Toyoko Inn ou off ?
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Les automobilistes qui arrivent à Marseille par l’autoroute A7 ne peuvent pas le rater. Cet imposant cube blanc qui trône depuis de longs mois entre la gare Saint-Charles et le rond-point Camille Pelletan accueillera bientôt un hôtel de 276 chambres du groupe Toyoko Inn. Le tout pour un investissement total de 20 millions d’euros. Cette chaîne japonaise compte déjà plus de 200 adresses 2 ou 3 étoiles au Japon et en Corée du Sud. Forte de son succès auprès des voyageurs d’affaires principalement, elle a souhaité exporter ses activités en Europe. Et tout d’abord en France. Après avoir prospecté en vain à Paris, les dirigeants de Toyoko Inn se tournent vers Marseille. En 2009, ils trouvent leur bonheur sur le périmètre d’Euroméditerranée, programme de rénovation urbaine autour d’un quartier d’affaires. Pas simple quand on connaît les critères drastiques de l’enseigne pour son implantation : à 5 minutes maximum à pied d’une gare, en centre-ville. Aujourd’hui, le bâtiment est achevé. Il trône au cœur d’un no man’s land urbain en plein chantier dans un quartier toujours paupérisé : le parc Saint-Charles dont l’aménagement doit se poursuivre jusqu’à fin 2019. Marathon administratif En Asie, quand Toyoko Inn annonce un nouvel établissement, il ne se passe que quelques mois avant qu’il accueille des clients. Mais en France, les contraintes sont plus lourdes. Il a ainsi fallu attendre deux ans et demi avant de poser la première pierre du bâtiment. « Le lancement du projet a été retardé plusieurs fois, dès 2009, par des recours d’un particulier contre le permis de construire », raconte Nicolas Mattei, directeur du projet de la Zac Saint-Charles pour Euroméditerranée. Le chantier peut finalement débuter en 2014, après un marathon administratif. Le cube blanc sort alors de terre très rapidement, dès 2015. L’hôtel Toyoko Inn de Marseille devait initialement ouvrir ses portes au public courant 2016. « Mais nous avons dû repousser l’inauguration car les autorités nous ont informés que le bâtiment n’était pas aux normes françaises, explique Akiko Busnel-Ryuzaki, directrice de Toyoko Inn France. Nous avions prévu trop de chambres et devions revoir l’accessibilité. Puis les normes ont encore changé et nous avons dû à nouveau nous adapter. » Aujourd’hui, « l’enveloppe est construite, détaille Nicolas Mattei. Depuis avril 2017, le groupe s’attelle à l’ameublement de l’hôtel. Cela prend du temps, mais le cahier des charges est strict ». Aucune nouvelle date officielle d’ouverture n’a été annoncée. « Nous nous préparons pour fin 2017 », assure néanmoins la directrice de Toyoko Inn France. Un enthousiasme que ne partage pas le directeur de la Zac Saint-Charles pour Euroméditerranée : « il faudra très probablement attendre début 2018. » Soit 9 ans après la mise en place du projet. Cette attente n’a pas découragé la firme japonaise. Entre temps, elle a ouvert d’autres adresses en Allemagne et aux États-Unis. « C’est un gros groupe avec d’importants moyens financiers qu’un tel retard ne dérange pas », analyse Nicolas Mattei. Au contraire même, puisque la chaîne envisage de construire un deuxième hôtel à Marseille, à quelques mètres, à l’angle de la place Marceau et de l’avenue Camille Pelletan. Une galerie avec des commerces et des restaurants japonais verrait le jour entre les deux bâtiments. Un établissement qui reste, pour le moment, un simple projet puisque le permis de construire n’a pas encore été déposé (Cf Marsactu, le 24 juillet 2017.1). « La demande est en cours de traitement, reconnaît Akiko Busnel-Ryuzaki. Mais cela est traité au niveau du siège du groupe, au Japon. » Si elle n’est pas en mesure de donner de dates pour le début des travaux ou l’ouverture de ce deuxième hôtel marseillais, la directrice de Toyoko Inn France espère que tout pourra être lancé dans les prochains mois. Place aux touristes Un véritable complexe qui passe mal du côté d’Un centre-ville pour tous. « Je ne comprends pas l’intérêt d’un tel projet. Une nouvelle fois, on augmente les espaces commerciaux au détriment des commerces de proximité du quartier », déplore Patrick Lacoste. Pour lui, l’hôtel Toyoko Inn illustre la stratégie de la mairie de Marseille basée sur l’attractivité touristique, sans chercher à améliorer les conditions de vie de ses habitants. « Petit à petit, Marseille dépeuple son centre-ville. Ce qui satisfait la mairie à double titre : elle repousse ainsi un peu plus au nord des populations dont elle ne veut plus et fait la cour aux touristes », poursuit le fondateur d’Un centre-ville pour tous. « Il y a un vrai besoin en hôtels 2 étoiles de qualité à Marseille, lui répond Nicolas Mattei d’Euroméditerranée. Avec ses tarifs bas et ses prestations de qualité, le Toyoko Inn va attirer beaucoup de touristes et de professionnels. L’objectif est de dynamiser le quartier Saint-Charles pour en faire un espace urbain et piéton accessible facilement. » L’activité de l’établissement va permettre la création de 50 emplois avec « du personnel recruté localement », ajoute Akiko Busnel-Ryuzaki. Mais pour quelles taches ? Et à quel prix, quand on sait que la nuit sera proposée entre 40 et 60 euros ? A ce tarif, une partie des clients du Toyoko Inn auront, en prime, le privilège d’admirer depuis leur chambre la façade de la tour Bel Horizon, laissée à l’abandon depuis plusieurs années. Un vrai paysage de carte postale ! Pierre Coronas Enquête publiée dans le Ravi n°157, daté décembre 2017