Un scrutin Aix-trêmement incertain
Aix-en-Provence a des allures de salon de voyance. En cause ? Les affiches de la maire sortante UMP : du haut du cour Mirabeau, Maryse (Joissains) vous hypnotise de son regard bleu perçant, irradiant un portrait photoshopé de près avec croix en bandoulière et slogan hésitant entre Star Wars (« La force pour Aix ») et petit commerce (« Nous avons un bon maire, gardons-le »).
Mais, dans sa permanence, derrière les sourires, on a du mal à lire dans le marc de café. Car, même si depuis Paris le PS n’aura eu d’yeux que pour Marseille, il se murmure qu’Aix pourrait basculer. Il faut dire que la fin de mandat de la maire sortante aura été pour le moins tourmentée. Non contente d’avoir perdu son siège de député, malgré ses appels du pied vers le FN ou ses envolées lyriques à l’encontre du locataire de l’Elysée, Maryse Joissains aura vu le Conseil d’Etat annuler le contrat de son directeur de cabinet de mari (elle a engagé un ultime recours contre cette décision), et la justice s’intéresser de près aux promotions de son entourage. Mais les juges, cléments, ont repoussé au lendemain des élections une convocation qui devait intervenir fin janvier.
« Promouvoir ceux qui vous soutiennent… Citez-moi une ville où ça ne se passe pas comme ça, balaye un militant UMP. Tout ça, ça n’intéresse que le microcosme. » Ce qui inquiète le plus son staff, c’est la division à droite. Car, à Aix, les listes ne manquent pas. Contrairement à 2008, le FN est présent avec Catherine Rouvier, une universitaire parachutée pour coller à la sociologie aixoise et qui, après quelques dissensions avec les militants locaux, vient d’être adoubée par Jean-Marie Le Pen.
L’éthique en option
Mais ce n’est pas le FN qui effraie celle qui clame avoir « toujours défendu les valeurs » de Marine Le Pen. D’autant qu’apparemment, au moment où nous mettions sous presse, la frontiste semblait avoir encore quelques difficultés à boucler sa liste. Celui qui inquiète le plus l’UMP, c’est le candidat de l’UDI, Bruno Genzana, épaulé par l’ex-premier adjoint de Joissains, Jean Chorro. C’est avec lui que les morceaux seront le plus dur à recoller…
Peut-être que la locataire de l’Hôtel de ville peut se consoler en constatant qu’en face aussi, il y a embouteillage. Outre les listes autonomes (EELV, Front de Gauche) ou issues de la « société civile », les deux à se tirer la bourre s’appellent Edouard Baldo et François-Xavier de Perretti. Le premier a remporté massivement une primaire socialiste n’ayant guère passionné les foules, malgré une fin de campagne tendue, son adversaire, Jacky Lecuivre, ayant été jusqu’à l’accuser d’être le candidat du « système » et de rouler pour… Guérini !
Pourtant, l’avocat, malin, co-fondateur de Renouveau PS 13 aura fait toute sa campagne sur « l’éthique », venant d’ailleurs de signer (et de faire signer à ses colistiers) la charte de l’association anti-corruption Anticor. Une manière de gêner ce vieux routier de FXDP, le centriste ayant, à ses côtés, un certain Alexandre Medvedowsky, conseiller général socialiste mis en examen dans le cadre de l’affaire Guérini pour lequel le patron socialiste du CG 13 a appelé à voter.
Autant dire que, dans une ville où élections se jouent à quelques centaines de voix près, malgré l’usure du pouvoir, malgré les divisions, malgré les dossiers qui fâchent (comme les transports), rien n’est joué. D’où une fin de campagne assez tendue. Et un proche de la maire sortante de nous confier : « Maryse, c’est une bosseuse. Mais va falloir réussir à la canaliser. » Car, à Aix, le plus gros danger, pour Maryse Joissains, c’est peut-être avant tout elle-même…
Sébastien Boistel