« On ne peut pas tondre un œuf ! »
09h46
Stores baissés et lumière éteinte, le public s’installe dans la semi-obscurité. Un piano trône dans un coin de la salle. « Y a de moins en moins de chaises, ils veulent plus qu’on vienne, tin ! Par contre, je peux vous jouer la Lettre à Elise si vous voulez ! », lance une dame, la cinquantaine, à un couple d’amis dont la femme porte des lunettes de soleil Dior vissées sur le nez et un éventail à la main, lui est vêtu d’un polo Lacoste rouge et répond au doux nom de Gérard. La journaliste du Ravi leur demande ce qu’ils pensent de leur députée maire, Josette Pons (UMP-Les Républicains). « Entre nous vous pouvez enlever le « dé ! », tacle l’apprentie Beethoven » avant de se faire recadrer par sa copine. Qui ajoute : « On est venus pour le FN, de toute façon ! »
09h50
Véronique Delfaux, déléguée aux affaires scolaires, chemisier rose col relevé style chic mais cool, s’installe, une cannette de Coca à la main. L’élu d’opposition, Laurent Lopez, ancien conseiller général FN (2013-2015, non réélu), chemise à raies blanches et noires laissant deviner un léger relâchement abdominal depuis la cantonale partielle de 2013, lui emboîte le pas.
09H55
« Il y a un minimum de respect même en société », lance Jean-Marie Revest à Zohra Benedetto. La conversation semble tendue entre les deux conseillers municipaux de la majorité.
10h03
Le FN est au complet, c’est-à-dire quatre élus depuis que Claire Ourcival et Romain Tardieu ont rendu leur carte au parti en mars dernier pour cause de « divergences idéologiques ». S’ils ont demandé explicitement à rejoindre la majorité, ils sont pour l’instant répertoriés dans les « Non inscrits » sur le site de la mairie. Enfin, ce matin ils brillent plutôt par leur absence…
10h04
Cheveux courts, tailleur pantalon noir et blanc et lunettes de soleil encore sur le nez, Josette Pons traverse la salle du conseil pour rejoindre sa place avec quatre minutes de retard mais sans oublier de saluer les journalistes d’une poignée de main ferme. La députée maire UMP est actuellement dans le collimateur de la justice. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique lui reproche d’avoir omis de déclarer certains biens et d’en avoir sous-estimé d’autres. Pons plaide la bonne foi et dit « avoir commis une erreur d’interprétation des textes » (Var-Matin 26 juin 2015)
10h06
La députée maire fait l’appel dans le brouhaha le plus complet : « Chuuuut ! Ou je fais évacuer la salle », ironise-t-elle. « C’est dommage, c’est climatisé ! », lui lance Lopez. Et Pons de rétorquer : « Et puis on va passer un bon moment ensemble ! »
10h10
« C’est une séance où nous allons prendre des motions », annonce la députée maire. La première porte sur les baisses massives des dotations de l’Etat présentée par l’association des maires de France. Les autres motions seront évoquées en fin de conseil.
10h17
Budget supplémentaire 2015. « Concernant les dépenses de personnel, elles sont contenues pratiquement d’une manière parfaite à une variation près de 0,49 %… l’objectif était de 0 %. Je sais… mais nous avons fait au mieux », se dédouane Pons. Avant de se féliciter totalement : « On a plutôt bien fait les choses ! » Elle précise aussi que la commune « ne doit plus un centime à la régie des eaux… Il s’agissait d’une somme d’un million d’euros… Ce n’est pas rien, on l’a fait ! » Elle poursuit sur le rachat du quartier de Paris et tacle l’immobilisme de l’ancienne mandature et « sa stratégie inefficace »… Claude Gilardo, ancien maire PCF (2008-2014) installé dans le public, l’écoute religieusement…
10h23
Jean-Michel Rousseau, premier adjoint UDI délégué aux finances, tête de premier de la classe, sort le rétroprojecteur et prend le micro pour présenter plus en détail le budget supplémentaire. Elu d’opposition pendant six ans, c’est avec délectation qu’il en remet une couche à Gilardo, la nouvelle mandature étant « obligée d’assumer les erreurs passées ». La présentation traîne en longueur… L’adjointe à l’Etat civil sort son éventail. Le délégué aux travaux regarde le plafond. Gilardo regarde sa montre… Et Rousseau de préciser devant tant d’engouement : « C’est toujours compliqué d’être exhaustif et rapide. »
10h50
Breaking news : « Bonne nouvelle ! Ce matin un tracteur privé avait emporté une conduite de gaz… Mais tout est rentré dans l’ordre ! », indique Pons.
