Moi, FOG, roquet de garde
Franz Olivier Giesbert, dans son bureau de directeur éditorial de La Provence, jette un œil méprisant sur son portrait dans le Ravi. « Je me méfie quand les journalistes sont propriétaires de leur journal. Généralement cela ne marche pas, ils finissent par être rachetés. » (1) Et puis, allez, inutile de lire ce torchon de petits cons bien pensants ! Je parie qu’ils vont même ressortir la citation où je disais que « tout propriétaire a des droits sur son journal. Le vrai pouvoir stable, c’est celui du capital. Et il est tout à fait normal que le pouvoir s’exerce » (2).
Et alors ? Les patrons pour lesquels j’ai travaillé, Claude Perdiel au Nouvel Obs, Robert Hersant au Figaro, François Pinault au Point, m’ont toujours laissé libre. Il faut dire que je ne suis pas du genre incommodant avec mes employeurs. C’est même ma marque de fabrique. « J’ai une incapacité au militantisme. La seule carte que j’ai encore, c’est celle de l’association des trufficulteurs de Haute-Provence. » (1) Avec mon dernier boss, avec Nanard, j’ai même réussi à élever la flagornerie au rang des Beaux-Arts.
Ecoutez cette tirade historique : « Bernard Tapie, ce grand sentimental d’une sensibilité à fleur de peau, est fait de ce béton armé qui résiste à tout, y compris aux plus intenses pilonnages. Rien ne lui aura été épargné mais si l’on observe l’épopée de sa vie, c’est un guerrier, un survivant dans l’âme, un ballon increvable qui rebondit à l’infini, une pierre qui remonte sans cesse les pentes qu’elle a descendues, un homme qui ne cède jamais et que requinquent les obstacles les plus difficiles. » (3)
Que dire de mieux ? Peut-être encore que « devant chaque coup du sort, ce père Courage a toujours su faire face. La meute qui le poursuit, les crocs dehors, depuis si longtemps, en a été pour ses frais. L’adversité est son moteur. C’en est même à se demander, parfois, s’il n’en a pas besoin. » (3) Et alors, bande de charognards, vous préférez attendre que le cancer ait sa peau pour lui rendre hommage ?
« J’ai une incapacité au militantisme »
Avec Bernard, on déteste ces « connards » de journalistes. Surtout ceux qui se prennent pour des justiciers, des as de l’enquête. Ça me fait penser au « marchand de morale, ou plutôt de moraline, sa caricature, le révérend-père Plenel (qui) n’a jamais cessé de donner, sur un ton geignard, des leçons à la terre entière » (4) Hé hé ! Je ne l’ai pas raté quand il était embourbé avec l’affaire Ramadan avec sa caricature à la Une de Charlie. Y a rien de pire que « Mediapart, bras armé des juges politisés et des passions tristes selon Spinoza, comme la haine, le ressentiment » (4).
Les juges, sale espèce aussi ! A La Provence, j’ai mis les choses au clair quand les gendarmes du Parquet national financier sont venus chercher des noises, pour une obscure histoire de marché de l’eau, à Jean-Claude Gaudin, Martine Vassal et leur ami Loïc Fauchon, l’employé de Veolia. « Le Parquet cherche-t-il la vérité ou veut-il distiller le soupçon, quitte à abîmer des réputations ? A-t-il des objectifs politiques ? » (5) Voler au secours des puissants, c’est mon karma !
Les pantouflards de ma rédaction n’ont pas aimé la Une vendeuse que j’avais imposée, sur les malades psychiatriques, avec pour titre « les barjots, les skizos et les autres » (6). Ça et d’autres broutilles m’ont valu un vote de défiance des plumitifs manipulés par les syndicalistes du SNJ. « Pourquoi tant de haine ? (…) Mais je ne suis pas du tout dans le ressentiment, j’ai des heures de vol et le cuir bien solide (…) J’aime bien arriver sur les quolibets et repartir sous les hourras. » (7)
Je sais donner des coups et aussi en recevoir. J’ai raconté partout la violence de mon père contre ma mère, d’abord, puis contre moi. « J’ai pris ma dernière raclée à 19 ans. » (8) Les psychanalystes de plateaux TV disent que c’est pour çà que j’ai toujours cherché à tuer les « pères », que j’ai flingué tour à tour Mitterand, Chirac, Hollande et Sarkozy, après leur avoir d’abord servi la soupe et recueilli leurs confidences.
Une certitude : bien avant bébé Macron, j’ai inventé le « en même temps ». C’était en 1988 en démissionnant de la direction de la rédaction du Nouvel observateur pour prendre aussitôt le même poste chez l’ennemi juré, au Figaro. J’aime, pour rire, dire que je suis de « Drauche ». Mais je suis surtout Giesbertiste. Alors je fais du Giesbert décomplexé. Comme chez mon pote Ardisson, le dimanche à « Salut les terriens ! », avec ma séquence « simplet reporter », de « l’investigation lourde façon Le Monde ou Mediapart ».
En vadrouille à Béziers, je cause crotte de chien avec Robert Ménard, le maire d’extrême droite, en lui demandant « que devient le chaton que vous avait offert Marine Le Pen ? Je sais qu’il a attaqué votre labrador… » (9). Je me grime en clochard pour faire la manche avant de conclure : « être SDF, c’est très très dur ! » (10). Je m’invite devant la maison de Charles Maurras à Martigues et je m’indigne, avec des militants de l’Action française, que les cocos de la mairie ne nous laissent pas la visiter (11).
Et çà, vraiment, cela me met hors de moi : « Je suis très en colère. Parce que je trouve qu’on rentre dans un monde de dingues, d’ordre moral, d’ordre politiquement correct. » (11) C’était même le thème d’une soirée au Toursky, temple marseillais de l’anarchisme en chambre, où l’on pouvait, pour 5 euros, venir m’écouter avec mon pote Michel Onfray sur le thème « peut-on encore débattre en France ? ». Et bien non !« Il y a une chape de plomb sur toute une série de sujets. » (12)
Comme dire par exemple que « la CGT est au syndicalisme ce que le FN est à la politique » (13). Comme écrire « que la France est soumise à deux menaces : Daech et la CGT » (14). Ou souligner que les grèves de cheminots c’est « du corporatisme, du racket social » (15). Ou d’expliquer que les femmes, à l’image de celles qui pleurnichent à La Provence parce qu’elles sont moins bien payées, sont atteintes de « misandrie, d’une affection de l’esprit, d’une haine morbide des hommes » (16).
Je devais même animer un passionnant débat avec Eric Zemmour et l’inévitable Michel Onfray pour répondre à une question définitive : « est-ce la fin de notre civilisation ? » (17). Mais il a été annulé, faute de réservations suffisantes. Une preuve de plus : tout fout le camp !