Tête haute et mains sales ?
« L’information judiciaire touche à sa fin. » A en croire le parquet d’Avignon, Jacques Bompard, mis en examen pour prise illégale d’intérêts en décembre 2010, pourrait être renvoyé devant le tribunal correctionnel. « Cela fait des mois qu’on nous dit que ce dossier va sortir. On attend toujours… », s’impatiente Didier Adjedj, avocat de Bernard Jaume, l’un des plaignants à l’origine de l’enquête, ouverte en 2008. Cet exploitant viticole, ancien collaborateur de Bompard, maintenant proche de l’UMP, a porté plainte en 2007 après des années passées à exhumer les registres d’hypothèques d’Orange et les actes du registre du commerce. Il met en cause une série de décisions municipales concernant deux terrains situés sur la commune, achetés en mars 2005 par une société civile immobilière, la SCI Grégory, avant que celle-ci ne soit rachetée définitivement par les époux Bompard en février 2006.
En juin 2004, la mairie délivre à un promoteur immobilier, la SNC Terres du Sud, une autorisation de lotir signée de l’adjoint à l’urbanisme. 18 lots sont concernés dans le quartier « Les Coudoulets ». Le 30 septembre 2004, un compromis de vente est signé entre le promoteur et la SCI Grégory qui s’engage à acheter deux lots pour 149 500 euros. La vente deviendra effective le 10 mars 2005. Les statuts de la SCI, propriété de Pascal et Grégory Labourier, ont alors prévu un capital de 150 000 euros, divisé en 150 parts sociales. En novembre 2004, une première décision du conseil municipal présidé par Jacques Bompard décide « d’exclure du champ d’application du droit de préemption urbain les premières ventes de lots d’un lotissement autorisé ».
« De simples prête-noms ? »
Le 6 décembre 2004, la SCI Grégory décide de réduire son capital à 1 500 euros, abaissant la valeur des parts de 1000 à 10 euros. Le 2 février, la mairie accorde un permis de construire à la SCI. Et le lendemain, la SCI est cédée à parts égales à Jacques et Marie-Claude Bompard. Sauf que les époux attendront un peu plus d’un an pour enregistrer effectivement la SCI à leur nom. Reste que le 14 février 2005, la ville renonce à son droit de préemption, par une lettre mentionnée dans l’acte de vente notarié des deux terrains à la SCI. Pour maître Adjedj, « cette renonciation devrait suffire à caractériser la prise illégale d’intérêts puisqu’un maire se permet de prendre des décisions sur un terrain dont il est propriétaire ».
« Non ! », répond Hervé de Lepineau, l’avocat de Jacques Bompard. Il maintient que le maire n’avait aucun intérêt personnel dans cette affaire, rappelant que le droit de préemption s’applique dans des conditions bien particulières. « Si on votait une délibération sur un tout-à-l’égout, qui passerait sous la maison d’un élu, et qui nécessiterait des frais de raccordement, y aurait-il prise illégale d’intérêts ? », ajoute de Lepineau. Si le ministère public poursuit, « l’instruction sera probablement en mesure de dire qui a payé les 149 500 euros, pourquoi le capital de la SCI a subitement été réduit par dix et si les Labourier étaient de simples prête-noms », assure de son côté l’avocat du plaignant.
Lors du dépôt de plainte, Jacques Bompard, dans une lettre à La Provence, a fustigé une vengeance politique. L’avenir dira si la plainte déposée par deux anciens adjoints – devenus dissidents – portant sur la gestion municipale du maire a été versée à l’instruction. De même que les conclusions rendues en octobre dernier dans un rapport de la Chambre régionale des comptes épinglant Jacques Bompard pour ses frais de représentation. Jugé coupable d’une quelconque prise illégale d’intérêts, il pourrait être frappé d’inéligibilité, tout appel étant suspensif. « La justice aura probablement la réserve de ne pas sortir ce dossier avant les différentes échéances électorales », estime Hervé de Lepineau. En effet, les fans de Bompard, ont pu l’élire triomphalement à l’Assemblée nationale le 17 juin…