Vers une mutualisation de la « presse pas pareille » ?
C’est l’histoire d’un miraculé qui en avait marre de regarder les cieux pour savoir s’ils allaient lui être cléments ou lui tomber sur la tête. Et qui sait aujourd’hui que, s’ils sont plus sombres que d’ordinaire, il ne sera pas, contrairement à la cigale de la fable, forcément dépourvu quand la bise viendra. Et ce, grâce, en partie, au travail réalisé dans le cadre de ce micro-projet. C’est l’histoire d’un mensuel régional associatif et indépendant, le Ravi, dont la longévité -onze ans maintenant !- est aussi improbable que sa ligne éditoriale : un mélange d’enquête et de satire, en clair, un journal sérieux pas sérieux. Et qui, pour fêter son dixième anniversaire et éviter que celui-ci ne soit le dernier, avait décidé d’inviter ses semblables pour réfléchir et, peut-être, agir. Ce furent les « premières rencontres nationales de la presse pas pareille », en septembre 2013, à Marseille : dialogue et partage d’expériences entre une vingtaine de « vilains petits canards » venus des quatre coins de la France : Politis, Alternatives Economiques, Golias mais aussi Le nouveau jour J, CQFD, Silence, l’Age de Faire, L’Agglorieuse, La Feuille, Vmarseille… Des journaux, la plupart édités par une association ou une coopérative, certains portés par une SARL mais sous le contrôle de leur rédaction, souvent aussi précaires qu’indépendants, aussi pertinents qu’impertinents. Et qui, malgré la diversité de leur ligne éditoriale, de leur territoire, de leur modèle économique ou de distribution, ont en commun une certaine idée du journalisme, du rapport avec leurs lecteurs, de leurs rôles dans leurs territoires mais aussi de la précarité, aucun de ces titres n’étant adossé à un grand groupe de presse et autre industriel… Et, d’une certaine manière, c’est de cette rencontre qu’est né ce micro-projet : et si les journaux « pas pareils » réussissaient à se rapprocher non pour partager la misère mais leurs expériences, leur savoir et, au-delà, les contenus, les outils de communication, les réseaux de distribution… Mieux se connaître pour mieux se faire connaître. Et mieux s’entendre pour mieux se faire entendre. Des lecteurs mais aussi des partenaires institutionnels qui, trop souvent, restent sourds à ces voix qu’ils jugent inaudibles. Alors que ces journaux font de l’info. Font vivre des salariés. Forment des bénévoles. Interviennent en milieu scolaire ou dans les quartiers populaires. En bref, créent de la richesse, contribuent à l’animation des territoires et à la vitalité du débat démocratique. Sauf que la solidarité ne se décrète pas. Surtout avec des acteurs souvent isolés et qui ont réussi à faire de cette faiblesse sinon une force du moins une alliée : dans des médias habitués non à vivre mais plutôt à survivre, chacun reste assez précautionneux sur les « recettes » qu’il applique, les « plans » qu’il cultive pour perdurer malgré tout et les alliances, partenariats et échanges ne se font qu’en cercle restreint et de confiance. D’autant que les différentes tentatives pour fédérer ces acteurs éclatés auront douché, par leur échec, l’enthousiasme de beaucoup… Sébastien Boistel