Sans-papiers sous pression
Le courrier à en-tête de la mairie de Marseille a été déposé dans les chambres d’hôtel des délogés mi avril. Il donnait rendez-vous avec la cellule hébergement de la ville à une date et une heure précises, sans numéro à contacter en cas d’empêchement. Les personnes devaient se munir d’une pièce d’identité, d’un justificatif de domicile et des coordonnées de leur propriétaire. L’objectif était de faire le point sur la situation des derniers pris en charge (au moins 600 quand même). De quoi faire aussi craindre une chasse aux sans-papiers.
Non sans raison. « Dès le 19 avril, on nous a orienté des ménages qui ont été mis à la rue suite au rendez-vous avec les services de la ville, dénonce Florent Houdmon, le directeur de l’antenne régionale de la Fondation Abbé Pierre. Ils n’avaient aucune autre preuve d’occupation de leur appartement qu’un papier d’intervention des pompiers et le témoignage de voisins. » Des « erreurs » (sic) se sont immédiatement excusées la ville et la préfecture. « J’ai bien rappelé la loi à mes collègues, on leur doit l’hébergement sans tenir compte de la situation administrative », veut rassurer Patrick Padovani, adjoint de Jean-Claude Gaudin délégué à l’hygiène, tout en prévenant que la situation administrative des délogés sans-papiers complique leur relogement. Même si, jusque-là, la ville les as pris en charge au même titre que les autres.
Mais l’épisode met en lumière la situation d’une population estimée par certains à plusieurs centaines de personnes dans toute la ville. « Lors de l’évacuation du bâtiment du Parc Corot mi décembre [une copropriété dégradée du 14ème arrondissement, Ndlr], les occupants d’une vingtaine d’appartements n’ont pas été pris en compte dans les délogés », rappelle Florent Houdmon, estimant leur nombre – 2 700 au total – largement sous-estimé. Selon lui, certains ont préféré chercher leurs propres solutions de relogement – rue, autre taudis – de peur d’être expulsés.
De son côté, le Collectif du 5 novembre a monté une commission pour accompagner ces délogés particuliers. « L’objectif est de leur éviter une double expulsion, mais aussi de les inciter à dénoncer leur marchand de sommeil, de travailler à leur relogement et leur régularisation, explique Assia, une militante. On en a également aidé à réintégrer leur logement. Certains ont parfois été soutenus financièrement. » Et de s’inquiéter : « Les derniers à être sur le carreau ce seront eux. »