Pot de peinture pour peau de chagrin
Monclar, « quartier sensible », selon l’adage, au sud d’Avignon regroupe environ 10 000 habitants répartis sur plusieurs cités HLM. Sorti de terre dans les années 60, un programme de rénovation urbaine est lancé en 2004, grâce aux subsides de l’Anru (Agence nationale de rénovation urbaine) et piloté par le Grand Avignon, maître d’ouvrage. Le projet prévoit la réhabilitation ou la reconstruction d’ensembles appartenant à l’Office public HLM (OPHLM) de la ville, la diversification de l’habitat, le tout doublé d’un développement de l’activité économique et d’une meilleure insertion sociale des habitants.
Las, en 2013, un an après la fin du programme, le bilan est très mitigé pour Martine Gras et Daniel Landau, tous deux à l’origine du Collectif contre les inégalités et l’exclusion. Ils n’ont jamais habité le quartier, sont aujourd’hui retraités aux cheveux grisonnants, mais gardent pour eux l’énergie de trentenaires. C’est en 2003, alors qu’une concertation est annoncée, qu’ils s’intéressent à ce projet de réhabilitation : « Les habitants n’étaient pas informés, les travaux prévus dans les appartements ne correspondaient pas à leurs attentes par exemple, explique Martine Gras. On a pris notre bâton de pèlerin en essayant de faire comprendre aux locataires qu’ils avaient des droits. »
Dans la convention pluriannuelle, qui expose les objectifs du projet, un petit paragraphe est consacré à la concertation. Il prévoit l’ouverture d’une salle dédiée et des réunions avec les locataires. « Elles ont eu lieu en bas des immeubles. Le problème c’est qu’on proposait aux gens des projets déjà ficelés. La salle de concertation a très vite fermé. On a simplement fait croire aux gens qu’on les écoutait », accuse le collectif. L’OPHLM récuse en bloc : « Bien sûr qu’il y a eu concertation, on y est légalement obligé. Pour preuve : suite à certaines réunions et aux réactions des locataires, les travaux prévus à la base ont été modifiés. » Quid du soutien politique ? « Aucun, se désole Martine Gras. Mme Roig (le maire UMP, NDLR) nous a fait comprendre qu’on était illégitimes… Alors on a sollicité les médias, qui ont relayé nos actions, et la mairie a commencé à se bouger ici et là… Il n’y a que ça qui marche. »
L’attrait du quartier et l’insertion sociale de ses habitants, qui ne vivent qu’à seulement quelques centaines de mètres des remparts de la cité des Papes, laisse toujours à désirer. « On s’est battus pour que les services publics reviennent dans le quartier, pour construire une place qui serait un lieu de vie, rappellent les deux militants. Rien ! Comment voulez-vous recréer de la mixité sociale sans services publics ? » Autre combat, le maintien du collège Paul Giéra, à deux pas. Après un projet de rénovation avorté (les plaques du permis de construire sont encore sur les grilles…), le Conseil général socialiste a décidé finalement de le fermer en 2009. « Malgré 3000 pétitionnaires, le président Claude Haut n’a jamais voulu nous recevoir… », assure Daniel Landau. Attablés autour d’un café, M. Marbot, retraité d’origine marocaine installé de longue date dans le quartier, s’invite dans la discussion : « Vous verrez bientôt, il n’y aura bientôt plus que des retraités ici, il n’y a rien à faire, pas de boulot… Ils veulent tuer nos jeunes ou quoi ? »
Aujourd’hui, le collectif, qui compte une dizaine de membres actifs, se mobilise sur un autre programme de rénovation urbaine, celui de la rocade. Convaincu de l’inefficacité de la concertation qui s’engage, il a commencé à faire remplir ses propres questionnaires. « Mais c’est très difficile de mobiliser, déplore le couple Landau. Malheureusement chacun pense à son petit confort d’abord… Et en face, les pouvoirs publics prennent clairement les gens pour des imbéciles. Les habitants espèrent encore… Mais jusqu’à quand ? »
Clément Chassot