Quand le centre ancien de Toulon se meurt
512 logements sociaux, 442 logements étudiants, 240 logements locatifs libres, des équipements publics, un pôle santé, des équipements petite enfance… Sur le papier la rénovation ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) du centre ancien de Toulon commencée en 2006 – et qui devait se terminer en 2011 – pouvait faire rêver, mais sur le papier seulement… « On est en 2014 et il n’y a à peu près rien de fait, précise Valentin Gies, président de l’association citoyenne Toulon Avenir. On est très très loin du projet initial, avec moins de 20 % des engagements tenus. La seule opération d’ampleur qui finira par être réalisée c’est l’îlot Baudin [soit 106 logements étudiants et 42 logements sociaux. NDRL]». Sans parler de ce que ce retard a coûté au contribuable toulonnais…
Des étudiants qui ne peuvent pas se loger, des militaires qui refusent une mutation à Toulon pour les mêmes raisons, et un manque cruel de logements sociaux (avec seulement 12,4 %). Le centre ancien se paupérise et des centaines de commerces ont fermé boutique. Les marchands de sommeil y font leur beurre, et les bailleurs négligents pullulent. Le 12 rue des Boucheries en est le parfait exemple. Cinq familles vivent dans cet immeuble qui ne faisait pas partie de la rénovation, mais qui a subi de plein fouet son laisser-aller. En avril 2013, la mairie prend un arrêté de péril imminent qui contraint normalement le bailleur à engager les travaux. En février 2014, rien n’a changé : des fissures dans les murs permettent souvent de passer la main dans la pièce voisine, les fenêtres ne ferment toujours pas, les aérations sont inexistantes, les toilettes du deuxième étage se déversent encore dans la cuisine du premier et les rats et les dealers envahissent désormais l’immeuble la nuit tombée.
Fatma vit au troisième étage, une décoration coquète pour cacher la misère, elle accepte d’appeler le bailleur, l’agence Antareal, pour demander « où ça en est ». Résultat, on la transfère d’un service à l’autre pour finalement lui dire que « tant que les propriétaires ne réagissent pas, on ne fait rien et vous, vous ne bougez pas ». Fatma exprime sa crainte de voir le sol de ses toilettes s’écrouler, l’agence immobilière s’en moque et lui répète par trois fois : « On vous a proposé un dédommagement [1000 euros ! ndlr] et un autre logement [plus petit et situé à Hyères, ndlr] et vous n’en avez pas voulus ! ». En bref, démerdez-vous ou subissez !
« Les loyers flambent même pour les marins »
Si le centre ancien est l’un des enjeux des municipales, Fatma, comme sa voisine, comme Ahmed qui vit dans le quartier depuis 1963, ou comme l’épicier algérien qui résiste même s’il vient « travailler la boule au ventre », ne feront pas pencher la balance électorale puisque même s’ils sont en France depuis des années, ils n’ont pas le droit de vote.
En février, Toulon Avenir a proposé aux différents candidats toulonnais de débattre sur le devenir du centre ancien. Bien sûr Falco, parce qu’il ne s’était pas encore déclaré ou parce qu’il n’aime pas débattre ou surtout parce qu’il ne voulait pas affronter son bilan catastrophique en la matière, a répondu aux abonnés absents. Quant au FN, il s’est défilé au dernier moment expliquant sur son blog que son programme « devait être comparé à celui de Falco » et pas à ceux des autres. Et le parti d’extrême droite d’expliquer benoitement que les thèmes choisis (le transport, l’urbanisme, l’économie) ne sont « pas prioritaires ». Le FN préfère toujours surfer sur son fonds de commerce : immigrés et insécurité.
« Ce centre ancien c’est l’échec du second mandat de Falco !, note Robert Alfonsi, candidat PS et actuel élu d’opposition à la mairie de Toulon. Actuellement dans le centre-ville il n’y a aucune mixité sociale, il y a peu de logements sociaux, mais les gens qui y habitent sont encore plus modestes que ceux qui vivent dans des logements sociaux ! » Que ce soit le candidat du Front de gauche, André de Ubeda, pour qui ce centre ancien est « une honte », ou Olivier Lesage, le candidat de l’Alliance écologiste indépendante (AEI), les trois s’accordent à dire qu’il faut redynamiser un centre-ville qui se meurt, que ce soit en créant une traversée de la Rade (PS), un corridor culturel (FDG) ou en végétalisant l’espace public (AEI), le but étant de recréer du lien social dans un espace actuellement déserté. Dans son programme, chacun met en avant le respect de la loi SRU.
« Les loyers flambent à Toulon et il est devenu impossible de se loger, même pour les marins », précise Jean-Paul Jambon, responsable départemental de la Fondation Abbé Pierre. Et d’ironiser : « Pourtant de l’argent, il y en a, c’est uniquement un problème de choix et visiblement [faisant référence à l’agrandissement du Stade Mayol. ndlr], on préfère donner 30 millions d’euros pour que des gars en short courent derrière un ballon ! » Question de priorité !
Samantha Rouchard