Détenus et gardiens, démunis face au coronavirus
Depuis plusieurs mois, maintenant, le Ravi intervient à la prison marseillaise des Baumettes, à la SAS plus précisément, une structure expérimentale d’accompagnement à la sortie, pour y animer des ateliers de journalisme. Alors que le premier numéro du journal de la structure est en passe d’être bouclé, voilà que, épidémie oblige, les ateliers du Ravi, comme toutes les autres activités socioculturelles, ont été suspendus. Comme les parloirs. Une situation potentiellement explosive !
D’autant que, dès les premiers signes de l’épidémie, les détenus participant aux ateliers ont exprimé à la fois leurs craintes comme l’envie de savoir comment un établissement pénitentiaire se prépare pour faire face à un tel phénomène. Épineuse question : avant le confinement généralisé à l’extérieur, les services de soin cachaient mal le flou qui entourait les mesures à prendre. Et la capacité à les respecter d’établissements d’ores et déjà saturés …
Réduire le nombre de prisonniers
Hasard ou coïncidence ? Concomitamment à ce qui allait être notre dernière intervention, les équipes du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) achevaient leur inspection des Baumettes. Quelques jours plus tard, cette autorité indépendante s’est fendue d’un communiqué pour recommander, face à la situation sanitaire, de « réduire la population pénale à un niveau qui ne soit pas supérieur à la capacité d’accueil des établissements en proposant, adoptant ou suscitant toute mesure utile pour favoriser les sorties de prison et limiter les entrées ».
Pour l’heure, la Garde des Sceaux s’est contentée d’offrir à chaque détenu 40 euros pour le téléphone et la gratuité de la télé. Pas de quoi satisfaire le CGLP ni l’Observatoire international des prisons, le Syndicat des avocats de France ou encore de la magistrature qui préconisent collectivement de « réduire la surpopulation pour éviter la crise sanitaire ».
Car, problème, comme nous le confie, sous couvert d’anonymat, un membre de l’équipe soignante, « on manque de tout ! De gel, de masques ! Et jusqu’à peu, même de tests pour voir si les gens étaient ou non infectés… C’est une hérésie ! Si rien n’est fait, les prisons vont se transformer en véritables cocottes-minute ! » Ce que nous confirme Guillaume Algrin, responsable local de la branche « santé » pour la CGT.
Tout le monde s’accorde pour dire que la situation est « extrêmement tendue ». Des émeutes ont eu lieu il y a peu à Grasse et, dans plusieurs établissements, nous dit-on, il y a eu des « refus de réintégrer les cellules à l’issue des promenades pour dénoncer la suppression des parloirs ». Khalid Belyamani, représentant régional de la CGT Pénitentiaire se veut toutefois rassurant. Mais, comme son organisation, il n’en réclame pas moins un « décret de grâce » du président de la République.
Confinement impossible
Car, nous dit-il, « il n’y a plus de parloir, plus de travail, plus d’activité. Et nous aussi, on manque de matériel. Alors, même si les promenades s’organisent différemment, on lâche un peu de lest, en laissant les détenus jouer au foot. Et heureusement, on n’a pas fait la même erreur qu’en Italie en supprimant les parloirs sans prévenir. Mais on sait pertinemment qu’on va devoir faire face à l’épidémie. Et dans une prison, on se dit que le confinement, c’est possible. Mais comment faire quand les prisons sont pleines ? Si on veut y arriver, il va falloir les désengorger. En évitant les détentions provisoires. En aménageant les courtes peines et en libérant ceux auxquels il ne reste que quelques mois ».
Pas simple. Car, par exemple, les placements sous bracelet électronique ont été suspendus. La faute au confinement à l’extérieur et donc l’impossibilité de suivi. Alors, comme l’avoue Benoît Vandermaesen, du Syndicat de la magistrature, en charge de l’application des peines sur Aix, « on bricole. Parce que, ne serait-ce que pour notifier nos décisions, on doit, confinement oblige, faire face au manque de personnel ».
Une situation qui n’est pas sans rappeler un des articles sur lequel a travaillé un des participants à l’atelier de journalisme du Ravi aux Baumettes. A veille de sa première « perm », un détenu nous confiera sa crainte de remettre les pieds dehors. C’était avant l’épidémie. L’article s’appelait déjà : « La peur de sortir »…