Sursis pour La Marseillaise
Ce mercredi 11 janvier matin, Pierre Dharréville, le numéro 1 de la fédération du PCF dans les Bouches-du-Rhône mais aussi le président des éditions des Fédérés et donc patron La Marseillaise, n’était étonnamment pas présent au tribunal de commerce de Marseille. Il y était pourtant question de l’avenir du quotidien régional et on pouvait croiser, avant le jugement, des personnalités communistes locales comme Jean-Marc Coppola ou Alain Hayot. Il faut dire que, le soir de cette même journée, Pierre Dharréville devrait présenter sa candidature pour les élections législatives dans la 13ème circonscription à Martigues. Et si, au sein de La Marseillaise, ils sont peu à vouloir commenter cette absence, dans son entourage, on fait valoir qu’on avait affaire à une audience plutôt « technique ». [MAJ : De fait, le 11 janvier au soir, Pierre Dharréville a annoncé sa candidature aux législatives dans la 13ème circonscription avec Gaby Charroux comme suppléant. Depuis, c’est Alain Hayot qui est devenu le nouveau président des Fédérés et le nouveau directeur de la publication de La Marseillaise]
Technique, certes, mais non sans importance. Suite au placement en redressement judiciaire du quotidien d’obédience communiste fin novembre (lire ci-dessous l’article paru dans le Ravi n°146 daté décembre 2016), le tribunal devait se prononcer aujourd’hui sur les suites à donner. Or, quand bien même le prolongement de la période d’observation a été acté, la situation n’en reste pas moins tendue pour un titre dont les pertes dépassent le million d’euros et les dettes les deux millions.
En effet, si, du côté de Riccobono, l’imprimeur à Vitrolles (lui-même en redressement judiciaire), un accord semble en bonne voie pour l’étalement du paiement de ce que lui doit le journal (le plus gros de la « douloureuse »), la convention entre La Marseillaise et le « Mondial à Pétanque » ne serait, a-t-on appris de source syndicale, toujours pas signée ! Une question loin d’être anodine puisque, d’après les chiffres avancés par le SNJ-CGT, la manifestation représente pour le journal un apport oscillant entre « 300 et 500 000 euros ». Le directeur de La Marseillaise, Fabrice Lecomte, n’a pas souhaité répondre à nos questions sur le sujet, se contentant d’assurer que l’édition 2017 « aura bien lieu » et que « l’événement, c’est le journal »…
Côté syndical, si l’on ne cache pas « l’inquiétude » qui règne en interne, on se veut tout de même rassurant : « Dans l’appréciation de la situation qui a été fait par le tribunal, décembre n’a pas été pris en compte. Or, à la fin de l’année, il y a eu un regain en termes de diffusion. Et le soutien affiché de plusieurs collectivités », explique le délégué syndical SNJ-CGT Jean-Marie Dinh. Pour l’heure, la piste d’un nouveau plan social ne semble pas être retenue ».
En revanche, le journal, qui a déjà connu une véritable saignée il y a peu avec le départ de près de la moitié de sa masse salariale, ne devrait pouvoir faire l’économie d’une réorganisation, le syndicaliste évoquant la nécessité de renforcer le lien entre « les services : il faut que la rédaction, la diffusion, le commercial travaillent davantage ensemble ».
Autre piste d’économie : les locaux (qui sont en crédit-bail), l’équipe occupant « 5000 m2, ce qui est démesuré, reconnaît le délégué. Mais il nous faut garder le rez-de-chaussée où se trouve notre agora si l’on veut poursuivre sur cette piste de développement qu’est l’événementiel ». Et de conclure : « De toute manière, il nous faut miser sur nos capacités de développement. Si l’on en reste à chercher encore à faire des économies, on se retrouvera à nouveau au tribunal… »
S’il est encore trop tôt pour évoquer concrètement les pistes du plan de continuation, la prochaine audience pour La Marseillaise devrait avoir lieu courant mai. A la charnière entre présidentielle et législatives…
Sébastien Boistel
La Marseillaise encore dans le rouge
Un an après sa reprise par les Fédérés, le quotidien régional vraiment « pas pareil » est en cessation de paiement. Il vient d’être placé en redressement judiciaire. Une enquête publiée dans le Ravi n°146, daté décembre 2016.
Une fois de plus, La Marseillaise joue son avenir au tribunal. A peine un an après sa reprise par les Fédérés suite à un premier dépôt de bilan (Cf le Ravi n°128), le quotidien d’obédience communiste est en cessation de paiement. La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans un journal qui, malgré une hausse affichée de « 15 % du nombre d’abonnés » et une « stabilité en kiosque », perd encore 150 000 euros par mois. Le silence en interne en dit long : « Les articles ne sont pas pour nous faire plaisir. Alors on préfère travailler entre nous », siffle Emmanuel Vire, patron du SNJ-CGT.
