Valls tragique à Vitrolles
C’est un tract de 1997. La signature ? « Ensemble pour Vitrolles. » Le slogan : « Ce qu’ils proposent, nous l’avons déjà fait. » « Ils », c’est le « FN ». « Nous », le PS. Qui s’enorgueillit d’avoir « généralis[é] la télésurveillance », « cré[é] un poste de police » ou encore « incit[é] les entreprises vitrollaises à employer des Vitrollais »… Peu après, le socialiste Jean-Jacques Anglade cède sa place à Catherine Mégret (FN) lorsque cette petite ville des Bouches-du-Rhône bascule à l’extrême droite. Celui qui nous ressort ce tract, c’est Gérard Perrier, prof à la retraite à l’origine de la « Maison pour l’Egalité » de Vitrolles. Et auteur de « Vitrolles, un laboratoire de l’extrême droite et de la crise de la gauche » (1).
Où l’on apprend qu’il y a plus de vingt ans, officiait à la mairie de Vitrolles la bande à Manuel Valls ! (2) Pourtant, à part quelques témoignages, les traces de son passage sont rares. Même Anglade minimise l’implication de celui qui, à l’époque, était responsable des jeunes rocardiens : « Comme j’étais chef de file des Rocardiens dans le « 13 », nous avons été en contact à plusieurs reprises. Toutefois, Valls n’est venu qu’une fois à Vitrolles, en 1988, à l’université d’été des jeunes rocardiens. Mais il n’a jamais eu de fonction ici… »
Débauche de com sécuritaire
Il y place néanmoins deux de ses proches, qu’il connaît depuis la fac de Tolbiac, Stéphane Fouks et Alain Bauer. Souvenir d’Anglade : « On disait en plaisantant que Fouks serait patron d’une grosse boîte de communication, Bauer ministre de l’Intérieur et Valls président de la République… » Ainsi, Fouks, à l’époque bras droit du « fils de pub » Jacques Séguéla, est aujourd’hui à la tête de l’agence Havas. Et Bauer, après avoir été à la tête du Grand Orient et avoir converti le PS au sécuritaire, a également joué les conseillers en sécurité pour Sarkozy.
Au début des années 90, membres comme Valls d’une sorte de club (« Forum »), Fouks s’occupe de la com’ de Vitrolles et Bauer fait office de monsieur « sécurité », ce qui aboutit, en 1994, à la mise en place de la vidéosurveillance. Et à la création d’une boîte had hoc, AB Associates, où officie la première compagne de Manuel Valls.
D’où, dans le journal municipal, une débauche d’articles. Comme en mai 1993 où, à la rubrique « Sécurité », au dessus de la photo d’une douzaine d’auxiliaires de sécurité, on peut lire ce titre tout en rondeur : « Traitement de choc. » Idem pour le portrait du responsable de la sécurité : « Un homme d’action. » Le summum est atteint un an plus tard avec un numéro spécial : « Vitrolles sécurité action. » Qui détaille la vingtaine de mesures prises par la ville dans ce domaine. Parmi lesquelles une procédure somme toute pas banale : Vitrolles porte plainte contre l’Etat, accusé de ne pas avoir respecté ses engagements en la matière !
Course aux voix FN
Un discours et des thématiques qui, pour Perrier, ont fait le lit du FN. Même analyse de l’ancien élu (à l’époque communiste) René Agarrat : « A courir après les voix du FN, on perd son âme, son honneur et les élections. » Si Anglade avoue que le tract de 1997 était une « erreur », il estime que la sécurité « n’était qu’un thème parmi d’autres. A l’époque, on mettait en avant l’image de Vitrolles, ville la plus sportive de France ». Avec la construction du « Stadium » et une équipe de hand pilotée par le frère de Bernard Tapie.
Pour l’ancien maire, si la gauche a perdu, « c’est pour trois raisons : la division de la gauche, les énormes moyens mis à l’époque par l’extrême droite et la présence dans mon équipe d’une taupe ». Au-delà de la victoire des Mégret, tout ceci débouche sur une affaire politico-financière avec des fausses factures pour la location de panneaux d’affichage. Aujourd’hui, l’ancien maire assure n’avoir jamais prononcé le nom de Manuel Valls devant les tribunaux. Comme le rapporte en 1999 Libération, Jean-Jacques Anglade a, par contre, bien lâché : « Alain Bauer a gagné de l’argent à Vitrolles grâce à l’installation de la vidéosurveillance, Stéphane Fouks avec RSCG aussi […]. Mais, lorsque j’ai dû affronter le couple Mégret, en 1997, les Rocard, Fouks, Valls […] aucun n’est venu m’aider, alors qu’ils s’étaient servis de Vitrolles. Ils m’ont sacrifié ! »
A la fin des années 90, le trio voguait déjà en effet vers d’autres horizons, Valls lorgnant, à l’époque, sur une autre ville nouvelle, Evry. Quant aux Mégret, eux aussi connaîtront les tribunaux, notamment pour l’envoi, au frais de la commune, de courriers à l’ensemble des maires de France afin d’obtenir le parrainage du MNR à la présidentielle. En défendant, entre autres, sa politique en matière de « sécurité »… Aujourd’hui, Anglade, qui condamne les sorties de Valls sur les « Roms » ou les « blancos », plaide pour l’accueil à Vitrolles des « réfugiés ». L’occasion d’une passe d’armes lors du dernier conseil municipal avec le FN. Quant à l’actuel premier ministre ? Les dernières fois qu’on l’a vu dans le « 13 », c’était pour causer « sécurité » et « vidéosurveillance »…
1. Edition Arcane 17, 2014, 261 pages, 20 euros
2. Les services du premier ministre n’ont pas répondu à nos demandes d’entretien.