« On va se faire concerter ! »
17h50
Thibaut… pardon, Camille, du Dar Lamifa, une salle militante marseillaise dédiée à « l’épanouissement populaire », accueille l’Assemblée de la Plaine. Depuis que ce collectif a révélé le projet de « requalification » de la place Jean-Jaurès, le quartier marseillais est en ébullition. Tandis que Thib… euh, Camille, vante les vertus d’une boisson mêlant gingembre et guarana, Iffik… zut, Camille, journaliste à CQFD, « mensuel de critique et d’expérimentation sociale », arrive, un verre à la main. « Une tisane ? Non, une bière. » De la Plaine.
18h15
« Ils sont où, les gens ? », peste Iff… enfin, Camille. « Dehors. » Rappel des troupes : une cinquantaine de personnes débarque.
18h20
Un ordre du jour s’esquisse et Thib… bon, Camille, demande si personne ne s’oppose à l’utilisation d’un micro. Jérôme… oups, Camille, un habitué de la Plaine et un pilier de l’Assemblée, proteste mollement : « Le problème, c’est qu’un micro, faut le passer. » « Ça peut aider à ce que ce soit moins le bordel », lui dit-on. Adopté.
18h26
« Vu l’orage qui approche », Bruno… ahem, Camille, autre figure de CQFD et auteur bien connu de « La ville sans nom », veut causer « méthode » : « L’assemblée, c’est un collectif qui a une histoire. La lutte contre la vidéo-surveillance, les menaces contre le Carnaval… La réhabilitation de la place, c’est la suite. On ne réussira à s’y opposer qu’en s’élargissant. Il faut une assemblée accueillante. Et, sans se bureaucratiser, un peu carré. » Et de décrire les assemblées populaires en Espagne d’où il revient : « Il y a des modérateurs, des commissions. On a fait un dossier dans le dernier CQFD. Que je vous conseille… »
18h40
Christian… euh, Camille, un ancien de l’Assemblée (et de Solidaires), grimace : « Depuis que l’Assemblée existe, on a fait des progrès. Nous aussi on a des commissions. Mais comme c’est un mot qui fait peur, on appelle ça groupe de travail. » Une voix s’élève : « Oui mais travail aussi, ça fait peur ! »
18h46
Jér… flûte, Camille revient sur la réunion « avec les forains pendant le marché le 5 novembre. Suite à la mobilisation, il y a eu quelques évolutions. Alors que c’est en janvier que la mairie devait choisir entre les quatre scénarios des cabinets d’architectes, ce ne serait plus qu’en juin. Et, d’après les forains, ce que dit la mairie, c’est qu’il n’y a rien de décidé. »
18h47
L’autoproclamé « maître du temps » intervient sans crier gare pour causer « végétalisation ». On l’interrompt : « Euh, le maître du temps, c’est pas à ton tour de parler ! »
18h48
Une brochure d’explication circule. Et Jér… bref, Camille, reprend ses explications : « La mairie a embauché une boîte de com’, Res Publica, spécialisée dans la concertation. Il va y avoir 3 réunions. Avec uniquement une centaine de places. » Est proposé un rassemblement le 26 novembre.
19h04
Christ… pardon, Camille, grommelle : « S’il est difficile de savoir ce que l’on veut, on sait ce que l’on ne veut pas. Pour le 26, que fait-on ? Un rassemblement ? Festif, pas festif ? Et pour la concertation, on boycotte, on l’empêche, on participe ? »
19h07
Joris… oups, Camille recadre les choses : « Ne nous faisons pas d’illusions. Les décisions sont déjà prises. A part la taille des bacs à fleurs… C’est une pantalonnade. Et comment accepter qu’une centaine de personnes décide pour tout un quartier ? » Camille qui a participé « à la concertation à la Belle de Mai » confirme.
