Plaisirs interdits
C’est l’histoire d’un couple de Guinéens qui fuient leur pays parce qu’ils refusent l’excision de leur fille de 8 mois. Le bébé mourra pendant l’exil. C’est aussi celle d’une adolescente rentrée chez sa famille pour les vacances et qui rentre « coupée », comme disent certains pudiquement.
En France, autour de 60 000 femmes sont concernées par les mutilations sexuelles féminines, ablation du clitoris, mais aussi des lèvres, petites et grandes, voire suture de l’ensemble. Coutume, mais aussi honneur de l’homme, de la famille, il s’agit de contrôler le corps de la femme et son plaisir. En Paca, si les associations n’ont pas d’ordre de grandeur, toutes s’accordent pour dire que les principales victimes sont les primo-arrivantes. « L’excision perdure en France, mais plutôt à Paris qu’à Marseille. Ici, ce sont surtout des migrantes récentes, qui ont été excisées jeunes et dans leur pays », explique une militante travaillant avec l’accueil aux victimes d’excision de la maternité de la Conception à Marseille.
Dans ce service, les femmes mutilées trouvent un accompagnement psycho-social. Elles peuvent aussi bénéficier d’une reconstruction chirurgicale. Majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne francophone (Mali, Guinée, Côte d’Ivoire), elles viennent afin d’obtenir un certificat d’excision ou de non excision pour leur demande d’asile, mais aussi à l’occasion d’une grossesse. « Lors d’une maternité, les traumatismes ressortent, parfois aussi des douleurs. Il y a aussi beaucoup d’enjeux lorsqu’elles attendent des filles », poursuit cette travailleuse sociale.
« Les mères veulent que leurs filles se marient dans la communauté, elles doivent donc être conformes au modèle », peste encore l’avocate Linda Weil-Curiel, figure de la lutte contre l’excision depuis plus de 35 ans. Mais de pointer aussi le rôle des hommes : « Ce sont eux qui imposent leur loi dans la famille. » Elle a été la première à faire condamner une exciseuse, en 1982, et plaide pour la répression : « Le signalement est un élément de protection. Les procès ont permis à des petites sœurs d’éviter l’excision. »
Un outil rarement utilisé reconnaît notre travailleuse sociale. Elle met plutôt en avant le travail de prévention réalisé dans les pays d’origine. Des actions que soutient par exemple Femmes solidaires en Éthiopie, comme l’explique Annick Karsenty, la présidente de l’antenne du « 13 » : « Cela passe par du travail sur les femmes, mais aussi par le soutien à la scolarité et aux projets professionnels. Y compris des exciseuses. Certaines sont devenues accoucheuses ! »