« On n’est pas encore en pays communiste ! »
18h34
Fati Fiandino, déléguée aux affaires scolaires, s’inquiète de savoir où le jeune homme qui l’accompagne peut ranger son vélo pour ne pas se le faire voler. Le cycliste prudent n’est autre que le nouveau conseiller en communication de Cogolin : Julien Langella. Après Jean-Marc Smadja, le cousin d’Isabelle Balkany, comme conseiller « pour les grands projets d’urbanisme », Marc-Etienne Lansade, nouveau maire FN, a recruté pour sa com le co-fondateur de Génération Identitaire, groupuscule d’extrême droite dont certains membres sont mis en examen entre autre pour « incitation à la haine raciale » suite à l’occupation en octobre 2012 du chantier de la mosquée de Poitiers. Si d’habitude Langella est plutôt adepte du mégaphone et du slogan fleuri (« A Poitiers, ni Kebab, ni mosquée » ou encore « Gaulois réveille-toi, pas de mosquée chez toi »), là il se contentera de filmer la séance d’un coin de la salle avec son caméscope.
18h50
« Bien sûr, sans problème madame ! » C’est dur à dire et encore plus difficile à écrire, mais jamais mairie FN ne nous a aussi bien accueillis ! Nous proposant même de bouger la table de presse si jamais l’angle de vue ne nous convenait pas.
19h02
Marc-Etienne Lansade, dégaine d’agent immobilier (qu’il est), arrive à la bourre en soufflant, suivi de son dir cab, tête d’ado, cravate et pantalon rouges, fraîchement sorti de Sciences Po. « Faites de la place, le journaliste de Valeurs actuelles va s’installer avec vous », précise le maire en saluant rapidement Var matin et le Ravi. Devant notre inertie, le dit journaliste finit par s’installer dans le public.
19H06
Vacances scolaires ou grosse flemme, il manque neuf élus de la majorité. Ceux qui sont présents sortent les ordis portables pour les plus pêchus, papier et stylo pour les autres… Aimé Garnier, adjoint à la culture le jour et DJ la nuit, est venu les mains dans les poches. Faut dire que le jeune élu n’a pas besoin de prendre de notes pour œuvrer : soirées mousse tout l’été, Jean-Luc Lahaye en septembre, Tom Evers (sosie de Claude François) en octobre et celui de Freddie Mercury en novembre… Avec le FN, quand on entend le mot culture, on a vraiment envie de se tirer une balle !
19h08
Avachi sur sa table, Lansade enchaîne les délibérations. Ça l’emmerde d’être là et il ne le cache même pas ! Faut dire que l’exercice de la démocratie est rarement une partie de plaisir pour un FN…
19h10
Michel Dallari, chef de file rougeau de l’opposition (DVD), interroge le maire sur la présence d’une caméra qui depuis deux conseils municipaux filme les séances sans que personne n’ait été consulté. Seule explication de l’adjointe à la communication : « Le coût est de 500 euros par séance. » La réponse semble convenir à l’opposition qui pourtant aurait eu matière à polémiquer puisque selon le collectif de vigilance citoyen « Place Publique », en septembre c’est « Stream on Fire » qui aurait réalisé la captation, société dont les fondateurs font partie de la garde rapprochée de Marine Le Pen.
19h13
La ville a renégocié des emprunts avec des taux qui passent de 3,56 % à… 3.95 % ! L’opposition réagit. Eric Masson, premier adjoint aux finances, explique qu’il s’agit d’un taux fixe alors qu’avant il s’agissait d’un taux variable : « Pour ne pas prendre de risque », précise t-il. Dallari poursuit en interrogeant l’adjoint sur le million d’euros supplémentaire que la ville a contracté sans projet réel : « Nous avons une politique tournée vers l’investissement », répond un Masson à tête de Droopy et qui semble ennuyé par la question. Il laisse d’ailleurs la parole au maire lorsque Dallari demande comment cette somme sera remboursée. L’édile botte en touche en évoquant divers projets en cours (espérés) rentables et précise que c’est « sa » façon de gérer. « On est tous jugés à la fin du mandat ! », rappelle Dallari.
