Circulez, y a rien à voir !
L’information circulait, par SMS ou bouche-à-oreille. Comme lors du couvre-feu, se prépare ce vendredi soir, pour « fêter » ce reconfinement, un apéro de rue dans le centre-ville marseillais. Préparant un dossier sur la question des libertés publiques, nous allons donc voir à quoi ressemble cette fête clandestine.
Il est 19 heures, à l’angle du boulevard de la Libération et de la rue Chape, sur cette petite place, quelques dizaines de personnes se retrouvent autour d’une sono et d’une petite table où trônent deux cubis et du jus de pomme. Rien à voir avec une « Covid-party » ni un rassemblement de militants anti-masques mais plutôt l’envie de dire que, malgré le confinement, les interdits et les durcissements sécuritaires qui se profilent au nom de la guerre sanitaire, la vie continue.
En bande organisée
Dans l’assistance, des habitués des manifestations marseillaises, des militants qui se préparent le lendemain à dénoncer la situation au centre de rétention du Canet mais aussi un père avec son fils, un autre avec sa fille, encore flanqués, eux, de leur cartable. Le rassemblement, bon enfant, suscite la curiosité et pas une once de réaction hostile ou de désapprobation.
Inquiétude tout de même lorsque remonte le boulevard plus d’une dizaine de cars de CRS. Qui ne s’arrêteront pas… Pas la peine : la fête se tient sous l’œil d’une des nombreuses caméras de vidéosurveillance qui quadrillent le centre-ville de la cité phocéenne.
Méfiance tout de même : fin octobre, en marge de la venue à Marseille du premier ministre Jean Castex, une manifestation pour rappeler la mort il y a deux ans de Zineb Redouane a vu un déploiement de force sans précédent. Une petite cinquantaine de manifestants se sont fait « nasser » boulevard Roosevelt, à côté de l’église de Réformés. Avec quasi autant de fourgons de police que de manifestants ! Pire, une jeune femme a passé la nuit en garde à vue pour avoir lancé quelques victuailles aux personnes coincées entre les cordons de police.
Là, à la veille du week-end, un joueur de djembé s’invite. Et vient accompagner le remix de En bande organisée ou ce classique qu’est Belsunce Breakdown. 21 heures. De nouveaux invités surgissent : deux voitures de police ! La maréchaussée semble déterminée à faire respecter un couvre-feu, même s’il n’est plus officiellement à l’ordre du jour depuis le reconfinement. Si les fêtards se dispersent dans les rues adjacentes, quelques personnes se font arrêter.
Carte tricolore
Alors, nous sortons notre carnet de notes pour demander aux représentants des forces de l’ordre pour quel motif ces personnes se font arrêter. Un policier examine, méfiant, notre carte de presse. Son chef fait la moue et explique qu’il n’a « pas envie » de répondre. Et nous demande de quitter les lieux. On insiste. Ne serait-ce que pour savoir si ces personnes risquent une simple amende ou plus.
Et nous voilà verbalisés pour « non respect du confinement » ! Visiblement, la police marseillaise ne prête que peu de valeur à ce bout de plastique, pourtant tricolore, qu’est une carte de presse. Et ne semble pas avoir pris connaissance, début novembre, des consignes de la « cellule de crise interministérielle », relayées par l’ensemble des syndicats de notre profession (SNJ, SNJ-CGT…), précisant que « la carte de presse suffit pour les déplacements des journalistes » (1). Qui plus est dans l’exercice de leur métier. À croire que la liberté de la presse, elle aussi, est désormais confinée…
1. La préfecture de police des Bouches-du-Rhône n’a pas répondu à notre sollicitation