Une chaîne des savoirs face à l’illétrisme
On parle d’illettrisme lorsqu’une personne adulte, bien qu’ayant suivi une scolarité en France, ne maîtrise pas ou plus suffisamment la lecture, l’écriture, parfois le calcul, pour comprendre ou transmettre des informations écrites simples de la vie quotidienne. Si les personnes en situation d’illettrisme sont en danger d’exclusion professionnelle et sociale, elles développent également un ensemble de compétences pour contourner les situations problématiques.
Pourquoi si peu de personnes en situation d’illettrisme font la démarche de réapprendre à lire, écrire ou calculer à l’âge adulte ? C’est la question à laquelle ont cherché à répondre des professionnels et des adultes en formation, des « apprenants », en 2001, à Segré dans le Maine-et-Loire, au cours d’une formation-recherche-action.
En réfléchissant sur ce qui pose problème, mais aussi sur ce qui permet de retourner en formation, les apprenants ont réalisé qu’ils pouvaient prendre leur place et se faire entendre. Ils ont rencontré d’autres apprenants, ont construit un collectif, ont décidé de se définir comme des « ambassadeurs » et de donner une forme à cette démarche de co-construction d’un savoir et d’une parole sur l’illettrisme en se constituant en « maillons » d’une « Chaîne des savoirs ».
A l’intérieur de chaque maillon, les apprenants veulent défendre le droit de réapprendre à l’âge adulte, pour tous, tout au long de la vie. Ils ne veulent plus qu’on prenne la parole à leur place. Ils veulent faire la « chaîne » pour aller chercher les « invisibles », leurs pairs, ceux qui n’osent pas réapprendre à lire, écrire, compter, s’exprimer. Ils veulent témoigner de leur parcours et sensibiliser le public et les professionnels.
Depuis juin 2014 à Marseille, une dizaine de personnes, apprenants et accompagnateurs, se réunit tous les mois au Centre ressources illettrisme Paca, pour créer un nouveau (et 10ème) maillon de cette chaîne. Chacun a un parcours bien différent, tous ont un vécu scolaire douloureux et une réelle envie d’échanger et de faire changer de regard et de pratique face aux personnes en situation d’illettrisme. Que cela passe par la reprise d’une formation, avec toutes les inquiétudes (et les victoires) qui l’accompagnent, un autre regard sur ses propres difficultés mais également sur ses propres compétences. Etre en situation d’illettrisme, c’est souvent ressentir de l’impuissance, de la honte, de l’isolement mais également développer des stratégies ingénieuses pour naviguer malgré tout… Leurs témoignages transforment les professionnels qui participent et invitent à une nouvelle façon d’accompagner les personnes que l’on peut repérer en situation d’illettrisme.
Le maillon fête ses un an, le groupe est encore en construction. Chacun y explique son parcours, interroge l’autre, essaie de trouver les mots qui semblent justes pour exprimer les difficultés rencontrées, les solutions trouvées, les attentes et les manques. Et se réjouit de toutes les avancées permises par le partage entre pairs, partage d’un secret souvent très bien gardé. Chacun évolue à son rythme, se raconte, se met même parfois à écrire…
Le maillon de Marseille prend le temps de se construire, mais commence également à se projeter vers des actions collectives. Il a donc été présent à sa façon le 8 septembre pour la Journée internationale de l’alphabétisation et d’action contre l’illettrisme organisée à Marseille par le Centre ressources illettrisme, pour « sortir de l’ombre ».
En savoir plus : La chaîne des savoirs : www.chainedessavoirs.org