Pour une véritable « décroissance pénale »
Constatant l’inefficacité de politiques toujours plus répressives, tel le mauvais exemple américain où le nombre de détenus, proportionnellement dix fois plus important qu’en France, n’en fait pas un pays pacifié, les politiques préventives des pays scandinaves ou celles supprimant les courtes peines d’emprisonnement, comme en Allemagne, obtiennent, elles, de bons résultats. En France, la prison « sans barreaux » de Casabianda en Corse pour les délinquants sexuels prévient mieux la récidive que les établissements traditionnels.
A Marseille, la politique pénale en matière de stupéfiants illustre les limites de la réponse judiciaire. La « politique du chiffre » de Nicolas Sarkozy, combinée à la RGPP réduisant le nombre de fonctionnaires, a privilégié l’interpellation de trafiquants au pied des cités, déférés en « comparution immédiate » à leur sortie de garde à vue, au détriment des longues enquêtes visant à démanteler les réseaux. Rappelons que la loi de 1970 sur les stupéfiants punit de dix ans de prison celui qui détient ou cède des stupéfiants, sans distinguer la nature ou la quantité de produit. Les peines d’emprisonnement prononcées sont de plus en plus lourdes sans entraîner de baisse du trafic, le « plan de stup » étant immédiatement repris par d’autres.
L’imagination des trafiquants, et les énormes profits générés, dont on a vu qu’il permettaient de corrompre ceux en charge de les combattre, rendent illusoire la « guerre » revendiquée par les pouvoirs publics, alors que l’abandon social de certains quartiers a favorisé l’émergence de solidarité de quartiers que les trafiquants ont su exploiter, obtenant par exemple des offices HLM des informations pour utiliser comme « nourrice » les locataires en instance d’expulsion. Fort de ce constat et de l’existence de drogues légales, alcool et tabac, dont la mortalité est beaucoup plus importante, le Syndicat de la magistrature (SM) propose la « légalisation contrôlée » du cannabis qui serait distribué par une régie d’Etat, permettant de casser les trafics, contrôler le taux de THC et faciliter la prise en charge sanitaire des toxicomanes.
De façon générale, le SM réclame une véritable « décroissance pénale » face à la tentation de pénaliser chaque comportement présumé déviant, selon l’axiome « 1 fait divers = 1 loi nouvelle ». Il y a peu, le défaut de permis de conduire était une contravention passible d’amende et sa correctionnalisation n’a pas fait diminuer l’infraction. De même, les lois pénalisant le rassemblement dans les halls d’immeuble ou le racolage passif n’ont aucun effet sur la délinquance. A Marseille comme ailleurs, au-delà de la nécessité de reconstituer le lien social en aidant le tissu associatif tout en étant vigilant face au clientélisme, facteur de corruption, il faut des effectifs de police en nombre suffisant, en tenue dans les quartiers et en police judiciaire pour le travail d’enquête, ce que la vidéosurveillance ne pourra jamais remplacer. L’institution judiciaire, dont le budget 2012 place la France en 40ème position sur 47 pays européens, doit bénéficier de moyens renforcés, notamment en personnel, pour remplir son rôle de pilier de la démocratie et de garant des libertés publiques, dont la sûreté à laquelle tout citoyen a droit.
Benoît Vandermaesen