« Affaire Rouillan » : chronique d’un emballement médiatique
14 jours ! C’est le temps qui s’est déroulé entre la diffusion de la Grande Tchatche avec Jean-Marc Rouillan et la polémique médiatique sur une phrase prononcée durant l’émission. Le mardi 27 février nous l’enregistrons à 13 heures comme d’habitude dans les conditions du direct, c’est-à-dire sans coupe et sans montage, avant sa diffusion sur le 88.8 FM (radio Grenouille à Marseille) à 17H30 puis, dans la foulée, avant sa mise en ligne sur le www.leravi.org (en cliquant par ici). Le vendredi 4 mars le numéro 138 du Ravi contenant des extraits de l’entretien arrive chez les abonnés et les marchands de journaux. Mais il faut attendre le lundi 7 mars pour qu’un premier papier sur leparisien.fr suivi d’un sujet sur France info créent durant 24 heures une bulle médiatique conduisant le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, à « requérir la révocation de la liberté conditionnelle » de Rouillan.
Au départ, c’est la blogosphère d’extrême droite qui donne le « la ». Au cours du week-end des 5 et 6 mars, une photo de la page du Ravi stabilosée, relayée sur des sites comme Fdesouche, circule sur les réseaux sociaux. Le bureau marseillais de l’AFP Marseille repère les messages mais choisit dans un premier temps de ne pas sortir de dépêche. Un de ses journalistes relaie toutefois le cliché sur con compte tweeter avec pour commentaire (personnel) : « pas gêné, l’ex Action Directe » ! C’est le début de l’emballement avec le sujet « Rouillan » martelé en boucle sur les chaines d’information en continu… La première dépêche officielle de l’AFP ne tombe que tardivement le lundi 7 mars à 21h02. Et elle comporte une jolie « bourde » : à la douzième ligne le Ravi y est qualifié de « mensuel militant d’extrême gauche », comprenez dans le contexte, « le porte parole partisan de Jean-Marc Rouillan ».
Plus rigoureux que l’AFP, la plupart des médias nationaux nous qualifient de « satirique marseillais » mais la dépêche est parfois reproduite, comme en dernière page de La Marseillaise (Pierre Dharréville le président des éditions des Fédérés qui édite le quotidien s’en est excusé). Lemonde.fr reprend cette qualification quelques heures avant de rectifier et de définir le Ravi comme « le mensuel indépendant de la région Paca » . Après avoir tenté un « mais ce n’est pas péjoratif extrême gauche ! », Catherine Rama, la directrice régionale de l’AFP a reconnu une « erreur d’un bon journaliste mais récemment affecté à Marseille ». Ouf tout s’explique ! Nous recommandons à notre nouveau confrère d’éviter de qualifier La Provence « de fanzine aux mains d’un bonimenteur sur le retour », La Marseillaise « d’organe officiel du Komintern » ou France bleu Provence « de bande son pour banquet d’agonisants »…
Mais il y a plus tragique car témoignant du dysfonctionnement de toute une profession. Dans la foison des sujets imprimés, radiodiffusés ou télévisés sur l’affaire « Rouillan », la quasi-totalité des journalistes se sont contentés de reprendre une à trois phrases de l’entretien, toujours les mêmes. Une petite minorité de médias ont pris la peine de lire la version imprimée de l’entretien dans son intégralité. Et seuls quelques aventuriers ont osé écouter l’émission – elle dure une heure – pourtant pour tous en accès permanent et gratuit sur notre site. Quant aux commentaires sur le fond, c’est un autre sujet sur lequel il faudra revenir.
Michel Gairaud
Procès le 24 juin 2016 Jean-Marc Rouillan devait être normalement jugé ce 1er juin 2016 devant la 10ème chambre du tribunal de Paris pour « apologie du terrorisme » suite à son entretien dans le cadre de la Grande Tchatche, l’émission politique du Ravi sur l’antenne de Radio Grenouille. Le procès a été renvoyé au 24 juin 2016. Ses avocats ont d’ores et déjà prévu d’interroger la question de « la liberté d’expression en rappelant les polémiques entre Sartre et Camus sur le terrorisme ou encore « Pompes funèbres » de Genet ».