« Pourquoi imiter les tristes Mégret ? »
17h58
Ça papote ce 25 mai 2016 devant et dans la salle polyvalente du Bras d’or, installée sous le Mac Do de l’entrée de la ville, qui accueille les conseils municipaux d’Aubagne depuis que la droite a pris la ville aux « cocos » en 2014. Un bon mètre 85, visage rosé, mèche grisonnante et costard sombre-chemise bleu ciel sans cravate, Gérard Gazay, le maire, fait une entrée remarquée. Ce libéral, qui fait régulièrement la Une des médias locaux à cause de sa volonté de privatiser Aubagne (le Ravi n°136) et dont la seule bio est publiée par le très madeliniste Cercle des libéraux, soutien indéfectible de Donald Trump, a connu une carrière politique fulgurante après une traversée du désert de 20 ans : depuis son élection, il est devenu vice-président du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et de la métropole Aix-Marseille. Chapeau !
18h04
A Aubagne, c’est comme à l’assemblée nationale : l’extrême-droite est à l’extrême-droite de la table du conseil et la gauche à gauche.
18h14
Si avec l’ancienne majorité Aubagne ressemblait à « Bonheur-les-Bains » et ses élus à des « Renés » de l’artiste Di Rosa (le Ravi n° 109), depuis 2014 l’ambiance est de retour à la guerre froide. Magali Giovannangeli, une brune à la coupe garçonne, ancienne première adjointe et présidente de l’agglo, sort les orgues de Staline dès la première délibération, consacrée aux délégations du maire : « Nous voterons contre. On accroît encore [vos] pouvoirs. Ce qui est de l’ordre de la cité concerne tous les citoyens ! » Gazay ironise : « Je suis étonné, c’est un gouvernement de gauche qui a décidé de changer la loi à l’occasion de la loi NoTre [réforme territoriale, Ndlr]. » Ce qui ne l’empêche cependant pas d’en profiter pour étendre au maximum le champ de ses délégations et de son pouvoir…
18h18
Moment solennel. « C’est une délibération importante dans le sens et dans le fond », annonce Gazay, qui propose rien de moins que de changer le nom de la commune. Par sa grâce, Aubagne va devenir… Aubagne-en-Provence ! « L’intérêt est évident pour le développement de notre ville », justifie le madeliniste. « Dans l’absolu, nous n’avons pas d’opposition », assure Nicolas Robine pour le FN, un jeune barbu en chemise et pantalon slim. Explication de Denis Grandjean, un écolo aux cheveux rares et à la chemise improbable, qui interroge Gazay : « Pourquoi imiter les tristes Mégret, qui ont aussi voulu coller "en-Provence" à Vitrolles ? »
18h30
Une feuille à la main, Gazay triomphe façon maître Gilbert Collard, époque Carpentras : « J’ai retrouvé le logo de 2000-2009, c’était Aubagne-en-Provence ! » Et d’enchaîner, sous l’ire de son opposition de gauche qui rappelle justement que ce n’était qu’un logo : « Il y a une majorité qui dit et qui fait et une opposition qui fait de la politique politicienne ! » D’après son opposition, c’est pour l’instant sa seule promesse de campagne tenue…
18h44
Gazay s’emmêle les pinceaux en voulant renvoyer à Magali Giovannangeli la « tartuferie », à laquelle il préfère « tartuflerie », que son opposante lui a lancé à propos de l’adhésion de la ville à l’association Voisins solidaires. Une allégorie de ce conseil ?
18h52
Denis Grandjean et sa chemise improbable tentent de détendre l’atmosphère. A Alain Rousset, le premier adjoint à l’allure de directeur d’école, qui tape sur le manque d’investissement de l’ancienne majorité dans l’éclairage public, l’écolo lance potache : « Je veux juste remercier monsieur Rousset pour son éclairage. » Succès inespéré : même à droite on se marre. Gazay, qui n’a visiblement pas d’humour en profite : « L’opposition reconnaît qu’elle n’a rien fait ! »
19h00
Le public, pourtant très partisan et discipliné – les militants de gauche à gauche, ceux de droite à droite – commence à se lasser des gamineries. Les départs et pauses clope se multiplient.
