Roquebrune-sur-Monnaie
« Le maire a eu une semaine très chargée entre l’organisation du conseil municipal et… », s’interrompt le service com de la mairie de Roquebrune-sur-Argens à qui nous avons demandé, en vain, une interview de Luc Jousse (UMP) [Lire ci-dessous le « droit de réponse » qu’il nous a adressé après notre parution]. Et… une audition dans le cadre d’une enquête préliminaire lancée par le parquet de Draguignan concernant les irrégularités pointées par le rapport de la Chambre régionale des comptes sur la gestion de la ville. La CRC constate un endettement communal multiplié par quatre, entre 2006 et 2010, pour atteindre 36,5 millions d’euros fin 2010. Mais visiblement pas de quoi alarmer le maire : « Comptablement on ne peut rien nous reprocher, la mairie a fait des économies et il n’y a aucune gabegie dans cette collectivité, au contraire… » (1) C’est pour lui « un non-événement » (2). La CRC pointe pourtant de nombreuses irrégularités concernant les commandes publiques « dans les conditions d’attribution comme dans le suivi, y compris financier, des marchés ».
Carte numéro 17
Michel Bouvard était adjoint aux finances, de 2001 à septembre 2012, date où il a démissionné. Il était donc en poste pendant la période contrôlée. « J’ai eu un premier mandat qui a été particulièrement réussi avec des prises de décisions collectives, un travail en équipe et la volonté d’installer Roquebrune dans son époque, précise-t-il. Et puis il y a eu un deuxième mandat, gagné avec un très bon score et ça a été finalement la pire des choses puisque le maire s’est mis à prendre des décisions seul […] Et puis il y a eu des dérives financières… » La CRC dénonce, de son côté, « l’utilisation très laxiste des cartes de carburant ». L’objet du délit ? La carte numéro 17 attribuée au maire pour faire le plein lors de ses déplacements professionnels…
La CRC pointe « des consommations aberrantes » – la carte peut être utilisée quatre fois dans une même journée – avec « des enlèvements de carburant de natures différentes effectués le même jour à quelques minutes d’intervalle ». Exemple : Le 11 septembre 2010, la carte est utilisée à Fréjus, à 18h13, pour 34,25 litres de Sans Plomb 98 . A 18h14, ce sont 23, 53 litres de Gas-oil qui sont chargés. De quoi vous chibrer une belle Audi S4 quattro en moins de temps qu’il n’en faut pour savoir différencier un véhicule de service – qui est normalement dévolu au directeur général des services – d’un véhicule de fonction – qui doit être débattu en Conseil municipal. « En épluchant les relevés en détail, on s’aperçoit que le déplacement du 11 juin au Mans correspond aux 24 heures du Mans qui avaient lieu deux jours plus tard, auxquelles participait son fils, Julien Jousse à moins que le maire n’ait eu une réunion de travail dans le coin… », ironise Jean Cayron, vice-président de l’APENME (3) et farouche opposant du maire.
A chacun sa liste
Si cette situation fait le bonheur des pompistes, elle inquiète les contribuables ! Notamment Josette Mimouni, ancienne spécialiste financière en région parisienne venue passer une retraite paisible dans le Var. Enfin c’est ce qu’elle croyait… Jusqu’au jour où elle commence à s’intéresser à la gestion de la commune. En 2011, elle crée l’ACCR (Association citoyenne des contribuables roquebrunois). Elle est à l’origine des « Indignés de Roquebrune » qui ont manifesté le 27 avril dernier, vêtus d’un tee-shirt « carte num 17 » : « Nous voulons en finir avec l’omerta », précise-t-elle. Ils étaient 70 à demander plus de transparence et d’éthique. Parmi eux, Frédéric Rossi simple citoyen en prise avec la mairie depuis 2004, pour un décroché – partie d’un terrain donnant sur la rue – qui lui appartient selon l’étude du géomètre mais que le cadastre ne voit pas du même œil. « On pointe toujours du doigt les cités de Marseille, mais on ferait bien de venir voir ce qu’il se passe dans le Var ! », proteste-t-il.
Petit à petit les conseillers municipaux quittent le navire Jousse. Michel Bouvard n’est plus seul sur le banc de l’opposition, vide avant lui. Chacun prépare sa liste pour 2014 : ce dernier se présentera sans étiquette, Jean Cayron sera tête d’une liste DVD sans investiture, Josette Mimouni « observe pour le moment ». Quant au vice-président du CG 83, Jean-Pierre Serra (UMP) qui après sa défaite aux municipales de 2008 avait refusé de siéger dans l’opposition, tout en affirmant qu’il n’est pas là « pour avoir la place de Luc Jousse », ne cache pas son hostilité vis-à-vis du maire : « je ferai tout ce qu’il faut pour le mettre dehors ! »
Samantha Rouchard
(1) Soir 3-France 3 Côte d’Azur du 21 juin 2013
(2) Le Var information du 31 mai 2013
(3) Association pour la Préservation des Espaces Naturels entre Maures et Estérel