« Vous nous prenez pour des pantins ? »
16h51
Le public s’installe : « Tu la supportes ta prothèse auditive ? », « J’ai toujours pas reçu ma carte handicapé ! », « Viens on change de place avec "elle" devant (indiquant la journaliste du Ravi) on va rien voir ! »
16h54
Jean-Paul Joseph, nouveau maire UDI, petit pull ras de cou bleu marine, fait son entrée. Il a la tête d’un cardiologue – qu’il est encore à mi-temps – qui vient annoncer une mort prochaine. Faut dire que le cœur de sa majorité a lâché depuis longtemps… Au second tour des municipales, pour faire barrage à l’ancien maire Christian Palix (DVD) ; il s’unie à la liste DVD de Laëtitia Quilici, qui devient première adjointe. Mais rien ne va plus lorsque l’élue décide de s’acoquiner avec le maire de Sanary-sur-Mer, Ferdinand Bernhard (sans étiquette) sous la bannière UMP pour les prochaines cantonales. Joseph, vexé, enlève leurs délégations aux élus de la liste Quilici (avant d’en redonner aux adjoints pour des raisons légales, omettant volontairement quatre conseillers frondeurs). Il se met alors sa majorité à dos. L’édile propose à la liste Quilici de démissionner pour repasser aux urnes. L’élue refuse.
16h58
Les élus se succèdent à la table de presse… « Je vais me mettre devant parce que sinon je suis jamais sur les photos ! », lance Sophie Cos-Lagnerot, élue de la majorité, fraîchement remaquillée, au photographe de Var matin. Nicole Dagort (DVD), ancienne adjointe aux affaires sociales désormais en charge des parkings et du cimetière, salut la presse – composée de deux hommes et une femme – d’un « bonjour messieurs » ! Sûrement parce que le masculin l’emporte…
17h04
Laëtitia Quilici, grande blonde et bottes noires, s’installe à la droite du maire, visage crispé. Lequel donne la parole à l’EPF (Etablissement public foncier) pour expliquer la convention que la mairie veut passer avec eux.
17H48
Le maire enchaîne les décisions du conseil. Palix, ancien maire DVD devenu chef de file de l’opposition, s’inquiète de l’occupation gratuite d’un local municipal par la Sogéba (Société d’économie mixte qui gère le port de Bandol) pendant des années. « On la faisait pas payer alors ? ah, ah !», note-t-il comme s’il avait soulevé une faille. « Ben oui mais c’était vous le maire à l’époque !», lui fait remarquer Abrahamanian, élu UDI.
18h00
Joseph fait la lecture des contentieux, la liste est longue. Palix s’enfonce dans son fauteuil.
18h09
Le maire annonce le report des délibérations 4 et 5 concernant la subvention de 114 900 euros à l’association des « Pointus » qui doit organiser le tricentenaire de Bandol. « Un évènement qui par définition n’a lieu qu’une fois par siècle ! », lance Joseph. « Euh non, une fois tous les 300 ans ! », corrige la salle. Pour justifier ce report Joseph évoque – en regardant Palix avec insistance – « un remboursement imprévu de 1,7 millions d’euros effectué la semaine précédant les municipales […] dont je n’ai été informé par courrier que le 27 janvier dernier ! » Palix réagit : « Vous avez inscrit 2, 805 millions d’euros en 2014 pour emprunt et dette et 820 000 euros en 2015, ce qui correspond à votre oubli de 1,9 millions d’euros de crédit révolving qu’il faut rembourser en fin d’année ». Et d’ajouter : « Il n’y a pas de crédit fantôme du Dr Palix […] cet oubli est simplement de l’amateurisme et de l’incompétence ! »
18h20
Joseph accuse Palix d’avoir affaibli le budget de la ville. Bessier, conseiller municipal de la liste Quilici auquel le maire n’a pas redonné de délégation, tente d’intervenir. Mais l’édile lui coupe la parole. Bessier insiste : « il faut vous l’envoyer par courrier la question ? » Et le maire de conclure : « J’en viens à me demander si vous faites partie de la majorité ou de l’opposition ! »
18h23
Vote de la convention avec l’EPF. « Vous voyez finalement que c’est une bonne idée… C’est dommage que l’on ait perdu six mois… », intervient Quilici. « Je préfère ne pas faire de commentaire », répond le maire. « Ben voyons ! », lance une personne du public.
