Vianney d’Alençon sort le bâton contre le Ravi
Envoyer une mise en demeure contre un dessin satirique à trois jours de l’anniversaire de l’attentat contre Charlie Hebdo : Vianney d’Alençon, châtelain de La Barben, ne manque pas d’humour ! Le 4 janvier dernier, les avocats du bouillant homme d’affaires ont écrit au Ravi pour lui demander de retirer, sous peine de poursuites, le dessin illustrant notre article « Rocher Mistral, un château assiégé ».
Dans ce dessin, Na ! croque le châtelain en petit gaulois assiégé, adressant un doigt d’honneur aux camps romains que forment associations, mairie et riverains. Le tout accompagné d’un descriptif : « Un petit châtelain à La Barben résiste encore et toujours aux lois de la République ». « Expression outrageante constitutive d’une injure », tonnent les avocats d’Alençon. le Ravi présenterait le châtelain « comme une personne qui insulte, méprise ou défie la loi et la République et ses institutions […]. En d’autres termes, monsieur d’Alençon est présenté comme un hors-la-loi antirépublicain ». Aux armes !
Procès en appel
Pour ce qui est de défier les institutions, on ne se prononcera pas : partout où il passe, le châtelain de La Barben entretient certes les meilleures relations avec les régions, départements et métropoles, surtout de droite, qui financent généreusement ses projets. Mais avec les communes, c’est autre chose : à La Barben, le maire a fini par prendre plusieurs arrêtés pour tenter de forcer Vianney d’Alençon à respecter les prescriptions d’urbanisme sur la zone d’accueil et de billetterie autour de son château. Sans succès.
Quant au respect de la loi, on peut légitimement s’interroger : à plusieurs reprises, que ce soit pour la réalisation d’une étude d’impact avant le lancement de son projet, ou dans la phase de travaux pour des aménagements ou des installations de matériel dans et aux abords du château, Vianney d’Alençon est passé outre les préconisations concernant les monuments historiques, la protection de l’environnement et tout simplement l’urbanisme et les règles de sécurité. Au point que plusieurs associations de défense de l’environnement ont saisi la justice pénale, notamment. Déboutées en première instance, elles ont fait appel. La procédure court toujours.
La Tribune à la rescousse
Des attaques « uniquement politiques », venues de gauchistes idéologues ou de riverains aigris, incapables d’accepter un projet « de site culturel familial » à la gloire de la Provence ? Pourtant, même les fans de vieilles pierres et d’Histoire de France tiquent. La Tribune de l’Art, magazine en ligne spécialisé depuis vingt ans dans l’actualité du patrimoine, peu suspect de sympathies anarchistes et reconnu selon ses dires par la direction même de Rocher Mistral qui louait « la qualité de vos articles », a publié en septembre dernier une série en treize épisodes consacrée au Rocher Mistral. Son analyse de la situation : l’Histoire qui y est mise en scène relève davantage « des contes et des fables » que de la véracité historique. Quant aux chantiers, « la plupart des travaux menés sur le potager [où sont situés les préfabriqués de la billetterie] ou à ses alentours ont été interdits et tout de même réalisés ; deux autres ont été autorisés avec prescriptions, sans que ces prescriptions aient été respectées. […] Ces irrégularités ne sont pas les seules, et sans doute pas les plus graves ».
Ce curieux respect de la loi de la part de Vianney d’Alençon pourrait peut-être s’éclaircir si celui-ci acceptait de répondre à des questions. Hélas ! A La Tribune de l’Art, le châtelain ne répond que par écrit, mais à côté de la plaque ou en enfilant les contre-vérités. Quant au Ravi, traité de « C News d’extrême-gauche » par le directeur général adjoint de Rocher Mistral (C News serait donc d’extrême-droite ?), et dont le dernier article serait « parfaitement diffamatoire à l’égard de Mr d’Alençon » selon ses avocats, il n’a plus l’honneur d’une seule réponse orale ou écrite depuis son premier article sur Rocher Mistral, en… juillet 2020.
La grande tradition française, que Vianney d’Alençon se flatte de mettre en valeur dans Rocher Mistral, devrait le pousser à admettre le débat contradictoire. Il lui préfère l’attaque a posteriori, dans les prétoires. À défaut de pouvoir pratiquer l’estocade à l’aube sur le pré avec deux épées ? C’est pourtant un exercice auquel le Ravi, comptant d’anciens escrimeurs médaillés, est prêt à se prêter.
Ces pratiques judiciaires, qui ne sont rien de moins ni rien de plus qu’une procédure bâillon contre un média indépendant, n’ont rien que de très roturier. Elles sont l’apanage de personnalités ou d’entreprises soucieuses avant toute chose de s’épargner la critique.
La noblesse dont se revendique Vianney d’Alençon mérite mieux que cela. Quant à celle qui est attachée au métier de journaliste, elle nous amène bien évidemment à ne pas retirer ce dessin, et à maintenir l’ensemble de nos informations.