L’audience au tribunal administrateur de Marseille, le 28 novembre, dure à peine un quart d’heure. Et, si le titre échappe à la liquidation, les mois à venir vont être déterminants. Le président délégué, Fabrice Lecomte, explique : « On n’a pas 36 000 problèmes. On n’en a qu’un. Le manque de pub. Heureusement, un certain nombre d’institutions semblent l’avoir compris. »
« On est quasi à l’os »
Il élude toutefois un point qu’il évoquait pourtant dans sa lettre envoyée au personnel le 22 novembre : « Nous attendons toujours les retours du Mondial la Marseillaise a Pétanque. » Le 4 novembre, dans un tract, la CGT, rappelant que cette manifestation est « une pierre angulaire de l’équilibre budgétaire de notre entreprise », demandait la « signature d’une convention » entre les Fédérés et le Mondial, géré par l’association de Michel Montana, lançant même en interne une « pétition » !
Si celui qui fit partie de la direction du titre ne souhaite pas « pour l’instant » s’exprimer, Pierre Dharréville, le président des Fédérés (et patron du PCF 13), nous assure que le dialogue est « constant ». Mais, comme on le reconnaît côté CGT, la convention n’est toujours pas signée : « Il faut prendre en compte l’histoire, les changements… »
Le « plan de continuation » serait lui aussi en jachère. « Chaque chose en son temps, tempère Lecomte. L’urgence, c’est d’assurer la continuité du journal. » Mais pas question, pour Jean-Marie Dinh du SNJ-CGT, de toucher « à la masse salariale. On est quasi à l’os. Ce qu’il faut, c’est un redéploiement pour poursuivre notre élan ». Même si cet élan est à géométrie variable : si, en kiosques, les éditions Provence et Languedoc-Roussillon progressent, celle « des Bouches-du-Rhône perd 10 points ».
« Remise à plat »
L’entreprise mise donc sur une « stratégie de diversification » et « des économies dont des efforts sur la fabrication afin de réduire les coûts de production ». Or, dans le courrier de Lecomte, une phrase interpelle : « Il ne faut plus remettre à demain l’indispensable remise à plat de nos modes de travail. » Glaçant dans une entreprise qui ne parvient toujours pas à payer ses salariés au minimum syndical. Et qui vient de faire appel de la décision du tribunal venant de reconnaître à une journaliste le droit de faire jouer la clause de cession (Cf le Ravi n°139). D’ailleurs, du côté du SNJ, on n’est pas tendre : « Les éditions des Fédérés ne reconnaît pas l’échec de ses choix stratégiques, éditoriaux et managériaux, trop proches de ceux de l’actionnaire précédent. » Et de réclamer « un changement radical de management », « un nouveau modèle de développement économique » et le « respect » de la « déontologie » et des « droits des salariés ».
A la CGT, on serre les dents, n’ayant déjà guère apprécié la saillie de Patrick Mennucci, le député PS marseillais : « Il faudrait peut-être qu’ils acceptent des repreneurs qui ne soient pas liés au comité central. » Réplique de Montreuil : « Quand on voit les primaires de la droite et l’état de la gauche, les socialistes auraient tout intérêt à ce que La Marseillaise survive. Parce qu’on en est là. Ce journal perd 1 million d’euros par an. C’est quoi à côté des 16 millions d’aide à la presse pour Le Figaro ? Quant aux conditions de boulot à La Marseillaise, Bolloré traite-t-il mieux ses journalistes ? »
De fait, ce qui se passe à La Marseillaise dépasse le cadre de ce seul journal. A plus d’un titre. Comme le notait la CGT début novembre : « Le partenariat avec Zibeline va être modifié et seule se poursuivra la livraison aux abonnés. » Ce que confirme Agnès Freschel, la rédactrice en chef du mensuel culturel diffusé avec le quotidien : « Désormais, c’est nous qui nous occupons de notre distribution en kiosque. Sinon, au-delà de la solidarité, ce sont deux entreprises indépendantes. C’est vrai qu’ils nous hébergent. Peut-être d’ailleurs faudra-t-il déménager… »
En outre, avant le redressement, tout en reconnaissant un « endettement important », La Marseillaise tablait, à en croire les syndicats, sur un « moratoire » non seulement avec son diffuseur – Presstalis – mais aussi avec son imprimeur à Vitrolles, Riccobono. Or, celui-ci est lui aussi en redressement. Un dossier que l’on suit de près. Et pour cause : c’est aussi l’imprimeur du Ravi !
Sébastien Boistel