« Y a de l’indiscipline ce soir »
17h50
Si la salle du conseil de Martigues, c’est « Star Wars » (Cf le Ravi n°105), celle d’Istres, avec son vert pisseux, c’est l’antre de Jabba Le Hutt, la limace verdâtre, vicieuse et mafieuse du « Retour du Jedi ». Son bras droit, en apprenant la présence du Ravi, s’affole : « On va mettre une semaine pour le calmer ! »
18h02
Jabba, ahem, François Bernardini, renverse notre verre d’eau en cheminant pataud vers le centre de la salle, dans une veste à coudières qui contient à peine une chemise que seule une cravate empêche d’exploser. Les bises claquent mais, au fond, on entend un « on va se faire engueuler »… Dont acte : « Tout le monde est assis ? », siffle-t-il. Lors de l’appel, avec sa tête d’Ewok, Olivier Mayor, chef de file de l’opposition (UMP-UDI), oublie de répondre. Faut dire qu’elle est tout au fond, l’opposition…
18h05
« Y a de l’indiscipline, ce soir, grogne Jabba. Que tout le monde se taise, j’ai une déclaration importante à faire… » Va-t-il lancer un mandat d’arrêt intergalactique contre l’ancien maire Michel Caillat (PS) qui n’apprécie guère de se voir tenu pour responsable d’une dette de 15 millions d’euros ? Ou à l’encontre de Guy Queytan, opposant divers gauche, rappelant que l’excédent budgétaire et la baisse d’impôt pour 2013 ne sauraient masquer les 17 millions d’emprunts de Jabba depuis 2009 ? Non, il veut saluer la mémoire d’un responsable associatif qui, si sa veuve l’accepte, donnera son nom à la « Maison du Cycle ». La minute de silence dure trente secondes.
18h07
Istres clapote mollement au bord de l’étang de Berre. Jabba s’enorgueillit de la signature d’un « contrat d’étang ». En revanche, abritant une base aérienne, il n’apprécie guère que le centre d’essai en vol soit menacé de disparition. Alors il ira jusqu’au « ministère de la Défense. Et on verra bien ce qu’il adviendra ». Un ange passe. Pas longtemps. Olivier Mayor prend courageusement la parole. Pour, en opposant « responsable », annoncer : « On défendra à vos côtés, sans faille, le maintien de ce fleuron. » Ce sera sa seule intervention. Le reste du conseil, il bavardera avec ses voisins. Magnanime, Jabba laissera faire.
18h23
C’est l’heure des subventions « exceptionnelles ». Pour les associations. Mais aussi pour FO et la CGT…
18h28
Pauvre oiseau mazouté, peut-être blessée de s’être vu implicitement reprocher l’endettement d’Istres lors de l’intérim qu’elle a assuré en 2008, la première adjointe Nicole Joulia (en charge de la culture) entre en piste. Ainsi que la princesse Leïa, elle tire sur ses chaînes pour s’éloigner de son maître et soupire lorsqu’il faut causer pognon, comme l’effacement d’une dette de 492 euros « pour une famille qui en a bien besoin ». Pendant ce temps, dans l’opposition, une Mafalda qui s’est pris dans la gueule une porte et la soixantaine, tripote son collier.
18h32
Chargée du tourisme, Valérie Cambon, (épouse d’un entrepreneur qui bénéficie de nombre de chantiers à Istres) a la tête qui tourne et les mots qui butent pour évoquer l’installation d’un… carrousel ! « Une première à Istres ! », s’enorgueillit Jabba qui a, décidément, le sens de la fête.
18h34
D’ailleurs, pour les festivités istréennes, comme l’annonce Nicole, la bière, c’est « 3,5 euros » et la « coupette de champagne » 4 euros. Et Jabba, le champagne, il aime. Dans un geste politique d’une rare audace, Olivier Mayor avale un verre d’eau. En s’assurant que personne ne l’a vu.
18h38
Chargé de l’économie, Gilbert Ferrari cause… « cession de véhicule ». Faut dire que Jabba vient de renouveler entièrement son parc de 200 véhicules : et c’est encore un agent municipal qui repart avec un camion benne pour 6000 euros !
18h39
Les jeunes Istréens, eux, pourront assister gratis à une corrida. Et l’adjointe en charge des « animations » de se chauffer la voix avec les « 1000 euros » que recevra « miss Istres 2013 ». Avant d’annoncer, tonitruante, l’organisation d’un « aïoli » ! Ça rit gras…
18h45
Après l’évocation de la petite enfance par une adjointe dont la veste a subi une attaque de peinture en crèche, ça cause « restauration » scolaire. Si les gnomes doivent se convertir à la bouffe industrielle (Cf le Ravi n°106), les ados, eux, auront droit aux petits plats de la cantine municipale.
18h47
Dès qu’il s’agit de causer immobilier, Jabba prend la main. Et de vanter, « pour la petite histoire », ses talents de négociateur. Car chez Jabba, les prix sont bas !
19h03
Pas chez Nicole, toute fière d’annoncer, dans le cadre de MP2013, une expo Buren (qui bosse en outre sur la nouvelle mairie). Mais ça douille : 50 euros, la visite commentée, 70 avec un plasticien !
19h11
Début d’une quinte de toux de Jabba. Un adjoint en perd le fil : « C’est la délibération combien, déjà… » « 42 ! », répondent, en chœur, ses collègues qui, eux, suivent.
19h14
Nicole en fait des tonnes sur le don par une plasticienne de ses œuvres : « C’est une dame qui avance en âge et qui tient à ce que tout ce qu’elle a fait ne finisse pas dans un coin. » Et ça vaut 400 000 euros ! « Ça le mérite », dit Jabba. Alors Nicole répète : « Ça le mérite. » Jabba, tout en finesse : « On aura de quoi décorer notre nouvelle mairie ! » Nicole, elle, se croit chez elle : « D’ailleurs, j’en profite pour vous donner une info. » Jabba tire sur ses chaînes : « Nicole, on vote, après tu donnes ton info. » Penaude, elle annonce le report par MP 2013 d’une festivité. Jabba, impérial : « Vous avez entendu ? Rayez l’ancienne date et inscrivez la nouvelle. »
19h18
Encore un don ! Et du député-maire de Martigues, par-dessus le marché, puisant dans sa « réserve parlementaire » pour qu’Istres se paye des « oeuvres d’art ». Pas de doute, entre Empire et Rébellion, Jabba sait louvoyer.
19h21
Est-ce pour cela qu’on recause des 5000 euros pour la CGT ? Un élu tatillon note que c’est pour « l’organisation du congrès départemental, pas national ». Jabba le coupe : « Bon, merci ! Mes chers collègues, je vous informe que… de rien, en fait, parce que j’allais vous dire que le prochain conseil sera le 27 juin mais, ce jour-là, je serai à Paris. Bon, ben, je vous dirai… »
19h22
Après une heure et demie de monologue ponctué par les récurrents « c’est adopté ? A l’unanimité », Olivier Mayor nous apporte une copie de son unique intervention. Et quand on demande combien il y avait de conseillers absents, il rétorque : « Le groupe UMP-UDI était là au complet. Et c’est l’essentiel. » Avec ses petites lunettes, on s’était trompé : ce n’est pas un Ewok, c’est C3PO !