« Une institutionnalisation de la précarité à Aix-Marseille Université »
« La précarité définit la condition qui résulte d’absence d’une ou de plusieurs sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir des droits fondamentaux. » (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé).
La fonction publique est la cible des différents gouvernements qui se sont succédés ces dernières années, poussant vers la privatisation, n’augmentant quasiment pas le nombre de fonctionnaires, tout en injectant de plus en plus de contrats précaires en son sein ! En effet, quand le nombre de fonctionnaires en France passait de 3 869 081 en 2008 à 3 844 000 en 2016, celui des contractuels passait de 777 603 à 942 600 sur la même période, en augmentation constante. En un peu moins de 10 ans, ce sont donc 164 997 contractuels de plus dans la fonction publique, qui représentent aujourd’hui un peu plus de 20 % des effectifs totaux (Chiffres du ministère de la Fonction publique).
L’université d’Aix-Marseille (Amu) n’échappe pas à cette « tendance ». Une des conséquences dramatiques de la loi sur l’autonomie des universités (loi LRU, 2007), consista à donner aux établissements la gestion de leur masse salariale. Les universités, entrant dès lors dans une phase d’austérité, ont opéré une gestion comptable, économe, de leur politique de recrutement, au détriment de la qualité du service public et des conditions de travail.
Les bilans sociaux d’Amu sont clairs : la part des contractuels passe de 32,7 % à 35 % entre 2013 et 2016 (+ 270 agents), alors que le nombre de fonctionnaires est quasiment stable (+ 4 agents). Pire, seuls 9 % des contractuels sont en CDI. Notons que la part des précaires est bien plus élevée chez les femmes (37,3 %) que chez les hommes (32,4 %).
L’augmentation totale du nombre d’agents à l’Université Aix-Marseille depuis sa création (7 573 agents en 2013, 7 847 en 2016) démontre bel et bien un besoin grandissant de personnels ! Mais pourquoi donc privilégier les contractuels dans ce cas ? La réponse est évidemment d’ordre comptable. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter de nouveau le bilan social 2017 : les 35 % d’agents contractuels représentent seulement 21 % de la masse salariale totale (près d’un demi-milliard d’euros). À travail égal, un CDD gagne plusieurs centaines d’euros de moins qu’un titulaire !
Cette population croissante de contractuels à l’université ne fait donc qu’augmenter le nombre de personnels en situation de précarité, sans perspectives d’avenir, puisque aucune évolution de carrière n’est prévue, souvent mal payés, et pour nombre d’entre eux sans espoir de CDIsation ou de titularisation puisque c’est la règle à Amu pour les contrats recherches par exemple. « Afin d’éviter les risques de "cdéisation", un agent contractuel ne pourra être renouvelé au-delà de 4 années continues de services auprès de la même unité », exige ainsi une circulaire de 2013 du président d’Amu…
Cédric Bottero
Tribune libre publiée dans le Ravi n°156, daté novembre 2017