« Quand on n’a rien à dire, on ferme sa gueule ! »
18h12
La foule se presse devant la salle des mariages de la mairie du Luc-en-Provence. Ce soir, le conseil municipal passe aux urnes suite à la démission du maire FN, Philippe de La Grange, pour « état de santé incompatible avec la fonction de maire ». Il avait été élu en mars 2014
18h15
Les candidats aux départementales serrent des paluches en attendant l’ouverture des portes. Parmi eux, Jean-Marie Bernardi et son écharpe rouge, Front de gauche éliminé au premier tour des municipales, il est aussi à l’origine d’« Ensemble pour le Luc », comité de vigilance contre le FN. Dominique Lain, chef de file de l’opposition DVD, fait lui aussi son tour de piste ; il sera candidat fin mars sous l’étiquette UMP.
18h17
Var Matin n’a pas été informé du conseil municipal de ce soir et n’a donc pas dépêché de journaliste pour l’occasion. Etrange, au Ravi on est pourtant au courant depuis trois semaines… C’est donc le correspondant local, retraité associatif, qui s’y colle et s’en excuse.
18h23
La journaliste du Ravi a réussi à se frayer un chemin jusqu’à la table de presse mais à peine son dictaphone et son trombinoscope sortis, l’ancien DGS Guillaume Campos, costard et petite lunettes, mis au placard depuis l’arrivée du FN et désormais en charge des conseils municipaux, lui demande de libérer la chaise et de s’installer dans le public. le Ravi refuse, prêt à dégainer sa carte de presse (question d’habitude en mairie frontiste). Campos n’insiste pas, plus stressé par la soirée qui s’annonce que par notre venue. D’autant plus que celle qui a pris sa place, Elisabeth Calou-Lalessart, candidate FN éliminée au second tour des municipales à St Cyr-sur-Mer (83) ne sera pas là ce soir, suite à une chute vertigineuse dans les escaliers… Si on ajoute à cela son expérience avortée (4 mois) auprès de Fabien Engelmann, maire d’Hayange (Moselle) condamné depuis à un an d’inéligibilité (il a fait appel) pour comptes de campagne invalidés, force est de constater que la fonction de DGS ne lui réussit pas !
18H27
La nouvelle chef de cabinet Ludivine Reynaud, blonde de 25 ans (qui en paraît dix de moins), vernis à ongle assorti à sa coque de smartphone, vient nous saluer. Elle n’a pas de place assise et décide dans un premier temps de rester debout derrière la table de presse. « Vous êtes juste à côté du buste de Marianne », lui fait remarquer Var Matin, sourire aux lèvres, avant de lui proposer de partager sa chaise et de s’entendre rétorquer avec délicatesse « je suis jeune, je peux rester debout ! ». Tout juste sortie de Sciences Po, elle a été parachutée dans le Var pour remplacer au pied levé l’ancien « dir cab » Damien Guttierez, candidat FN éliminé au second tour des municipales de La Seyne-sur-Mer, poussé vers la sortie juste avant que de La Grange ne démissionne. Incompatibilité, paraît-il.
18h29
La configuration de la salle ne se prête pas à autant de public, certains sont quasiment assis sur les genoux des élus.
18h30
Pascal Verrelle, ancien chef de centre pénitentiaire et adjoint délégué à la sécurité prend la parole : « Je sais que quelques rumeurs circulent […] mais sachez que Philippe de La Grange a jeté l’éponge pour combattre la maladie. » Ne nommant personne directement, il évoque un certain « Oscillococcinum », surnom donné à un homme « qui a la morve au nez » et « une grande écharpe rouge » et de conclure en citant du Coluche (qui aurait sûrement apprécié) : « Quand on n’a rien à dire, on ferait mieux de fermer sa gueule ! »
18h33
« Nous allons passer à la signature… », bafouille Patricia Zirilli, tellement stressée qu’elle en oublie de dire bonjour. La première adjointe préside la séance et devrait sans surprise prendre la suite de de La Grange puisqu’elle a été choisie comme candidate par les conseillers municipaux FN. Pour l’occasion, elle arbore un pull à… tête de loup ! Ali Torchi, élu d’opposition, liste DVG « Le Luc La Renaissance » – qui grâce à son maintien au second tour a permis au FN de passer – demande à prendre la parole pour saluer la mémoire d’un de ses anciens colistiers décédé. Contente de ce moment de répit, la première adjointe accepte.
