Moi, Charles Berling, Ridicool

Regarde moi ça… On est là comme des branques, le cul sur un trottoir, avec un Mac Latte© acheté dans un Mac Café, le Marly juste en face mais qui est fermé, et autour le Français (1), le Palais Royal et le Louvre, tout aussi fermés. Ah ! Si ça c’est pas un symbole pour ce que tu vas plaider, William (2) ! T’es chaud, j’espère ?! Parce que sinon je peux te faire répéter des répliques !

« Je rappelle que nous sommes fermés. Donc si l’épidémie repart, ce n’est certainement pas à cause de nous ! (3) ». « On ferme les cinémas et on ouvre les centres commerciaux, alors que c’est précisément le moment où on devrait réfléchir à cette consommation de masse qui est en train de détruire la planète. (4) ». Qu’est-ce que tu dis ?? « Ce n’est pas parce que des gens sont en colère que nous allons gagner. Ce n’est pas parce que les établissements culturels souffrent que nous allons gagner. (5) » Mais tu déraisonnes, William ! « C’est un mépris de la culture. C’est une haine des artistes qui est en train de monter. […] Roselyne Bachelot, je pense qu’elle est de tout cœur avec nous, mais elle est dans un gouvernement de petits commerçants et elle doit fermer sa gueule. (3) ».

Tu trouves que j’en fais des caisses ?? Mais William, je suis un homme de théâtre !! J’aurais pu être tellement différent, c’est vrai. Mon père était médecin de marine. C’est lui qui m’a transmis la passion du bateau. Mais j’ai découvert à 15 ans celle de la scène en jouant dans la troupe du lycée. J’ai fait mes armes au théâtre de Strasbourg. Dix ans sur les planches. J’ai tout joué. Des succès autant que des fours. Et puis le cinéma : Leconte, Chéreau, Fontaine, Assayas, Boujenah. De l’auteur autant que du populaire ! Il manquait quelle corde à mon arc ? La direction !

Alors en 2010, « à la mort de ma mère, nous sommes allés [avec mon frère] voir Frédéric Mitterrand, alors ministre de la Culture, pour lui exprimer notre envie de diriger un théâtre en Méditerranée (6) ». Et comme je suis copain avec Carla Bruni-Sarkozy, c’est allé vite ! Direction Toulon, où j’avais grandi et découvert mes deux passions. La mairie venait de transformer un vieux cinéma en théâtre, pour en faire une scène nationale : on y embarque en 2010 et cinq ans plus tard, on obtient pour le Liberté le label Scène nationale, en annexant le Centre national de création de Châteauvallon. Comme ça on s’embête pas à faire un appel à candidature pour choisir un directeur, c’est plus simple (7).

Si ça m’a gêné de travailler avec des gens de droite, moi qui me réclame de la gauche ? Tu sais, « je n’aime pas les cases. Il faut toujours se méfier des mots. C’est pour ça que j’aime autant les poètes, ils énoncent les choses simplement, sans les fermer. (8) ». Ne sois pas caustique William, je ne dis pas qu’Hubert Falco (9) est poète… « C’est un maire UMP qui, nous laisse une liberté totale dans nos choix artistiques (6). » Et Renaud Muselier, qui me considère comme « un ami », vient nous voir « pour pousser les membres du théâtre à être encore plus irrespectueux et rebelles (10). »

Alors que la gauche, pardon ! « Le nombre de fois où j’ai entendu dans des bouches socialistes qu’ils ne pouvaient aider un maire de droite. Quel raisonnement idiot : ce n’est pas un maire qu’ils aident, c’est une ville (6) ! ». Rajoute à ça, tous partis confondus, le parisianisme… « Ce genre de province française est méprisé ! Nous faisons un travail remarquable, nous avons reçu le prix de l’audace de l’Élysée, et tous les artistes venus sur notre scène ont envie d’y revenir. Pourtant, pas un journaliste culturel n’a fichu les pieds au Liberté (6). » D’accord ils n’y mettent pas les pieds mais ils m’interviewent moi…

Qu’est-ce que tu veux je suis un bon avocat de la culture !! Je t’avais dit que j’avais joué Robert Badinter ?? J’aime ça, être à l’avant-garde d’un combat, comme quand je me suis engagé pour que les enfants puissent continuer à assister à des corridas. Et puis aujourd’hui, pour tout simplement sauver la culture de la bêtise de nos dirigeants ! Non d’accord le recours était déjà dans les tuyaux depuis quelques temps, et plus de 4 000 cultureux ont signé l’appel pour la réouverture des salles mais, oh, tu sais comment c’est, il faut une figure de proue, un symbole ! La Résistance, ce n’était pas que Jean Moulin mais le grand public ne se rappelle que de Jean Moulin ! Je t’ai dit que j’avais joué Jean Moulin ??

Ah je sais que dans leur esprit je serai toujours Ponceludon de Malavoy, le nobliau de Ridicule qui veut faire le bien du peuple, mais qui pour ça n’a pas d’argent, juste sa verve. Eh bien cela me va bien ainsi ! « Parallèlement à l’économie, c’est la curiosité, la découverte, la créativité qu’il faut relancer pour que nous sortions plus forts, mieux à même de faire face aux grands défis environnementaux et sociaux (11). » Au Liberté, mon adjointe a créé les billets suspendus : vous achetez une deuxième place à tarif réduit, elle est offerte à un spectateur sans le sous et vous le déduisez de vos impôts ! Bon d’accord ça existait déjà dans d’autres scènes, mais pour une nationale, c’est une première !

Moi « je n’ai jamais été dans la course à l’argent, à la gloire, au pouvoir. Ce qui m’intéresse c’est d’être émerveillé, de fabriquer des choses (12). » Et je fabrique de la résilience, de la résistance. Car « comme l’agriculture, la culture doit se re-territorialiser, mais pas comme l’entend le Front National (12). » C’est pour ça que j’ai soutenu Estrosi contre Marion Maréchal ! C’est pour ça que le RN compare ma programmation « à de la propagande LGBTQI (13) avec l’argent du contribuable (14). » C’est pour ça que je me bats, « je me bats, je me bats ! […] Que dites-vous ? C’est inutile ? Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès Non! C’est bien plus beau lorsque c’est inutile! Ha vous m’arrachez tout. Le laurier et la rose. Arrachez. Mais il est une chose que malgré vous j’emporte, sans un pli, sans une tache, et c’est… mon panache (15). » Que penses-tu de ce trait, William ? Hé ?? William ? Déjà parti plaider !? William !!!!