19h13
L’affrontement Est-Ouest reprend de plus belle à propos des baisses de subventions du festival estival des arts de la rue et du cirque Festimôme, qui de surcroît devient payant. Ce que dénonce bien évidemment l’ancienne majorité. Coup de sang de Gazay, qui vocifère les mains sur la table : « Les choses n’arrivent pas aussi subitement que vous semblez le dire ! Je ne vous ai pas entendu parler de la baisse des dotations de l’Etat. » Après deux années de mandat, l’argument commence à être éculé…
19h17
Malgré la promesse du vote d’une subvention par le Conseil départemental, Patrick Arnoux, un PS ancien premier adjoint et ex adjoint à la culture sous la période gauche plurielle d’Aubagne, s’énerve : « Je sais que l’on ne parle pas après le maire, mais si lors du débat d’orientation budgétaire j’ai été le premier à dire que les décisions prises par ce gouvernement et ceux d’avant avaient un impact, il y a aussi des décisions prises par la ville, des choix politiques. Il faut arrêter ! » La salle s’est progressivement tue, le silence est désormais complet. Mais le petit sexagénaire au physique de comptable tente une synthèse très socialiste qui le perd.
19h29
Mains ouvertes, Gazay en profite pour ressortir ses « vérités » sur l’éclairage public, et sur « d’autres réseaux », avant de conclure à l’attention de son opposant PS, presque la main sur le cœur et la larme à l’œil : « Si vous, comme moi, ne voulez pas que notre pays soit dirigé par les extrêmes, il faut que les démocrates se disent la vérité. » Visiblement, Gazay a lu tout Sarkozy…
19h38
A l’image de ses supporters qui sont pour la plupart partis, Magali Giovannangeli commence à fatiguer. Mais la communiste ne perd pas sa hargne. Alors que Philippe Amy, adjoint à la culture, affirme que sa majorité investit plus dans la lecture et l’écriture, la brune sanguine hurle au « Mensonge ! » Le public reste stoïque et Gazay en profite pour en remettre une couche sur « la politique politicienne » et « la vérité ».
19h41
Nouveau coup de sang du maire. Son opposante préférée se lasse : « Ça fait quatre fois que vous me dites que je fais de la politique politicienne. » Gazay, sec : « Je ne vous ai pas donné la parole ! » Ne jamais oublier qu’à Aubagne-en-Provence, on ne parle pas après le maire.
19h44
La mauvaise humeur de Gazay se poursuit contre Denis Grandjean qui souhaite introduire son intervention sur la délibération 12 par un rappel « contextuel ». « Vous parlez de la délibération ou je vous coupe la parole », coupe le maire. Puis : « Je vous donne dix secondes ! » Finalement, Grandjean déroule une intervention totalement en phase avec la délibération. Gazay se renfrogne.
19h55
Nicolas Robine se réveille à l’occasion d’une petite salve de délibérations sur des partenariats entre la ville et l’université Aix-Marseille qui fait pourtant l’unanimité. « Comme on est hors compétence, je ne prendrai pas part au vote », annonce le jeune frontiste. Par manque de compétences ?
20h08
A l’occasion du premier « rapport annuel sur la situation financière en matière d’égalité entre les femmes et les hommes », 20ème et dernière délibération, Magali Giovannangeli et Gérard Gazay s’offrent une dernière passe d’armes. Match nul !
20h19
Après avoir renvoyé à une quinzaine ses réponses à deux questions écrites du groupe FN, Gérard Gazay conclut sur sa marotte du jour : le changement de nom de la ville. Opération de com qui devrait avoir moins d’incidence sur la vie des Aubagnais que la privatisation de la cantine ou les baisses de subventions de la MJC et des associations cultures et sociales…
Jean-François Poupelin