Terre de Mars sème ses graines
Il est de ces soirs, où, après un bon docu sur Arte, le poing levé et le cœur neuf, la vie vous apparaît comme le théâtre d’un monde meilleur. Ainsi que Candide en pleine découverte, vous vous dites que oui, demain nous mangerons des fruits et légumes sains, cultivés juste à côté par des gens biens. Et que tout ça participe à l’éclosion d’une nouvelle société respectueuse de l’homme, basée sur une économie locale et en accord avec Pachamama, la déesse Terre-mère dans la cosmogonie Andine.
C’est un peu ça quand on croise le chemin des écolo-novateurs de Terre de Mars pour leur soirée de lancement au What’s Up. On apprend que ce collectif naissant remet en culture des terres à Marseille. Au menu, des produits glanés et cultivés sur un terrain situé au pied des collines au nord du quartier de Sainte-Marthe. L’argent du repas servira à financer les semences et du matériel pour retaper l’ancien mas de 11 hectares que Dieu a offert à ce collectif de 25 ans de moyenne d’âge.
Car par quel miracle des jeunes bien intentionnés trouvent une ancienne bastide et ses vastes terrains agricoles préservés de toute urbanisation ? « Dieu prend des formes différentes pour te parler », dirait mon père. Ici, le démiurge bienveillant se cache dans des rencontres. Le noyau dur de Terre de Mars s’est côtoyé à l’Ecole du paysage Versailles – Marseille. Parmi eux, le descendant d’une famille de riches industriels, tendance paternaliste, propriétaire du terrain. Ce dernier a été cultivé jusqu’au début des années 80, puis l’industrialisation de l’agriculture et la concurrence internationale ont fini par achever la rentabilité de la petite exploitation. Mais, merci Seigneur !, le bien nommé Mas des Gorguettes a échappé au redécoupage sauvage et à la frénésie des promoteurs.
« Nous souhaitons faire revenir l’agriculture dans la ville », lance Maxime, un paysagiste du collectif. Terre de Mars va muter en association et travaille pour que l’exploitation fournisse à terme fruits et légumes directement aux Marseillais. Plus cohérent que le bio, les motivés imaginent un label « Terroir marseillais ». Cette génération d’architectes, d’urbanistes, de paysagistes, se prépare à reconnecter la ville avec ses racines paysannes. Leur initiative fait échos à l’agriculture urbaine de Toronto, pratiqué par des jeunes canadiens enthousiastes. Ou à l’action des habitants défavorisés de Rosario en Argentine qui cultivent en ville de quoi manger et s’enrichir (voir Sacrée Croissance de Marie-Monique Robin en VOD sur Arte.fr).
Cet hiver, tous les jeudis matins, le noyau dur d’une dizaine de personnes s’est retrouvé pour jardiner sur le terrain. Voilà le printemps. Le monde de demain, ce n’est donc pas que les grands soirs sur Arte !
Eric Besatti