Gaudin éternel mauvais élève
« Dans quatre mois, c’est la quille ! » Jeudi 28 août, le cri du cœur de Danièle Casanova en quittant son ultime conférence de presse de rentrée en dit long sur la sinécure de la fidèle adjointe à l’Education de Jean-Claude Gaudin en cette fin de mandat. Comme d’habitude, elle a cependant fait le boulot : défendant l’indéfendable et annonçant les miracles, comme le passage de 444 à 470 écoles depuis un changement de comptage des bâtiments ou la multiplication des classes qui devrait permettre d’absorber les 2 000 élèves supplémentaires (1). Officiellement « absent à regret », le maire LR de Marseille, lui, fait l’école buissonnière : il est en vacances…
Peut-être a-t-il aussi préféré fuir les habituelles polémiques de rentrée. Fin août, par courrier et sans un mot d’excuse, les familles de l’école du cours Julien (6e arrondissement) ont appris que leurs gamins auraient classe toute l’année à trois kilomètres à cause d’une rénovation de toiture mal programmée. D’autres, ceux de Chanterelle (1er arrondissement), ne pourront carrément pas faire leur rentrée dans ce nouveau groupe scolaire car il n’est toujours pas achevé… Deux affaires qui résument à elles seules les 25 années de politique d’Education de Jean-Claude Gaudin : financements insuffisants, absence de programmation et mépris pour les parents d’élèves.
Etat catastrophique
Suite à la publication en février 2016 par Libération d’une enquête sur les écoles marseillaises titrée « La honte de la République », le maire LR de Marseille avait pourtant fait amende honorable. Après avoir hurlé au « Marseille bashing », il avait débloqué des crédits d’urgence, lancé une étude pour la construction ou reconstruction de 34 écoles, dont 28 écoles « Pailleron », très abîmées et hautement inflammables. Depuis, Jean-Claude Gaudin confesse avoir « trop attendu » et jure sur la bonne mère, à l’unisson de son adjointe, consacrer désormais 40 millions d’euros par an à l’entretien, la rénovation et la construction de ses écoles.
« La gestion de la crise de 2016, c’est surtout de la com., juge Jean-Marc Coppola, patron des communistes marseillais. Jean-Claude Gaudin aurait voulu terminer son mandat dans les meilleures conditions possibles. » De fait, le projet de construction-reconstruction est au point mort depuis que la justice a jugé son plan de financement – un énième partenariat public privé – un peu trop fumeux. Quant aux 40 millions d’euros d’investissement annuels, ils ne dépassent qu’exceptionnellement les 30 millions d’euros par an (42,5 millions d’euros en 2017 et 33,7 millions d’euros en 2018), en prenant en compte les généreuses subventions du Conseil départemental et de l’Etat et les 3 millions d’euros de crédits d’entretien et de maintenance compris, selon les comptes administratifs de la ville (dépenses et recettes réelles) depuis le début du dernier mandant (2014) dans lesquels le Ravi s’est plongé. Un chiffre confirmé le 28 août par un autre fidèle du maire de Marseille, Roland Blum, l’adjoint aux finances. Alors, quand Danièle Casanova annonce que la mairie s’organise pour la construction de pas moins de 51 écoles (les 28 écoles Pailleron comprises), on sourit.
« On a perdu quatre ans »
Du côté des instits et des parents d’élèves, on fait plutôt la grimace. « Le « Allo mairie école » fonctionne moins bien qu’à son lancement en 2016 et il y a moins de financements pour les travaux », se désespère Corinne Vialle, directrice d’école du 6e arrondissement et référente du SNUipp (principal syndicat enseignant) pour Marseille, qui se plaint aussi des délais et conditions d’intervention. « On a vu fleurir des panneaux sur les écoles, vantant les travaux réalisés, mais dans les faits rien n’est fait. L’état des écoles reste catastrophique », dénonce encore Fleur Sanchez, une instit du 13e arrondissement syndiquée chez Sud Education. « En 2016, pour la première fois, la mairie comme l’image du maire et de sa majorité ont été ébranlées. Et ça continue de leur coller aux basques. [Mais] on a perdu quatre ans, tranche de son côté Séverine Gil, présidente du MPE 13, une fédération de parents d’élèves locale. Il y a eu une accélération des travaux l’année qui a suivi la crise, mais après ça s’est arrêté. »
Ecoles privées de tout
Le bâti est cependant loin d’être le seul problème des écoles marseillaises : elles manquent aussi cruellement de moyens matériels et humains. C’est ce que note l’enquête d’usage réalisée par le Collectif des écoles de Marseille (CEM), le dernier à s’être créé sur la question de l’école depuis une dizaine d’année (Cf p. 12). « En résumé, en plus du manque d’entretien des bâtiments, il manque du personnel municipal dans les écoles », relève Mickaël Bregliano, instit dans le 3e arrondissement encarté au SNUipp. « Il n’y a pas de gestion des effectifs. Alors si la mairie est plus à l’écoute depuis 2016, pour les moyens c’est encore autre chose », regrette Patrick Rué, le patron de FO. Les effectifs ne suivent pas la courbe de la population scolaire…
Une remarque qui vaut aussi pour le budget fonctionnement des écoles. Le matériel pédagogique et les produits d’hygiène et d’entretien sont insuffisants selon l’enquête du CEM. Car d’une manière générale, les écoles marseillaises manquent de tout : les budgets transports, sorties, bibliothèques ont été décapités, les élèves doivent apporter leur papier toilette et leur ramette de papier. Alors que le budget éducation est passé de 178 à 220 millions d’euros entre 2014 et 2018, permettant à Marseille de dépasser Lyon en dépense Education (fonctionnement et investissement confondus) par habitant (255 euros contre 252 euros), la part fonctionnement du premier degré, hors contribution obligatoire aux écoles privées sous contrat, est passée de 17,25 millions d’euros à 17,64 millions d’euros. Une progression royale de 2,29 %. Moins que l’inflation (3,1 %). Pire, la caisse des écoles, qui finance les projets pédagogiques, une partie des transports, les classes découverte, a chuté de 28,5 %, de 1,8 millions d’euros à 1,3 millions d’euros. Avec 7 000 élèves supplémentaires depuis 2015.
Des chiffres que reconnaît Roland Blum : « On est contraint par l’Etat et les frais de fonctionnement. Sachant que Jean-Claude Gaudin me demande de privilégier le remboursement de la dette… » En attendant, la contribution versée aux écoles privées a grimpée de 11,14 % depuis 2014 alors que ses effectifs stagnent (Cf p.10).
Marseille se traîne donc toujours dans le classement des principales métropoles françaises hors Paris. Selon leurs comptes de résultats 2018, elle est celle qui consacre la plus faible part de son budget à l’éducation – 13,3 %, contre 13,5 pour Nice, 15,6 % pour Lyon, 16,3 % pour Nantes et 23,8 % pour Toulouse -, et investi le moins (plus de deux fois moins que Toulouse). La deuxième ville de France s’en tire uniquement sur les budgets fonctionnement du primaire par élève, caisse des écoles par élève et masse salariale en se plaçant… avant dernière. Conclusion unanime, à peine démentie par Roland Blum, résumée par Christophe Perlino, le président de la FCPE 13 : « Gaudin fait des choix politique et il n’a jamais fais de l’Ecole une priorité. »
1. Depuis 2015, les effectifs du public sont passés de 73 000 à 80 000 élèves.