10h52
Après avoir pris soin de passer la brosse à reluire au premier adjoint, le remerciant pour cet exposé « aussi précis et concis », ainsi qu’à l’édile – « Vous avez souligné fort justement, et j’ai toujours souscrit à cela, l’endettement colossal de Brignoles […] de 1836 euros par habitant » – Laurent Lopez fait part de son inquiétude de voir la commune opérer « une descente dans l’enfer de l’endettement ».
10h56
« Vous êtes très inquiet pour les Brignolais. De notre côté, nous ne sommes pas d’un optimisme idiot mais contenu et on avance dans le bon sens. La route est looongue, elle sera très looongue pour l’avenir des finances de la ville », précise la députée maire qui dès son arrivée a augmenté les impôts. « Chose dont je ne suis pas très fièrrre, personne n’est fièrrre de ça », note l’édile de cette voix doucereuse qu’elle prend lorsqu’elle veut donner de l’émotion à son discours. Et la Fanny Ardant de la politique locale de conclure par un sophisme : « Si on ne fait rien on aura moins de dettes mais on n’aura rien fait. »
11h00
Lopez qui avait voté contre cette augmentation, réaffirme son opposition : « On ne peut pas tondre un œuf ! » Pons s’énerve : « Quand vous avez dit ça vous n’avez rien dit ! Arrêtez de dire ça ! D’accord ? » « Ecoutez, c’est votre point de vue, ce n’est pas le mien », tacle Lopez. « C’est sûr qu’on n’a pas le même », poursuit Pons. « Certainement pas », répond la tête de liste FN. « Et je le revendique », rajoute Pons. « Moi aussi », termine Lopez. Fin de la joute verbale. Les quatre élus FN votent contre le budget supplémentaire.
11h23
Les délibérations se poursuivent… Gérard lit L’Equipe.
11h38
Le meilleur pour la fin… Fanny Ardant toujours à la manœuvre : « Une motion qui me tient à cœur… en soutien à la chasse traditionnelle, dite « chasse à la glu » ». Puis on zappe sur Chasse et Pêche quelques minutes : « Les chasseuuurs captuuurent des griiives vivantes sur des bâaaatonnets qu’ils mettent dans des arbres et qu’ils enduisent de glu […] La griiive arriiive, elle se pooose, elle est prisooonnière. Le chasseuuur la prend, nettoie délicaaatement ses pattes et la conserve », explique l’édile. Un amendement du projet de loi sur la biodiversité porté par Ségolène Royal veut interdire ce mode de chasse traditionnelle du Sud-Est de la France jugé trop néfaste. Un rictus aux lèvres, Lopez fait mine de s’excuser : « J’ai découvert non sans surprise cette motion […] Je n’ai pas en l’état actuel de mes connaissances et de mes compétences sur le sujet une opinion forgée. Alors avec votre autorisation, nous ne participerons pas au vote. » La majorité vote pour : « Merciii pour les chasseuuurs traditionnels ! », conclut Pons.
11h42
« J’ai été interpellé par deux administrés concernant certains employés municipaux qui travailleraient au bénéfice de particuliers », lance Lopez. « Je suis quand même un peu surprise par la gravité de ce que vous êtes en train de me dire. Mais si les faits s’avèrent vrais nous agirons en conséquence », répond l’édile. Et cette dernière de conclure : « Je vous donne les dates des prochains conseils municipaux : le vendredi 10 juillet… Euh excusez-moi c’est aujourd’hui ! […] La séance est terminée. Je vous souhaite un belll étééé. »
Samantha Rouchard