18h50
Délibérations concernant l’ouverture des crédits d’investissement 2015. « Qui est contre ? », lance un maire hâtif. « Compte tenu de votre déclaration sur la situation financière compliquée, est-il nécessaire d’ouvrir autant de crédits ? […] On n’a aucun détail sur les 510 000 euros d’investissements et on n’en a pas parlé en commission des finances ! », s’inquiète Quilici. « Ça me paraît compliqué de débattre ! », botte en touche Joseph. « Je ne vous demande pas de débattre ! Mais à quoi correspondent ces dépenses ? », insiste Quilici. Le maire s’enfonce en expliquant que ça obligerait les fonctionnaires à repointer ce qui a été fait lors d’une réunion précédente à laquelle visiblement personne n’a été convié. «Un conseil ça se prépare monsieur le maire ! », conclut la première adjointe désespérée.
19h01
« En tant que vice-président de la commission finance, je n’ai été mis au courant de rien ! Mais surtout vos chiffres sont faux ! », s’énerve Palix qui relève 320 000 euros d’écart. « La délibération sera entachée de nullité ! » Joseph demande une interruption de séance pour vérifier.
19h10
Joseph en profite pour venir saluer son public et tester sa (faible) côte de popularité. « Il est honnête et droit mais il est débutant », explique une vieille dame à une élue d’opposition puis d’attraper le maire pour le conseiller : « la politique c’est un petit peu tordu, il faut savoir louvoyer ! »
19h19
L’édile laisse une fonctionnaire – qui martèle qu’elle ne s’est pas trompée mais « qu’il s’agit d’une extraction du logiciel » – aux prises avec l’élu d’opposition. Le ton monte. « Vous me trainez dans la boue […] là on nage complètement ! », s’énerve l’ancien maire. « C’est vous qui nagez monsieur Palix ! », lui rétorque Joseph. A bout, Palix se lève et agite les chiffres sous le nez des élus et du public. Le maire stoïque propose de voter uniquement 50 000 euros pour les travaux d’investissement. « La prochaine fois ce serait bien d’anticiper. C’est comme ça normalement qu’on doit travailler », tacle Quilici. « Vous auriez pu me donner vos bons conseils lors de la réunion de groupe à laquelle vous n’êtes pas venue », répond le maire.
19h25
Les élus refusent de voter les différents budgets. « Vous nous prenez pour des pantins ? […] Je ne prends pas part au vote car je ne vous reconnais aucune crédibilité monsieur le maire. […] C’est une gestion opaque ! », lance Jean-Michel Rossi (DVD), élu de la majorité qui il y a quelques mois avait déjà demandé à Jean-Paul Joseph de démissionner.
19h41
Dernière délibération. Bessier interpelle l’édile sur l’embauche de son nouveau directeur de cabinet à 80 000 euros par an. Il a choisi pour ce poste son ami Pierre Lerat, ancien nageur de combat et pompier volontaire – mais surtout opportuniste puisqu’il a essayé d’être sur à peu près toutes les listes ! « J’avais besoin de me décharger », se justifie Joseph en précisant que le coût de ce poste est en fait de 60 000 euros par an. Et Bessier de poursuivre : « A priori vous avez besoin de compétences autour de vous, alors sur quels critères s’est fait le recrutement ? » « Ce n’est pas l’objet ! », élude une fois de plus le maire provoquant ainsi le départ de plusieurs élus de la majorité et de l’opposition. Pagnolesque…
Samantha Rouchard