Promesses en suspens
Le Covid a eu la peau des traditionnels vœux des institutions à Marseille. Mais Benoît Payan s’est distingué en invitant les journalistes à assister, dans le hall de l’espace Bargemon, à une « conférence de presse de rentrée ». L’occasion inespérée de questionner le maire sur l’une des promesses du Printemps marseillais pour une « ville plus démocratique » : « soutenir les médias indépendants » !
Hasard du calendrier, nous sommes un 7 janvier, sept ans jour pour jour après l’attentat meurtrier contre Charlie Hebdo. le Ravi n’est pas menacé par des terroristes mais en 2021, pour la première fois en dix-huit ans d’histoire, la Tchatche, son association multipliant actions éducatives et projets de journalisme participatif, a été ignorée par la totalité des collectivités locales (1). La ville de Marseille n’a pas fait exception : ni financement sur des actions culturelles, ni budget d’annonce institutionnelle.
Question : « Le soutien aux médias indépendants sera-t-il à l’agenda en 2022 ? » Benoît Payan, d’abord prévenant : « le Ravi participe à la vie démocratique de cette ville, il y est essentiel, et je ne souhaite pas qu’un média quel qu’il soit disparaisse. Que cela me fasse plaisir, que j’aime le lire ou pas, que je considère que ce média soit juste ou injuste avec moi, ce n’est pas mon sujet… » Bonne nouvelle ! Mais le maire pose un premier bémol : « Pour autant, on gère une situation contrainte et extrêmement difficile. Je ne fais pas de promesse en disant ne vous inquiétez pas, tout ira bien. » Puis il lance une pique : « J’ai en mémoire une subvention spécifique pour un média et c’était le vôtre. En tout cas, cela ne veut pas dire que cela doit continuer. Je ne sais pas ce qu’il se passera en 2022 ou 2023… » (1)
Et la promesse de soutien aux médias indépendants ? « Je ne me réjouis pas si un média est à genoux ou s’il ferme, conclut Benoît Payan. La situation est compliquée. Mais encore une fois, je ne suis pas ici pour vous dire je vais sauver le Ravi. D’abord parce que vous ne l’accepteriez pas. Et ensuite ce n’est pas mon rôle. » Sauver le Ravi ? Ce n’est pas la question. La Tchatche, en 2021, s’est auto-financée à plus de 70 %. Une prouesse dans le milieu associatif. Mais quid du soutien promis à tous les médias indépendants ? Et l’engagement de rompre avec la gestion clientéliste des budgets de communication qui se chiffrent en millions ?
Marsactu rebondit, ce 7 janvier, en interrogeant Benoît Payan sur l’absence de réponse concernant le montant et la répartition des budgets « com » de la ville. « Ne croyez pas qu’il y ait des financements publics à certains médias que je veuille vous cacher, s’insurge le maire. Je vais demander qu’on vous réponde. » En 2022 ou en 2023 ? « Depuis l’élection du Printemps marseillais, en dehors d’un soutien officiel à La Marseillaise lorsque le titre a été en difficulté, le Printemps n’a pas mis en place de règles claires, commente plus tard Jean-Marie Leforestier, rédacteur en chef du quotidien en ligne. Ils font comme faisaient les autres auparavant. Cela ne bouge pas. »
Laurent Lhardit, adjoint au maire (PS), en charge du « dynamisme économique, de l’emploi et du tourisme » espère justement des avancées. « Je voudrais arrêter au sein de la municipalité une position de principe concernant les médias locaux, explique le co-fondateur du Mouvement, un “laboratoire métropolitain d’idées”. C’est notre intérêt stratégique qu’un maximum de médias puissent vivre. La qualité du débat public risque de s’appauvrir s’il ne reste plus que les BFM TV. La chance sur notre territoire c’est que vous existiez. Je préfère un canard qui nous tape dessus régulièrement mais qui porte des regards et des informations que d’autres ne sortent jamais. » Alors vivement le printemps ?
1. En 2021 seule la mairie de secteur du 4/5 a financé un projet de journalisme participatif de la Tchatche dans un centre d’animation municipal. La ville de Marseille avait acheté au Ravi, en 2020, de la publicité pour une exposition. Un soutien inédit mais non renouvelé. Zéro euro en 2021 pour le Ravi en mairie centrale de Marseille, comme au Conseil régional. Et seulement 3 000 euros pour des interventions dans les collèges accordés par le CD 13. Lequel a supprimé, sans préavis ni explication, 18 000 euros jusqu’ici accordés au titre de son « aide aux médias associatifs ».
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