Qui est le maire d’Avignon ?
Depuis l’apparition des ribambelles de communautés de communes, d’agglomérations ou encore urbaines, au début des années 2000, le maire n’est plus cet élu tout-puissant. Et encore moins avec le changement, en 2014, du mode de désignation des conseillers communautaires : lors d’une élection municipale, des sièges sont attribués aux candidats de l’opposition quand, auparavant, la liste qui remportait la mise trustait la totalité des postes intercommunaux.
Ce qui aboutit à Avignon à une ville centre gérée par le PS et une intercommunalité, le Grand Avignon, administrée par la droite. De fait, une cohabitation. « Il y a de la diversité dans la gouvernance, tous les maires de l’agglomération sont vice-présidents et toutes les sensibilités politiques sont représentées, se réjouit Daniel Bellegarde, maire sans étiquette de la plus petite commune du Grand Avignon, Jonquerettes. Il y a donc plus de débat, de démocratie. Auparavant, il y avait une pression trop importante à droite. »
Compromis sur le Tram
Le hic, c’est que le programme sur lequel s’est fait élire Cécile Helle (1), le maire PS d’Avignon, relève largement des compétences communautaires. La première de ses priorités s’intitulait même : « Construire une ambition d’avenir pour notre agglomération »… En campagne, elle assurait qu’elle mettrait à la poubelle le tramway à 250 millions d’euros déjà bien avancé de son prédécesseur Marie-Josée Roig (UMP) pour privilégier des bus à haut niveau de service (BHNS). Si le projet est effectivement suspendu et qu’une étude complémentaire doit être rendue mi-novembre, elle devra probablement mettre de l’eau dans son vin. L’agglo a drastiquement réduit la voilure et pourrait se diriger vers un mix tramway/BHNS en site propre. Sans parler de la gratuité des transports publics, inscrite également dans son programme.
« Elle était dans une posture politique pour s’opposer frontalement à Marie-Josée Roig, qui, elle aussi, en faisait un symbole de sa mandature. Cette cohabitation a du bon, nous sommes sortis d’un certain dogmatisme », commente Jean-François Césarini, président de l’association Alternatives au tramway et ancien colistier de Cécile Helle. Pour Vincent Delahaye, conseiller municipal Front de gauche, lié à la majorité : « il va être intéressant de voir comment Cécile va pouvoir sauver la face. Elle ne peut se permettre de faire une impasse sur ce dossier, cela équivaudrait à un mandat blanc. »
Même chose sur la question de la remunicipalisation de la gestion de l’eau, l’une des propositions du nouveau maire, gestion aujourd’hui dévolue à Veolia et jusqu’en 2020. Légalement, le contrat aurait dû s’arrêter en 2015 mais grâce à des exceptions à la loi, Marie-Josée Roig avait pu le faire continuer jusqu’à son terme initial, en 2020. Fin septembre, la majorité de Cécile Helle s’est prononcée favorablement à un retour en régie publique. Mais avec une délibération déjà entérinée en 2013, les élus devront monter fortement au créneau pour en produire une nouvelle.
Tensions sur l’eau
« La prise de position est bonne mais au-delà des mots, on veut des actes. Et il va falloir que les élus avignonnais argumentent, soient convaincants », s’énerve Marcelle Landau, active présidente du collectif de l’eau d’Avignon. Selon elle, avec le contrat de délégation de service public de la ville – « le pire de l’agglo » – 2 millions d’euros s’évaporent par an pour la rémunération des actionnaires. Pour Vincent Delahaye, également conseiller communautaire, « le transfert est possible en 2017. Il faut tout renégocier et je vois mal l’agglo refuser. Mais oui, si rien ne bouge rapidement, les élus Front de gauche prendront leurs responsabilités. Maintenant, je fais crédit à Cécile Helle de tenir ses engagements. Pour le moment elle l’a fait ». Il rappelle également qu’elle a encore des prérogatives fortes comme la sécurité ou sur l’aménagement et la construction via la SEM Citadis. Mais quand on sait que le développement économique par exemple est dévolu au Grand Avignon, le pouvoir du maire se résume à peau de chagrin. Dernier évènement en date, le transfert imminent de l’office HLM de la ville au Grand Avignon, anticipant les textes de loi. Une bonne idée pour établir une politique cohérente du logement social à l’échelle du territoire. L’occasion aussi pour Cécile Helle de mettre fin à des bisbilles internes parasitant fortement l’action de l’office…
En attendant, très pragmatique, Jean-Marc Roubaud, président du Grand Avignon et maire (UMP) de Villeneuve-lès-Avignon, la joue rassembleur : « Il n’y a ni tabou ni dogme. J’ai répété à plusieurs reprises qu’il était hors de question d’imposer à une ville quelque chose qu’elle ne désirait pas. Je souhaite dépasser les étiquettes politiques. » Les relations entre les deux fortes personnalités du Grand Avignon sont visiblement cordiales et le respect des sensibilités, du dialogue, est pour l’instant de mise. « Pour l’instant oui », s’amuse Jean-Marc Roubaud. Car aucun gros dossier politique clivant n’a encore été discuté à l’assemblée et c’est à ce moment-là que les masques, s’il y en a, tomberont. Et de voir apparaître le vrai patron d’Avignon.
Clément Chassot
1. Sollicitée à plusieurs reprises, Cécile Helle n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.