19h12
Nicolas… euh, Camille, réalisateur de La fête est finie, pamphlet contre Marseille Provence 2013, sort de son silence : « On le sait qu’on va se faire concerter. Mais faut pas se laisser imposer un calendrier. » Nouvelle intervention intempestive du « maître du temps ». « Tais-toi ! », entend-t-on. Il continue : « Parce que moi, je suis architecte paysagiste et… » Jér… enfin, Camille, le coupe : « Ça suffit ! T’es plus maître du temps. Tu nous fais perdre le nôtre. » Vexé, il s’en va.
19h13
Camille (enfin, Jér…) reprend les rênes : « Depuis le début, on a un coup d’avance. Cette concertation, faut en faire un espace de contestation. »
19h17
Camille (pardon, Brun…) opine du chef : « On n’a pas intérêt à empêcher la réunion. Après, si certains, à l’intérieur, se sentent de prendre la parole… Ce qui compte, c’est ce qu’on fera à l’extérieur. Or, la place Carli, en face du conservatoire, c’est l’exemple de ce dont est capable la mairie. D’une place vivante, ils ont fait un espace vide. Et le débat, c’est à nous de l’organiser. Avec les forains, j’ai été surpris de la qualité des interventions. On n’a pas affaire à des personnes ne se souciant que de leur gagne-pain. Mais à des gens qui ont une mémoire du quartier et du marché. »
19h26
Proposition d’Isa… oups, Camille : « On fait appel au Massilia, à Keny Arkana ? » CQFD ricane : « Et pourquoi pas Manu Chao, Zebda ? Sans oublier Pink Floyd ! »
19h30
Résumé de Camille (non, l’autre) : « Faut qu’on soit dedans et dehors. Dedans, c’est à titre individuel. Mais dehors, faut mettre le paquet. Si, à l’intérieur, il y a 100 personnes, faut qu’on soit 3-400. Et mobiliser les forains. Parce qu’ils sont déprimés. Faut dire que ce qui se prépare, c’est un gigantesque plan social ! »
19h36
Elvina… oui, Camille, elle, pense aux « épiceries qui n’ont plus le droit de vendre d’alcool après 20 heures ». Elle propose une « manif de nuit ». Ça ironise : « Une retraite aux flambeaux ! »
19h40
Tandis que l’on évoque « pétition », « communiqué », une voix s’élève : « Qu’importe le scénario retenu. Ce qui va tout niquer, c’est le chantier. Qui peut survivre à 30 mois de travaux ? »
20h00
Un bébé pleure, certains s’en vont, d’autres perdent patience : « Ça fait 2 heures qu’on refait le film ! » Tandis qu’une refonte du communiqué est décidée, Victor… désolé, Camille, lui, propose de « construire du mobilier en dur sur la place. Une table, un banc. Quelque chose de beau, d’utile et qui reste ». Et d’imaginer une fête en décembre. If… enfin, Camille, se moque : « Un marché de Noël ? »
20h23
D’autres projets sont évoqués. Un « manège sonore », des « bouffes » plus régulières, une pétition en ligne. Sur « Change.org. Tchaînedjeu point Orgue ! Oui, "change" point org ».
20h38
Christ… oui, c’est ça, Camille, fait son ancien : « J’ai peur que l’assemblée ne s’intéresse plus qu’à la rénovation. Faut pas oublier le Carnaval. Si la Plaine est vivante, si l’on est aussi mobilisés, c’est aussi grâce à lui. Et c’est dès maintenant qu’il faut le préparer. »
20h56
L’assemblée se termine. Des groupes de travail se constituent, des rendez-vous sont annoncés. Une chaîne s’organise pour ranger les chaises à l’étage. En sortant, Camille fait la grimace : « C’est toujours le bordel, ces réunions ! »
Le 26 novembre
Sur la place Carli, une chorale, des banderoles, quelques slogans : « La Plaine n’est pas à vendre. » A l’intérieur du conservatoire, la « concertation » commence. Il y a les socialistes Benoît Payan, Patrick Mennucci. Des représentants des CIQ. Mais aussi Camille, Camille et puis Camille bien sûr. Et, très vite, sans avoir besoin de se concerter, c’est le bordel. Res Publica, chargée de mener la concertation, est déconcertée.
Sébastien – pardon ! – Camille, journaliste au Ravi