18h37
Elle retente : « Donc, nous allons passer à la signature des délibérations… » Et le staff de la mairie en chœur : « Non, pas cette fois-ci ! » Patricia Zirilli semble perdue et poursuit la voix tremblotante.
18h39
Comme dans toutes les mairies FN, l’appel prend des allures de jeu des 7 familles… L’adjoint à la sécurité est marié à Danielle Verrelle. Facile, ils ont le même nom. Plus compliqué, Nathalie Menna, déléguée au développement économique et touristique n’est autre que la femme du maire démissionnaire. Daniel Baumont est en couple avec Nicole Ferrand, et Godard est avec Imbert.
18h42
Un nouveau conseiller municipal est mis en place, Zirilli précise que Sandra Ventolini, 24ème sur la liste, a refusé. Bernard Vandekerckhove, 25ème sur la liste a accepté… De quoi compléter le jeu de cartes puisqu’il s’agit de l’époux de Nicaise, jupe sous la poitrine et petit chignon, déléguée à la vie associative. « Est-ce que Sandra Ventolini a été embauchée par la mairie du Luc ? », interroge Dominique Lain interpellé par le refus de cette dernière. Zirilli confirme qu’il s’agit d’un CDD se terminant fin mars.
18h45
Gros blanc, la première adjointe est perdue dans ses papiers… et interroge, inquiète, l’ancien DGS sur ce qu’elle a à faire…
18h50
C’est le plus âgé des conseillers, Roger Pasquier, petits yeux et cravate bariolée, qui ouvre la séance de vote. Seuls Zirilli et Lain sont candidats. Torchi s’abstient. Deux élus de la majorité sont nommés pour le dépouillement avant que l’ancien DGS ne souffle à Zirilli l’idée qu’il serait plus judicieux de prendre au moins un élu d’opposition…
18h59
Les conseillers enjambent le public pour atteindre l’isoloir dans un merdier qui rend dingue l’ancien DGS. « Ils font ça n’importe comment ! », marmonne une employée de mairie. « Faut appeler les gens, là ! », s’énerve Jean-Marie Godard, conseiller municipal de la majorité. On recommence l’élection dans les règles.
19h16
« Ça ressemble à un phénix qui renaît de ses cendres, je me suis dit que c’était adapté ! », lance Verrelle en présentant sa cravate à la table de presse. Ce dernier a préféré succéder à de La Grange dans la course aux départementales plutôt qu’à la mairie, mais chacun s’accorde à dire que c’est lui qui tirera les ficelles de Zirilli. « Je pensais que c’était un dragon ! », lance le correspondant de Var Matin. L’élection traîne en longueur, l’ancien DGS perd son sang-froid et crie sur une employée de mairie : « Non Martine, ça suffit ! »
19h18
17 voix pour Zirilli, 6 pour Lain, 2 blancs et 4 nuls… Autant dire que ça sent le roussi au sein de la majorité. De La Grange ne faisait déjà pas l’unanimité, car il était considéré comme trop tiède par certains lepénistes purs et durs. « Je remercie ceux qui vont… qui me font confiance, nous continuerons sur notre lancée », remercie le nouvel édile, des trémolos dans la voix. Elle devient ce soir la première femme à diriger une mairie FN depuis Catherine Mégret.
19h30
On poursuit avec l’élection des adjoints. Puis avec l’ouverture des crédits d’investissement par anticipation. Une étude de 10 000 euros concernant le stade Pasteur fait débat. L’opposition s’inquiète aussi de voir le vote du budget primitif encore reporté…
20h17
La séance est levée, Zirilli est soulagée. L’écharpe tricolore sur le pull à tête de loup est du plus bel effet… même si pour certains de sa majorité, le mouton aurait été plus approprié !
Samantha Rouchard