Quand police municipale rime avec cigales
On compte pourtant à peine 22 000 agents répartis dans 4 500 polices municipales en France, mais cela n’empêche pas ces dernières d’occuper une bonne place dans les débats.
En moyenne, les grandes villes françaises affichent un ratio de 4 à 5 agents de police municipale pour 10 000 habitants. Au-dessus de ce seuil, on peut estimer que la ville veut montrer les dents et prouver à ses administrés qu’elle prend la sécurité à bras-le-corps. Un phénomène marginal dans l’ouest de la France, où des dizaines de grandes communes n’ont même pas créé leur propre police municipale, mais central en Paca où toutes les grandes communes ont la leur. Et pas qu’un peu.
Thym, romarin…
Pour analyser le phénomène, le Ravi est allé chercher les données à la source. Sur son site internet, le ministère de l’Intérieur diffuse chaque année les statistiques sur l’ensemble des effectifs de police municipale de 4 575 collectivités françaises. Ce qui permet des comparaisons entre villes de même taille ou entre les communes d’un même département ou d’une même région. Les données analysées ici sont récentes puisqu’elles reflètent les effectifs des polices municipales en 2018.
Nous avons d’abord trié et collecté les données d’effectifs des polices municipales dans les villes de plus de 10 000 habitants de tout l’Hexagone avant d’établir un ratio de densité en policiers municipaux pour 10 000 habitants. Sur les 946 villes de notre panel, 87 ne comptent aucun policier municipal. A Paris, il faut ajouter de grandes communes de la banlieue parisienne, souvent gérées par le PCF, comme Champigny, Ivry ou Gennevilliers, et des villes de province de taille non négligeable : Brest, Quimper, Boulogne-sur-Mer, Montluçon ou Lens. Ça, c’est le bas de notre classement.
Quant au haut du classement, il sent bon le thym, le romarin et l’huile solaire. Et un peu le soufre. Championne nationale, Sainte-Maxime. Au fil des ans, Vincent Morisse, le maire (LR) de la station balnéaire varoise de 14 000 habitants (l’hiver) depuis 2008, a recruté pas moins de 39 policiers municipaux. Même pour une commune touristique, afficher près de 28 policiers municipaux pour 10 000 habitants, c’est beaucoup.
Juste derrière Sainte-Maxime, on trouve Bollène, dans le nord du Vaucluse. Là, difficile de plaider l’afflux de touristes estivaux pour expliquer l’énorme contingent de policiers municipaux : 37 pour les 13 500 habitants de la commune dirigée par Marie-Claude Bompard depuis 2008. L’épouse de Jacques Bompard, maire d’Orange et ancien député FN, est comme lui membre de la très droitière Ligue du Sud mais elle a, encore plus que son mari, investi gros dans sa police municipale. Enfin, elle a surtout investi les finances municipales dans l’opération sans que les Bollénois y trouvent à redire, bien au contraire jusqu’à présent.
Dans les autres communes de Paca gérées par l’extrême droite, les polices municipales ont toutes gonflé leurs effectifs depuis 2014. Hormis Bollène et ses 27 agents pour 10 000 habitants, on retrouve ainsi Cogolin (83) en 6e position régionale (21 agents pour 10 000), plus de 13 à Fréjus (83), la ville du sénateur RN David Rachline, 12 pour 10 000 au Pontet (84), 10 au Luc-en-Provence (83). Et plus de 14 pour 10 000 à Beaucaire (30), juste de l’autre côté du Rhône.
… et huile solaire !
La troisième place de notre « podium » est occupée par Cannes (06). La ville n’a pas fait les choses à moitié sous les mandats de Bernard Brochand puis de David Lisnard (tous deux LR). Pour veiller sur la Croisette et ses visiteurs chics, la police municipale ne compte en effet pas moins de 191 agents ! Près de deux fois plus qu’à Toulon, pourtant deux fois et demi plus peuplée. Quand David Lisnard veut réunir tous les policiers municipaux, il doit réserver une salle au Palais des festivals…
Derrière ce podium original Sainte-Maxime-Bollène-Cannes, le 4e du classement surprend bien plus encore car il s’agit de Fos-sur-Mer (13). Là non plus, les touristes ne se bousculent pas, la commune abrite surtout des ouvriers du port et des usines alentour. Dans une ville de 15 000 habitants, à gauche depuis des lustres, même si ses maires successifs ont davantage fréquenté les tribunaux pour corruption et trafic d’influence que la rue de Solférino, recruter 38 policiers municipaux interroge. Mais la commune est une des plus riches de France, merci Sollac-Arcelor Mittal et le Port de Marseille. Il fallait bien dépenser toute cette manne, les lampadaires de la ville sont déjà tous plaqués or et les jardinières en marbre. Comme, toujours dans les Bouches-du-Rhône, chez le 10e du classement, Berre-l’Etang, 23 policiers municipaux pour 13 000 habitants, ou le 15e, Châteauneuf-lès-Martigues. La pétrochimie de l’étang de Berre finance la sécurité municipale.
Au total, sur les 89 villes de plus de 10 000 habitants que compte la région Paca, 83 dépassent la moyenne de 4,6 agents pour 10 000 habitants. La seule grande ville gérée par le PCF, Arles (13), y figure, avec seulement 20 policiers municipaux pour les 53 000 habitants de la commune la plus vaste de France. On trouve aussi les deux cités alpines, Gap et Digne, ainsi que trois communes dont le maire LR a résisté à la tentation sécuritaire, à Saint-Maximin et Vidauban (83) et à Plan-de-Cuques, près de Marseille. La capitale régionale se montre elle aussi plutôt mesurée dans ce domaine, avec un peu plus de 5 agents pour 10 000 habitants.
Il ne s’agit pas de juger ici le bilan sécurité de chaque municipalité, seulement de constater la course aux effectifs que se livrent les municipalités. La Nice de Christian Estrosi compte ainsi deux fois plus de policiers municipaux par habitant que Marseille ou Toulon. C’est un fait. Cela ne garantit pourtant pas une efficacité à la hauteur des moyens déployés, la terrible preuve en a été donnée le 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais. Où étaient les 396 policiers municipaux niçois ce jour-là et qu’ont fait les milliers de caméras de vidéo-surveillance dans les jours précédents pour empêcher le camionneur fou de commettre l’irréparable ?