintien de l’ordre ». Le document clame pourtant que « l’exercice de la liberté d’expression et de communication est une condition première de la démocratie ». Mais, quand la place Beauvau veut « assurer une prise en compte optimale des journalistes » et « protéger le droit d’informer », méfi ! Certes, il est rappelé « la nécessité de préserver l’intégrité physique des journalistes » qui se voient même autorisés à « porter des équipements de protection ». Mais ne semblent être tolérés que les « journalistes titulaires d’une carte de presse » et « accrédités auprès des autorités » ! Depuis, rappelle la com’ du ministère, Darmanin a rétropédalé. En attendant, quid des journalistes qui, du fait de leur rémunération ou de leur statut, ne peuvent prétendre au bout de plastique tricolore ? D’autant que son absence semble avoir joué dans l’arrestation du journaliste reporter d’image (JRI) de Taranis News, Gaspard Glanz, lors de la manifestation Gilets jaunes à la mi-septembre à Paris.
Pour renforcer « une meilleure connaissance mutuelle », le schéma préconise des « exercices conjoints permettant aux forces d’intégrer la présence de journalistes dans la manœuvre et à ces derniers de mieux appréhender les codes et la réalité des opérations de maintien de l’ordre ». Mais aussi « des sensibilisations au cadre juridique des manifestations, aux cas d’emploi de la force et aux conduites à tenir » en cas de sommation. En clair, précise le ministère au Ravi, des journalistes pourront « participer à des exercices avec les forces de l’ordre », comme l’AFP au « centre d’entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier ». Et notre interlocuteur d’ajouter, magnanime : « L’embarquement de journalistes au plus près des forces est également possible. » En attendant, comme l’indique le schéma, « le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ».
S’immerger pour informer
Pas question pour le SNJ de « mettre au pas les journalistes », le syndicat estimant que « le ministre de l’Intérieur bafoue ouvertement la liberté de la presse ». Et s’interroge : « Depuis quand il revient au ministère d’éduquer les journalistes ? Pourquoi ne pas leur tenir le stylo ou la caméra par-dessus le marché ? » Le SNJ-CGT s’est lui aussi emparé du dossier et la Ligue des droits de l’Homme a décidé, elle, d’attaquer en justice ce schéma.
De retour d’un week-end de rencontres des Gilets jaunes à Tardes et après avoir couvert la manifestation parisienne, notre collègue de RSI Médias, Éric Morin, serre les dents : « Tout est fait pour nous empêcher de travailler. Nous, par exemple, n’avons qu’une carte de presse internationale. Et il arrive que les forces de l’ordre refusent de reconnaître de tels documents. Quant aux formations proposées, à part nous apprendre à quel moment dégager, quel intérêt ? Et si c’est pour rester derrière ou à distance… Alors que tout l’intérêt, c’est d’être en immersion. Pour montrer ce qui se passe ! »
Mais comment s’étonner quand on voit Macron sermonner publiquement un journaliste – du Figaro ! – au nom de la déontologie ? La macronie rêve de « journaflics » le petit doigt sur la couture. Et les grandes manœuvres pour 2022 ont déjà commencé. En atteste la sortie du Nouveau conservateur une revue où, entre Éric Zemmour et Marion Maréchal (nous voilà) Le Pen, on trouve Valérie Boyer, ex-porte-parole de Martine Vassal. Mais tout n’est pas perdu : l’IGPN (Inspection générale de la police nationale) vient de qualifier de « disproportionnée » la violence déployée par la police à l’encontre, notamment, de la militante pacifiste niçoise Geneviève Legay. Et c’est à Nice que se préparent les « Assises transnationales et intergalactiques de la presse libre satirique indépendante ». Auxquelles le Ravi se fera un plaisir de participer !