Rame, rame, rameur, ramez…
Aix-Marseille Université : tout est dans le trait d’union ! Dans la réalité, cette fusion s’est accompagnée de vrais problèmes de transport. Pourtant, sur le papier, le compte y serait presque. Prenez Marseille : 950 kilomètres de lignes de bus, deux lignes de métro, autant de tramway, des gares SNCF, routière… Mais pas besoin d’aller très loin pour toucher du doigt les problèmes de déplacements des étudiants.
« Je mets autant de temps pour venir à la fac en habitant sur la Corniche qu’en venant d’en dehors de Marseille », tempête l’un de nos compagnons d’infortune. Une collègue renchérit : « Moi, je mets autant de temps pour venir en habitant à la Viste que ceux qui viennent de Miramas ! » Pour venir des quartiers nord et parcourir en transports en commun 7 km, Leïla met 40 minutes, soit le temps que met le train pour parcourir les 60 km séparant Miramas et Marseille.
Les campus étant, comme les lieux de résidence, éclatés, poursuivre ses études se résume à courir après des bus ou ronger son frein dans les embouteillages. Leïla n’en privilégie pas moins les transports en commun. Parce que, côté trafic, Marseille reste la capitale… des embouteillages ! Et, arrivé à bon port, le calvaire, c’est pour trouver une place. S’il y a un parking pour les étudiants à Saint-Charles, il n’y en a pas à Aix. « Même en commençant à 10 heures, on doit venir à 7 heures pour trouver une place », déplore Clara, étudiante en droit.
Las, côté transports en commun, c’est loin d’être la panacée. Chaque mois, Karine débourse 21 euros pour venir en bus. Un vrai budget, pour un étudiant : « 189 euros l’année de bus, c’est pas donné », lâche celle qui paye plein pot. Parce qu’elle n’a pas le choix. Habitant Bouc-Bel-Air, il n’y a que le bus qui passe près de chez elle. « Avec les embouteillages, aller à la gare de Simiane en voiture pour prendre le train serait trop risqué. Je dois donc prendre le bus. Et ne peux profiter de la carte Zou… »
La carte Zou, c’est la carte qui permet aux étudiants de faire le trajet en TER entre leur lieu de résidence et d’étude pour seulement 15 euros par an. A condition d’avoir moins de 26 ans et d’habiter en région Paca. Et si cette carte propose l’équivalent en LER (les bus gérés par la SNCF), c’est au prix fort : 79 euros par mois pour un seul trajet prédéfini. Autant dire qu’on est loin de l’abonnement étudiant universel. Et de la gratuité.
« La fusion entre les deux universités aurait dû faciliter les déplacements des étudiants entre les deux zones. Mais certains projets concernant la liaison Aix-Marseille n’ont pas encore vu le jour », soupire l’écolo Sébastien Barles. Qui verrait d’un bon œil de nouvelles infrastructures. A commencer par celles qui étaient prévues : le doublement des voies ferroviaires entre Aix et Marseille et la mise en place d’une voie de bus dédiée uniquement à la ligne qui relie les deux villes par autoroute.
Las, il va falloir être patient. Pour la liaison ferroviaire Aix-Marseille, empruntée quotidiennement par plus de 8000 passagers, la SNCF a scindé en deux le chantier et la deuxième phase, entre Gardanne et Aix, ne sera achevée qu’en 2017. Quant à la voie réservée au bus sur l’autoroute, le dossier est encore sur le bureau du ministre des transports. Avec 24 cars par heure entre Aix et Marseille et aucune nouvelle construction à l’horizon, la solution qui se dessine c’est d’autoriser les bus à emprunter la voie d’arrêt d’urgence.
Et du côté des transports « doux », c’est la cata. Comme le dénonce Virginie Guy, de « Vélo en ville », Marseille ne respecte même pas la loi qui voudrait que chaque tronçon rénové soit doté d’une piste cyclable. Comme la rue de Rome avec l’extension du tramway. Et, à l’insécurité physique s’ajoute celle matérielle. Au sein de la licence, il n’y a que les enseignants qui viennent en vélo. Peut-être parce qu’ils peuvent garer leur monture en salle des profs. Seule exception ? Thomas. Qui avoue : « J’ai déjà retrouvé ma roue avant à côté de mon vélo. Suite à l’intervention d’un agent de sécurité de la fac avant que mon vélo ne se fasse voler. »
Emblématique des errements de la politique des transports dans la deuxième ville de France : le sort réservé aux navettes maritimes entre le Vieux-Port et l’Estaque et Pointe Rouge. Cette année, le nombre de rotations a été réduit et le tarif doublé. « Un véritable retour en arrière de la politique des transports en commun », dénonce la militante écolo. A moins que ce ne soit une invitation à venir à la fac à la nage. Ou de nous apprendre à ramer…
Cécile Azam et Léa Poinsignon