Charlie Hebdo, le Ravi, histoires communes
Sidération, peine, colère… Les mots manquent suite au massacre durant lequel deux tueurs ont déchaîné leur haine contre la rédaction de Charlie Hebdo, entraînant la mort des dessinateurs Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, Honoré, mais aussi du chroniqueur Bernard Maris, alias Oncle Bernard, et de six autres personnes.
Lors de la publication de notre 100ème numéro, en septembre 2012, nous avions organisé un débat public sur le droit à la satire et la liberté de la presse à Marseille avec Charb. C’était juste après la publication du dessin « Intouchable n°2 » représentant Mahomet dans un fauteuil roulant poussé par un rabbin. Nous avions partagé avec lui, à Belsunce, un couscous… et une bouteille de vin rouge. Sous escorte policière. En décembre 2010, toujours à Marseille, nous avions également initié une rencontre publique avec Charb, déjà directeur de publication de Charlie, sur les dangers de la banalisation du Front national. Coco, dessinatrice à Charlie (présente lors de la tuerie mais heureusement rescapée) a illustré de nombreux articles et autant de « Une » du Ravi.
Avec Charlie, nous n’avons pas toujours partagé tous les choix éditoriaux. Clairement, nous nous sommes sentis plus proche d’un Siné que d’un Philippe Val, d’un Denis Robert que de Richard Malka, avocat de Charlie et de Clearstream. Avec Charb, nous avons débattu et clairement exprimé notre inquiétude devant le climat islamophobe soigneusement entretenu par l’extrême droite et la droite extrême. Mais à ses côtés, et aux côtés de tous les dessinateurs de Charlie Hebdo, nous avons toujours exprimé une solidarité sans faille face aux menaces proférées par tous les intégrismes.
En 2006, lors de la première affaire dite des caricatures (Charlie avait republié des dessins controversés du Prophète) nous écrivions ainsi dans un édito : « Peut-on se moquer des religions, en caricaturant leurs prophètes, leurs croyances et leurs rites ? Sans équivoque : oui. Il s’agit presque d’un devoir lorsqu’on a fait vœux de satire. Comme il est utile de brocarder tous les pouvoirs, temporels ou spirituels, et tous les dogmatismes dont les chrétiens, les juifs ou les musulmans sont loin d’avoir l’exclusivité. Défendre avec vigueur le droit à la caricature et au blasphème, instauré par la Révolution française, n’implique pas de mépriser les croyants. Et n’interdit pas d’être lucide sur les fantasmes, teintés de xénophobie, qui s’expriment avec force au sujet de l’islam. Une religion qui vaut mieux que ses caricatures… »
Sidération, peine, colère… Et détermination. Celle de ne pas céder aux menaces, à la résignation ; celle de continuer à batailler pour faire vivre une presse libre, irrévérencieuse ; celle de pas laisser les xénophobes, les marchands de haine, instrumentaliser ce drame pour engranger quelques bénéfices politiques. L’agression antisémite qui a frappé un magasin casher à Paris renforce encore nos inquiétudes. Cabu, Charb, nous ont offert des dessins de soutien pour que le Ravi, le petit mensuel régional « pas pareil », ne baisse pas les bras malgré ses difficultés économiques chroniques. Plein de pensées pour eux, pour tous les autres et pour leurs proches.