« Un besoin pressant de se regrouper »
Concrètement, à quoi ressemblera ce vélo-cuisine ?
Un vélo-cargo, c’est un vélo classique avec une carriole à l’avant. Une grande planche permettra de cuisiner à six environ. Techniquement, pour la cuisson, nous souhaitons éviter de nous déplacer avec de lourdes bouteilles de gaz et nous développons avec une entreprise un système de panneaux solaires et des batteries qui se rechargent en pédalant. Le vélo sera aussi équipé d’un four solaire.
Quelle est votre démarche autour de ce projet ? Est-ce une simple cuisine ambulante ou y a-t-il un autre concept derrière ?
Si on vendra la cuisine préparée par les participants aux ateliers, je ne compte pas sur un système économique classique mais sur la volonté de chacun et l’échange mutuel. Ce seront bien des ateliers de cuisine, ouverts à tous, que nous proposerons. Nous voyons cela comme un partage culturel : un livre de recettes ou d’histoires liées à la nourriture sera rempli au fur et à mesure. Une recette, c’est une histoire qui se raccroche à vos souvenirs. Finalement la cuisine, c’est un prétexte pour échanger, apprendre à se connaître.
Comment comptes-tu financer ce projet ? Vas-tu bénéficier de subventions publiques ?
Cette cuisine mobile s’inscrit dans le projet, plus large, qu’est celui de la Cantine du midi. Notre activité de traiteur nous permet de tenir et payer les charges. Et la vente de ce que nous produirons sur le vélo peut nous donner aussi un peu d’autofinancement. La seule subvention dont nous avons bénéficié vient de la politique de la ville, 1 700 euros : bien maigre pour une association comme la nôtre. Mais plus que l’argent, c’est le temps qui est important. D’où l’importance du bénévolat et de l’envie de chacun.
Est-ce que ce vélo est destiné à rester dans le quartier de la Belle de Mai ?
Dans un premier temps oui, mais nous avons une ambition plus grande : un tour européen pour faire partager la démarche grâce à d’autres personnes qui prendraient notre relais, toujours en travaillant avec des producteurs locaux à chaque fois et récupérer les recettes, les histoires ou les idées de chacun. On a tous des choses à raconter, c’est une richesse très importante à enregistrer, c’est la culture vivante de tous.
Comment comptez-vous vous faire connaître ?
On communique mieux par le bouche à oreille que par des affiches ou des flyers. D’ailleurs, je parle beaucoup ! (Rires) On va aussi travailler avec une radio de quartier : Radio galère. Puis nous disposons déjà d’un réseau local solide.
En quoi votre idée peut être un moyen de réappropriation de l’espace public ?
Notre cantine, je la considère déjà comme un espace commun. On la prête aux habitants du quartier pour faire partager leurs plats. Mais là, on veut sortir. On va jouer autour de quelque chose de déjà connu, la cuisine, mais dans la rue. Avec l’envie de rassembler des gens différents. Le vélo en lui-même, ce n’est pas urgent. Par contre, l’idée qu’il y a derrière oui. Il y a un besoin pressant de se regrouper, de faire des choses ensemble. Après, le vélo-cuisine, c’est une partie du projet. Il devrait y avoir un châssis amovible pour organiser des séances de cinéma de plein air. Nous voulons vraiment essayer de voir ce qui est le plus adapté pour animer la place Cadenat, la principale du quartier. Notre idéal c’est de dire que l’espace public, et bien c’est public, c’est à nous. Vrai ou pas ? Pas tout le temps. Quand on cherche, on s’aperçoit qu’une partie de cet espace peut être privé : la place Cadenat par exemple est pratiquement recouverte de places de parkings… ce qui rend cet espace parfois inutilisable.
En quoi cette idée peut-elle devenir un pont entre différentes générations, différentes cultures ?
J’ai une image forte dans la tête : un peu avant l’été, à la cantine, j’entre et là je vois un gamin de cinq ans en train de nettoyer la salade, un autre de huit ans en train d’aider à faire les lasagnes… Ça allait jusqu’à 70 ans, des gens d’origines diverses qui ne se connaissaient pas mais qui travaillaient à la même finalité. Là j’ai vu pour la première fois ce pont imaginaire qu’il est possible de construire ensemble.
Quelles sont les règles d’hygiène et de sécurité à respecter ? Y a-t-il besoin d’autorisations ?
Quelques règles de base : avoir un point d’eau à disposition, être équipés de vêtements adéquats et de barrières de sécurité pour ne pas exposer les passants au feu. Il y a aussi certains produits qui ont besoin d’être conditionnés, froids ou chauds. Pour les autorisations, notamment le droit d’occupation du sol, c’est encore un peu flou, cela dépend de la municipalité. Mais il y a des initiatives du même type qui se sont faites, à Paris, par exemple, sans autorisation spécifique.
Pensez-vous qu’un tel projet est réalisable à Cavaillon ?
Je ne connais pas bien la ville mais pourquoi pas, s’il y a des envies et un besoin. Cela est réalisable partout où il y a des gens qui mangent… comme à Cavaillon !
Entretien réalisé par les participants de la maison commune de Cavaillon, en partenariat avec l’association Le Village de Cavaillon.
La Cantine du midi de la Belle de Mai, 36 rue Bernard, 13003 Marseille. Ouverte le midi du mardi au vendredi. Tél : 07 60 78 04 52. https://cantinedumidi.wordpress.com