À Marseille, la mairie joue la montre pour enterrer un rapport gênant
Ce qui est terrible, avec internet, c’est que rien ne disparaît. En attestent les archives du site web de la mairie de Marseille sur lesquelles, jusqu’en juin, le conseil municipal de rentrée devait se tenir initialement le « 30 septembre ». Et puis, cet été, celui-ci a été avancé, comme on peut le lire désormais, au « 16 septembre ». Un changement de calendrier, nié par le chef de file de la droite Yves Moraine, qui a « étonné » Benoît Payan, président du groupe socialiste : « Car rien parmi les dossiers examinés ne justifie un tel changement ! » Pourtant, il est loin d’être anodin. En effet, tandis que le Parquet national financier planche sur les ressources humaines et en attendant les suites judiciaires du drame de la rue d’Aubagne, la chambre régionale des comptes (CRC) s’est elle aussi invitée à la mairie de Marseille. Un deuxième round, après un premier rapport dévastateur en 2013.
D’après nos informations, c’est aux alentours du 20 août que la ville se serait vue remettre le nouveau rapport définitif. Or, dans le jeu des navettes, les collectivités ont un mois pour apporter une ultime réponse. Ce qui signifie que la mairie de Marseille a jusqu’au 20 septembre environ pour répondre à la chambre avant de devoir présenter publiquement le rapport. Avec un conseil non plus au 30 septembre mais au 16, la présentation publique du document est renvoyée à un conseil municipal ultérieur. Or, nous sommes à la veille des municipales. Et, d’un point de vue légal et du fait de la proximité du scrutin, un tel rapport ne peut être rendu public dans les trois derniers mois précédents l’élection. Avec le dernier conseil municipal de l’année fixé au « 9 décembre », la publication du rapport de la CRC ne devrait donc pouvoir intervenir qu’après les élections municipales !
De quoi faire s’étrangler, « si tout cela est avéré », Benoît Payan. De leur côté, ni Yves Moraine ni Gérard Chenoz, adjoint aux grands projets, n’ont eu connaissance du contenu du rapport. Et ni le secrétariat ni le cabinet du maire n’ont répondu à nos sollicitations. De fait, en interne, les conséquences de ce changement de date sont plutôt passées inaperçues. La CRC, quant à elle, serre les dents. Selon des sources internes à la mairie, si les magistrats se sont invités à l’hôtel de ville, ce n’est pas pour faire de la figuration. D’après nos informations, le rapport devrait aborder des dossiers-clés : les finances évidemment, les ressources humaines bien entendu mais aussi la commande publique ainsi que l’urbanisme et la gestion du patrimoine.
De quoi dresser un ultime bilan de la gestion Gaudin, d’aucuns estimant en interne et sous couvert d’anonymat que les magistrats n’y seraient pas allés avec le dos de la cuillère. Ultime coquetterie, ce droit d’inventaire, faute de débat public au conseil municipal, c’est donc le successeur de Jean-Claude Gaudin qui devra le faire. Et un fonctionnaire d’ironiser : « De fait, ses héritiers n’ont pas attendu la CRC pour commencer à prendre leur distance. Tout comme le PNF n’a pas attendu la CRC pour ses investigations. En attendant, c’est nous, simples fonctionnaires, qui allons nous retrouver avec le bâton merdeux. » Merci qui ?