19h17
Suite aux démissions de Patrick Garnier, adjoint à la sécurité (et père du roi des platines), pour cause de maladie et de Jérôme Sueur, adjoint aux commerces, pour cause de « mise en péril de sa vie professionnelle et privée », Lansade annonce qu’il récupèrera à son compte les délégations en partage avec Eric Masson. Ce dernier, ancien policier municipal à Cannes viré pour faits de violence – et que le FN a tenté de refourguer à Fréjus sans succès – aura donc en charge… la sécurité ! Dallari s’inquiète de savoir si le maire aura le temps d’assumer ces deux nouvelles délégations en plus de sa charge de travail. Lansade pose le micro, s’affale sur sa chaise, tousse et précise qu’il a mis un terme à ses obligations professionnelles pour se consacrer à temps plein à ses attributions politiques. Faut bien qu’il justifie son augmentation d’indemnités de 15 %, ainsi que les 1 250 euros mensuels de frais de représentation qu’il s’est octroyé…
19h25
Masson annonce que d’ici mars 2015 la commune comptera 25 policiers municipaux. Encore faut-il espérer qu’ils picolent moins que ceux de l’ancienne majorité sinon ça risque de coûter cher à la commune !
19h30
Le maire a choisi de confier les questions de défense à un élu d’opposition. « Nous sommes ravis de vous allouer monsieur Dal Soglio (absent ce soir) qui est très compétent et vous apportera entière satisfaction ! », ironise Frédéric Lacour, opposant DVD. « Je ne pense pas que le terme "allouer" soit d’une grande élégance, note Lansade. […] C’est pas la peine de faire des polémiques… » « C’est pour détendre l’atmosphère », plaisante Lacour. « Ben si c’est pour détendre l’atmosphère, on peut en faire d’autres alors ! », nargue Lansade. Mais pas sûr qu’un élu d’opposition à la défense suffise à soigner l’amnésie du maire en matière de faits de guerre comme le 15 août dernier où il a oublié de rendre hommage à l’armée d’Afrique lors de la commémoration du 70ème anniversaire du débarquement de Provence.
19h40
Nouveau contrat de délégation de service public du Port de plaisance des marines de Cogolin. Le maire a fixé la redevance à 280 000 euros pour 2015 puis 300 000 euros les années suivantes. « Euh, on n’a pas ces montants là : vous nous annoncez 250 000 euros… comment vous voulez qu’on vote ! », note Dallari. « Depuis j’ai négocié un peu plus, je suis absolument navré ! », ironise Lansade sourire aux lèvres.
20h17
La commune s’apprête à acquérir une parcelle agricole pour 4,50 euros le mètre carré qui pourtant, selon le marché, devrait plutôt avoisiner 1,50 à 2,50 euros le mètre carré. Lansade regarde l’heure, pressé d’en finir. Mais Dallari poursuit en indiquant que, selon le code des collectivités territoriales, ce n’est pas à Troin, en charge de l’urbanisme, de signer l’acte mais au premier adjoint, Masson. Lansade, étonné, se tourne vers sa directrice générale des services qui souffle. L’opposition insiste sur la réaction en chaîne que va provoquer l’achat d’une parcelle inondable à ce prix-là pour la suite des négociations avec d’autres propriétaires. « Comme on n’est pas encore en pays communiste, on fixe pas les prix !», conclut Lansade passablement énervé.
20h20
Convention partenariale 50-50 avec le port de plaisance des Marines de Cogolin pour l’organisation du festival de la mer. « Une petite dernière, ironise Dallari. Pourquoi pas faire une convention pour les années à venir, sinon chaque année on va revoter ? ». « Vous savez que je négocie toujours tout. Qui vous dit que l’année prochaine je n’aurai pas une nouvelle idée ? », conclut l’édile FN.
Samantha Rouchard