Rendez-vous aux calanques grecques…
« Ifeu Casseul, Ifeu Casseul… » : c’est le signal pour les touristes empruntant la navette du Frioul pour débarquer sur le château d’If, au large de Marseille. De fait, au sein de cette filiale de Veolia, il n’y a pas que l’anglais dont on se fiche. En effet, depuis la publication du décret de création du parc national des calanques, débarquer au château d’If est, normalement, interdit ! Un sujet suffisamment grave pour que la présidente du parc, Danièle Milon, s’en émeuve auprès du ministère de l’Environnement. En cause ? Les tergiversations sur l’intégration du Frioul au cœur du parc et la rédaction en urgence du décret, publié il y a maintenant un an…
A la direction (1), on est dans ses petits souliers, cette erreur n’étant pas la seule (en témoigne, notamment, une inversion de coordonnées GPS du côté du Riou). « Ces bugs sont en cours de correction, assure le directeur par intérim, Benjamin Durand. En attendant, il est vrai que l’interdiction de pêcher est un peu fragile. Quant à l’interdiction de débarquer au château d’If, ce serait surréaliste qu’une association s’en saisisse. A moins qu’elle ne soit particulièrement procédurière… »
Salariés précaires…
Pourtant, le parc qui, sur le papier, n’a qu’un an, a déjà connu un certain nombre de procédures. Si le décret est dans le collimateur des chasseurs, plaisanciers et amateurs de jet-ski, même la désignation à la présidence du parc de la maire UMP de Cassis, soutenue par le trio Gaudin-Guérini-Caselli, est contestée, parce qu’elle aurait dépassé la limite d’âge pour postuler, par son rival malheureux, Didier Réault. Ce dernier est un proche, lui, de l’ancien patron du groupement d’intérêt public (GIP) des calanques, Guy Teissier, lui aussi UMP mais rival de Gaudin. La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre…
De fait, le parc des calanques n’est pas loin de la surchauffe. Pas simplement parce que l’été approche et que les bagnoles continuent – merci Gaudin ! – à embouteiller jusqu’au cœur du dixième parc national hexagonal. Mais surtout parce que, côté social, ça bouillonne. En effet, dans sa missive à Delphine Batho, Danièle Milon faisait part des revendications du personnel qui doit passer du GIP des calanques au parc national. Les salariés n’ont que très moyennement apprécié de ne se voir proposer, pour les CDD, que des renouvellements d’un an ou, pour les contractuels, d’être cantonnés à la grille la plus basse. Sans parler de « l’oubli » des agents du Frioul parmi les personnels appartenant au CEN Paca (le conservatoire d’espace naturel) devant intégrer logiquement le parc..
… et budgets à la baisse
Dans sa réponse, le ministère renvoie au futur directeur – qui, d’après nos informations, devrait être François Bland, jusqu’à présent à l’Office national des forêts – le soin de négocier les contrats de ces agents. La présidente se veut rassurante : « La plupart des salariés du GIP et du CEN-Paca vont intégrer le parc avec des contrats en bonne et due forme. Mais il faut laisser au futur directeur un peu de latitude pour constituer une équipe »… Pour Francis Tallin, représentant (SNE-FSU) du personnel, « à une petite dizaine, on fait le boulot qui, dans les autres parcs, est assuré par une trentaine d’agents. On subit de plein fouet la RGPP. Le parc des calanques a été créé à budget constant. En clair, on a déshabillé Pierre pour habiller Paul… »
Benjamin Durand temporise : « Le contexte budgétaire est très défavorable. Mais le parc vient à peine de naître. On n’a que deux millions d’euros mais c’est pour neuf mois. L’an prochain, j’espère qu’on atteindra les trois millions. Et on ne va pas passer de suite à soixante agents… » Danièle Milon confirme : « Même si j’ai eu la surprise de voir qu’il restait 580.000 euros dans les caisses du GIP, on n’a pas assez de moyens. Mais c’est à nous de faire nos preuves pour prétendre à plus ».
Commentaire de Cyril Gombert, vice-président du conseil d’administration (et représentant de Naturoscope) : « L’environnement n’était déjà plus une priorité, aujourd’hui, ce n’est même plus une préoccupation ! Le problème, c’est que nous sommes un parc "nouvelle génération", périurbain de surcroît. En clair, tout le monde nous regarde. Et la crainte, c’est que ce qui se passe fasse jurisprudence. Si un parc peut tourner avec trois millions, pourquoi les autres en auraient cinq ou six ? Le risque, c’est que la notion de parc national ne soit plus qu’un label. Car si, pour cet été, une trentaine de saisonniers vont être recrutés, quand on voit qu’il y a déjà eu des incendies cet hiver, qu’en sera-t-il pour la période estivale et au-delà, sachant que la création d’un parc crée un afflux de visiteurs ? » En clair, pour les visiteurs comme pour le personnel, les calanques, ça se mérite…
Sébastien Boistel
(1) Cet article a été publié en mai 2013, avant la nomination du premier directeur, François Bland