Rêve général
« En période d’état d’urgence, ce devrait être interdit de manifester. » Avec la franchise qui le caractérise, Christian Estrosi a exprimé haut et fort, sur France Info, un souhait largement partagé aussi bien au sein du gouvernement socialiste, de son opposition Républicaine qu’au Front national où l’on aime les défilés mais en ordre bien serré. Ah le temps béni où, après les attentats de Paris, il était si facile de circonscrire le moindre rassemblement durant la conférence internationale sur le climat ! Les dangereux activistes, les doux rêveurs écolos, les manifestants dangereusement rêveurs, n’avaient qu’à bien se tenir au nom de l’union nationale face à la menace terroriste…
Quoi qu’on pense de Nuit Debout, de ses limites, de son avenir, de sa capacité à favoriser la « convergence des luttes », de sa prétention à réduire la fracture sociale entre le centre des villes et leurs périphéries, le mouvement a d’ores et déjà réussi son pari : réinvestir l’espace public, relancer la machine à débattre, réaffirmer le besoin de « faire politique » en commun, réinventer des utopies mobilisatrices. Du mot d’ordre de « rêve général » à celui d’une grève tout aussi « générale » pour faire obstacle à la loi travail « et à son monde », il n’y a pas de doutes : nous sommes bien en mai.