« Un projet qui fasse sens pour tout le monde »
Quelle est votre démarche autour de ce lieu qu’est le tri postal ?
Notre projet, c’est d’investir à plusieurs une friche industrielle disponible depuis plus de 20 ans. La surface de ce lieu dépasse largement les besoins d’HAS. Il va donc falloir trouver d’autres partenaires et donner du sens à ce partage de l’espace.
Qu’est-ce qu’on va y trouver, quelles seront les activités proposées ?
A l’origine, l’activité de Casa/HAS est de gérer des dispositifs d’action sociale : hébergement, accueil de nuit, médiation de rue… Mais maintenant, le projet prend une autre envergure car nous souhaitons insérer ces actions dans un programme plus général, celui du tri postal. Concrètement, il y aura un accueil de nuit mixé avec d’autres formes d’habitats (chambres étudiantes, pourquoi pas des chambres d’hôtes…), un espace de restauration ouvert aux habitants du lieu mais aussi au reste de la ville. On compte aussi aménager des bains publics. L’étage sera dédié à une salle d’exposition et de spectacles, qui pourra aussi être une résidence d’artistes. Il y aura également un espace de travail partagé, associatif, administratif et institutionnel. Enfin, nous imaginons un jardin public dans la cour du tri postal.
A qui cet espace est destiné ? Et en quoi peut-on dire qu’il vise à se réapproprier l’espace public ?
Ce sera un lieu de production et d’échange, donc destiné à un large public. Il y aura quelque chose de la Maison commune de Cavaillon dans cette histoire car ce sera un lieu où on pourra disposer d’espaces communs à vivre et à gérer ensemble. Et puis ce sont avant tout des associations, par définition un rassemblement de citoyens, qui sont appelées à investir l’endroit. Et donc à se l’approprier.
Une date d’ouverture est-elle prévue ?
Cela fait déjà un an que nous travaillons sur le projet. Selon les architectes (HAS travaille avec deux cabinets d’architectes, le Nac et le Perou, NDLR), il faut compter 3 à 5 ans avant la fin des travaux. On peut donc espérer une ouverture pour 2017, 2018. Mais il existe une condition, que la mairie se porte propriétaire des lieux. Nous ne possédons rien ici, seulement d’une convention d’occupation pour le premier étage. Nous avons fait tout ce qui était en nos moyens pour lancer cette idée. Maintenant il faut des passages à l’acte.
Combien tout cela coûte-t-il ? Qui va financer le projet ?
La réhabilitation du tri postal est estimée à 3,5 millions d’euros par les architectes. Cela peut sembler beaucoup mais pour la superficie, 3 000 m2, ce n’est pas grand-chose. Concernant le financement, nous comptons sur un modèle composite reposant sur du public, du privé et de l’autofinancement. Pour la partie habitat, c’est une aide directe de l’Etat. Les bains publics pourraient relever de la mairie. Le lieu d’exposition culturelle et de résidence pourrait être lui financé par le ministère de la Culture avec la possibilité de le louer ponctuellement… On s’appuiera aussi sur d’autres ressources propres, grâce au restaurant par exemple. En ce qui concerne le fonctionnement, on compte sur des mécènes, des entrées payantes…
Qui y travaillera ? Salariés ou bénévoles ?
Les deux ! Pour le fonctionnement, les « accueillis » seront sollicités. Mais de leur place de citoyens. Pour le restaurant, j’aimerais m’appuyer sur le GEM (1) et l’expérience du Village qui gère déjà une cantine autonome. La ressource autour de nous doit être rassemblée par un projet commun. Je n’ai par exemple pas envie d’aller chercher un chef d’entreprise en lui disant : « venez ici et prenez les choses en main. » Concernant la réhabilitation des locaux, nous disposons déjà des architectes. Après, il faudra sûrement faire appel à un office HLM ou à une société immobilière pour la maîtrise d’ouvrage. Puis pour les travaux, il y aura aussi un chantier d’insertion, aidé par des entreprises spécialisées.
Quelles principales difficultés rencontrez-vous ?
Elles relèvent plus de l’ « acceptation sociale ». Un des fondements de notre société, c’est la propriété privée. Quand on n’est pas propriétaire et qu’on n’a ni argent ni lieu, eh bien… on est bien emmerdé ! Le plus dur c’est de faire face à l’hostilité des riverains vers les gens qu’on accueille, souvent perçus comme dangereux. Le combat administratif, politique… tout cela fait partie du jeu finalement.
Quels conseils donneriez-vous à des gens qui voudraient créer ce type de lieu, à Cavaillon par exemple ?
Le principe de base, c’est que tout seul on ne fait pas grand chose mais quand on arrive à s’associer, on devient plus fort. C’est toute l’histoire de Casa. L’enjeu de cette SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif), c’est de concevoir ensemble un projet qui fasse sens pour tout le monde, que ça réponde à des besoins et à des désirs d’Avignonnais. Il faut donc arriver à déterminer cet intérêt commun, et c’est possible à Avignon comme à Cavaillon.
Entretien réalisé par les participants de la maison commune de Cavaillon, en partenariat avec l’association Le Village.
(1) GEM : le groupe d’entraide mutuelle d’Avignon est un espace associatif où les adultes en situation d’isolement et de souffrance psychique peuvent se retrouver, s’entraider, organiser des activités…