Quand Quick se suicide
Mon « histoire » a intéressé la France entière en quelques minutes lorsque la société Quick France SAS a décidé de balancer un communiqué de presse en annonçant poursuivre un certain @EquipierQuick sur le célèbre et controversé réseau social Twitter, pour diffamation, le 3 janvier dernier. @EquipierQuick, c’était bel et bien moi.
J’étais ainsi contre mon gré mis au devant de la scène médiatique pour m’expliquer. Expliquer que ce compte ouvert le 1er novembre dernier sur Twitter avait comme but de dénoncer des conditions de travail et des pressions psychologiques inacceptables et inhumaines, selon moi, au sein de ce restaurant. J’ai ainsi fait vivre publiquement, pendant un peu moins d’un mois, aux consommateurs et aux curieux de Quick, les coulisses d’un restaurant connu défavorablement en Europe suite au décès d’un jeune adolescent, Benjamin Orset en janvier 2011, à Avignon (84).
Des conditions particulières et spécifiques à ce restaurant, selon le propre aveux d’un responsable de la chaîne de restauration rapide. « Un restaurant qui nous tient à cœur », nous disait-il lors de notre formation express de 1h45 face à deux vidéos et quelques papiers à signer pour les besoins du CDI. Un CDI à temps partiel (seule une équipière de premier niveau avait un 35 heures) de 22 heures, pour un peu moins de 700 euros par mois.
Pour avoir dénoncé des conditions inacceptables et punies par la loi, Quick France m’a ainsi présenté comme un menteur. « Il dit n’importe quoi », dira même l’avocat du groupe sur les ondes d’une radio nationale. La communication de Quick a été, à mes yeux, plus que ratée. En annonçant son intention de déposer plainte contre ma personne, elle s’est suicidée en pointant du doigt publiquement ce compte sur Twitter où le nombre d’abonnés a littéralement explosé. Une communication ratée jusqu’au suicide dudit restaurant, presque vide après cette nouvelle « affaire », qui en réalité n’en est pas une à mes yeux.
Aujourd’hui, je serais poursuivi pour avoir relaté mes conditions de travail. Mais quid d’ex-équipiers ayant travaillé avec moi, venus remplir (sans contrainte) des attestations ? Et quid des clients, notamment ce couple des Bouches-du-Rhône qui s’était plaint au service consommateur des conditions d’hygiène déplorables en novembre et décembre derniers de ce restaurant, photos à l’appui ? Seront-ils aussi poursuivis ? Ou recevront-ils un chèque pour un silence absolu ?
Je n’ai rien inventé. Les témoignages sont là. Et avec la CGT, où je suis syndiqué, nous nous efforcerons de faire reconnaître les erreurs de Quick, et d’améliorer les conditions de travail des équipiers, pas seulement sur Avignon mais partout en France avec s’il le faut, des actions symboliques au niveau national. Et je mets au défi le groupe de restauration rapide de m’accuser d’un « déficit d’image », qu’ils ont monté de toute pièce avec leur service communication.
Les Prud’hommes trancheront très certainement cette affaire. Et non le tribunal correctionnel. Sauf si Quick ouvre un dialogue constructif, et non interposé par le biais de la Presse.
Nicolas Canut