Ravier, en vœux-tu ? En voilà !
Cette année encore, le sénateur-maire FN des quartiers nord, Stéphane Ravier, n’a pas pu s’en empêcher. Plutôt que de planter un chapiteau dans le jardin de la bastide qui lui sert de mairie, il s’est à nouveau payé le Dôme. « Le Dôme, ça coûte le même prix qu’un chapiteau », assure sa directrice de cabinet, Christelle Harms, pendant que les techniciens font un dernier test avec la machine à fumée. Pas besoin d’invitation pour rentrer mais la nécessité de passer par deux contrôles de sécurité. Pour les plus « chanceux », après s’être fait palper, fouiller et scanner, le maître des lieux, flanquée de sa moitié, serre des mains, claque la bise, à un troupeau de personnes âgées qui ont dû attendre dans le froid. On croise Stéphane Mari, figure socialiste des quartiers nord, qui est venu avec sa candidate aux législatives, Anne Di Marino. Et l’élu d’opposition dans le 13/14, estimant le coût l’an dernier à « 30 000 euros » et la location du Dôme à « 9 000 », de s’interroger : « Est-ce que ce sera plus mégalo que l’an dernier ? » A regarder la salle et le dispositif – débauche de drapeaux, écrans géants, lasers et caméras – poser la question, c’est déjà y répondre. Pourtant, une autre interrogation agite tout ce petit monde : dans une circonscription où la droite est mal en point et la gauche définitivement plombée par la condamnation à 1 an de prison ferme de Sylvie Andrieux (ex-PS) pour « détournements de fonds publics », celui qui a été de tous les scrutins sera-t-il candidat aux législatives ? A 20h45, sur scène, après avoir vaguement sondé l’assistance, interrogée par une porte-micro de circonstance, le maire d’extrême droite lâche le morceau : « Je ne suis pas candidat. » De quoi relancer le suspense sur l’identité du « héraut » du FN dans le secteur. Visiblement, le Front estime qu’il est urgent d’attendre. Comme nous l’explique le frontiste martégal Emmanuel Fouquart : « La liste des candidats devait être connue fin janvier mais cela devrait être à nouveau repoussé. Pour le FN, la priorité, c’est la présidentielle. Or, si les candidats aux législatives sont désignés trop tôt, la crainte, c’est de les voir faire leur campagne en oubliant celle de Marine Le Pen. » L’adjoint Cédric Dudieuzère, pressenti par certains comme possible candidat, même s’il assure que ce ne sont « que des bruits », piaffe d’impatience : « Il serait temps que la décision tombe, on est le 11 janvier ! » Quand on l’interroge sur le sujet, même si Ravier aimerait que ce soit « quelqu’un du cru », le patron de la fédération du FN 13 rétorque : « Je ne suis pas membre de la commission nationale d’investiture. J’ai mon mot à dire. Comme sur l’urbanisme en tant que maire de secteur… » Diantre ! Le dictateur « nord-phocéen », après les démissions en cascade dans son équipe, ne serait-il plus en odeur de sainteté du côté de Nanterre ? De toute manière, sa priorité, c’est le coup d’après : la mairie de Marseille en 2020. En témoigne le film qui ouvre la cérémonie des vœux. A grand renforts d’images aériennes et sur fond d’une reprise de la chanson de John Lennon Imagine, une voix enfantine dresse en creux le portrait d’un Ravier écolo, ami des enfants, se rêvant réunificateur d’une Marseille « libre et indivisible ». Dans ce clip, le seul adjoint qui a droit à la parole, c’est sa nièce, l’adjointe aux écoles Sandrine D’Angio. L’année dernière, le clip de campagne se terminait par un mauvais montage où, sur la corniche Kennedy, le visage de Zidane avait été gommé au profit de la trogne de Ravier, cet adepte du « grand remplacement ». Là, le film se conclut sur le visage souriant de l’enfant qui nous a raconté cette fable glacée et glaçante. On rit jaune, ou bleu marine, c’est selon. L’essentiel de la cérémonie consiste donc en un plaidoyer pro domo où Ravier fait l’éloge de ses deux ans de mandat. Mais puisqu’un maire de secteur n’a guère de pouvoir, il se raccroche comme il peut aux rares dossiers sur lesquels il a quelque prérogative : les écoles, la voirie, un peu de sport, un soupçon de culture… Heureusement qu’il a sa réserve parlementaire, et l’étonnant appui de la socialiste Florence Masse, pour pouvoir financer ici un terrain de foot, là un jardin d’enfants. Et celui que l’opposition surnomme le « président du comité des fêtes des 13/14 » de s’enorgueillir de ce titre, fustigeant, pêle-mêle, la L2, les « squatteurs » de l’Espace Culturel Busserine qu’il aurait pu « faire fermer plusieurs fois », le socialiste Patrick Mennucci qui veut légaliser le cannabis ou ces profs qui ont osé donner « aux migrants » les chocolats que la mairie de secteur leur avait offert ! « Quand l’idéologie prend le dessus à ce point-là, il ne reste que la camisole de force », grince-t-il. Si le sénateur-maire se lâche moins que lorsqu’il est devant ses troupes à la fédération du FN – allant même jusqu’à refuser « l’amalgame » en évoquant ces « groupuscules qui ne représentent évidemment pas l’ensemble de nos compatriotes et étrangers musulmans qui résident chez nous » – il a parfois encore du mal à se retenir : « La langue de Shakespeare, la langue de Goethe, la langue de bois, les langues étrangères très peu pour moi, je parle français. Je dis ce que je vois et ce que je ressens. Et si ça plaît, tant mieux et si ça ne plaît pas, tant pis… » Mettant en avant ses « racines provençales et chrétiennes », il se fait les crocs sur les femmes en burkini qu’il surnomme les « otaries », le « camping de la misère de Marseille » (en clair, les camps de Roms) ou le marché aux puces, un lieu où règne « l’anarchie », qui ne « ressemble même pas à ce que l’on peut trouver dans le tiers monde ». Et d’asséner : « On reproche à un président américain élu de vouloir construire un mur. Nous, nous avons déjà un mur. Il est invisible. Il matérialise la frontière entre le nord et le sud. » Lui veut séparer « le bon grain de l’ivraie ». A croire que le sénateur-maire d’extrême droite qui représente le « franc parler » du FN du sud a reçu des consignes de la patronne du FN du nord pour éviter de faire des vagues. Et, dans la perspective de 2020, cultive son image de bon père de famille. L’an dernier, il avait déjà mis en avant – fait suffisamment rare pour être noté – son épouse et sa mère. Cette dernière est morte il y a deux mois. Alors, au cours d’une séquence « émotion », aussi improbable qu’interminable, il invite sur scène la seule famille qui lui reste, ses deux frères, pour leur chanter a cappella, le tube de Johnny Halliday, « Je te promets ». En 2017, de la part d’un frontiste, sans même parler de la météo, ça fait froid dans le dos. Autant que, lorsque après avoir distingué associations et entreprises du quartier lors de la remise des Phocéens d’Or, et avoir remercié « la terre entière », avec son sourire carnassier, il vous souhaite « bonne année ». Sébastien Boistel & Thomas Desset Pour écouter Stéphane Ravier qui interprète Johnny Halliday, c’est en cliquant ci-dessous : ravierjeteprometsvoeuxdomejv2017.mp3