Quand Maréchal loge à Paris
« Souriante », « cordiale », « bosseuse » et « discrète »… Sur la forme, l’image que renvoie Marion Maréchal-Le Pen au sein de l’hémicycle est souvent positif : le nouveau visage du Front national, jeune et féminisé. Mais sur le fond, les fondamentaux restent les mêmes. Ses interventions tournent toujours autour de la sécurité, l’immigration, la famille, l’Europe ou l’agriculture. « Il faut lui reconnaître une certaine force de conviction lorsqu’elle prend la parole, elle n’a pas froid aux yeux et relaie le discours classique du FN. Mais elle est très largement absente du débat législatif », note Yann Galut, député PS du Cher, fondateur du club La gauche forte.
« Ce n’est pas une députée technique », commente Julien Aubert, le député UMP de la 5ème circonscription de Vaucluse, qui en a marre qu’on vienne lui poser des questions plus pour parler de Maréchal-Le Pen que de lui. « Collard et Le Pen signent des amendements qu’ils ne viennent pas soutenir en séance, leur action parlementaire est très médiatique », estime Thierry Mariani, ancien poids lourd UMP de Vaucluse. Christian Kert, député UMP des Bouches-du-Rhône et qui siège en commission avec elle, la décrit comme « une députée qui tient sa place, assidue et qui prend beaucoup de notes, comme une étudiante. Mais qui se tient à distance, plutôt isolée ».
Orthodoxie et modernité
Marion Maréchal-Le Pen fait partie, avec son acolyte Gilbert Collard, des 7 députés non inscrits de l’Assemblée. « Cela comporte des avantages et inconvénients, analyse-t-elle. D’un côté nous avons un temps de parole très restreint. De l’autre, nos profils ne passent pas inaperçus, on arrive à se faire entendre. » Elle sait qu’elle est la vitrine de 6 millions et demi d’électeurs. Son rôle dans la dédiabolisation, même si elle « n’aime pas beaucoup le terme », est de faire du FN, glisse-t-elle au Ravi, « un parti qui veut s’inscrire dans la vie républicaine et lui donner une image raisonnable. J’apporte ma pierre à l’édifice… »
« Elle a beaucoup progressé en un an, elle est arrivée à se façonner une identité politique propre, analyse Abel Mestre, journaliste qui suit le FN pour Le Monde. Elle se définit clairement comme une femme de droite, pas comme sa tante. En ce sens, elle est plus le clone politique de son grand-père, qui se comparait volontiers à un Reagan français. Elle est un mélange d’orthodoxie frontiste, car très réac sur le fond, et de modernité. » Elle est opposée, par exemple, à la peine de mort « par conviction religieuse » et tacle parfois son mentor quand elle assure au Monde que Marine Le Pen « a une façon virile de faire de la politique ». « Elle a un rapport spécial avec la presse, elle ne donne pas son numéro de portable par exemple, continue Abel Mestre. Elle reste assez discrète par rapport à Gilbert Collard sur ce terrain-là. » Ce qui ne l’empêche pas de cultiver sa notoriété au sein du parti en enchaînant les visites en fédérations et en faisant le tour des soirées galettes des rois.
UMP, je t’aime moi non plus
Sur ses relations avec la droite de l’Assemblée, « c’est assez paradoxal, observe Yann Galut. Elle joue avec elle en recherchant la convergence d’idées sur certaines interventions mais la critique durement par ailleurs. » Et Julien Aubert de développer : « Elle a compris que plusieurs lignes s’affrontaient au sein de l’UMP. Le FN est clairement entré dans une conquête du pouvoir en développant de nouveaux thèmes. Je n’ai pas voulu de la droite populaire car elle serait mauvaise ou trop à droite, mais parce qu’elle n’a pas de socle idéologique clairement défini. » De fait, les divergences au sein du grand parti de la droite sont extrêmes et les signes de rapprochement avec le FN de plus en plus prégnants. Plusieurs députés, notamment de la droite populaire, ont applaudi aux propos très durs de la benjamine sur les Roms ou sur l’assistanat. Des amendements relatifs à la loi sur le mariage pour tous ont aussi été co-signés avec l’extrême droite.
« Il faut que le parti garde ses positions, affirme Christian Kert, représentant d’une aile plus humaniste à l’UMP. Chaque fois qu’on a essayé de concurrencer le FN sur le plan idéologique sur des terres qui lui étaient favorables, nous avons échoué. Ce n’est pas parce qu’il y a quelques excités d’une droite plus dure que je vais quitter le parti. Mais il nous faut renouveler nos idées, trouver un idéal et évoluer avec la société. » Pour Abel Mestre, le FN est tellement en position de force aujourd’hui que c’est plutôt à elle d’attendre des signes de l’UMP. « De toute manière, les élus de la droite populaire ne servent que de caution droitière à leur parti. Je me demande bien ce qu’ils ne font pas encore avec nous », lâche la Le Pen 3ème génération. Bonne question.