« On est chez nous ! »
Troisième étage du Palais Neptune à Toulon, la journaliste du Ravi – qui a dû abandonner son parapluie à l’entrée « par mesure de sécurité » – est accueillie par Marc Desgorces, ancien directeur des ressources humaines du groupe Marie-Claire devenu conseiller politique Médias de Marine Le Pen en 2012 et chargé de com de l’amiral Jean-Yves Waquet, tête de liste à Toulon.
18h05
La salle monochrome est pleine à craquer de… vieux. Quelques jeunes ont été placés au premier rang pour dérouler le drapeau tricolore à l’arrivée de la présidente frontiste.
18h08
« Unis les Français sont invincibles » annonce une affiche de Marine Le Pen placardée sur le pupitre central. Des chaises sont disposées de chaque côté pour accueillir les têtes de liste varoises, les candidats les plus prometteurs devant. Parmi eux, Laurent Lopez – le fameux – élu conseiller général à Brignoles en octobre dernier. Jean-Louis Bougereau, physique à la Mazerolle, le sourcil plus touffu est au téléphone, il souhaite – à 18h – une bonne nuit à son interlocuteur. A 70 ans, le conseiller régional et conseiller municipal d’opposition à Toulon entame sa 20ème campagne pour le FN et se présente à La Garde, où il veut redonner « à l’église paroissiale, le décor qu’elle mérite » et réintroduire un corps de bravade. Tout un programme…
18h13
Toujours en première ligne : Armelle de Pierrefeu, 67 ans, look austère. Conseillère régionale depuis 2010, elle ambitionne de devenir la première mairesse de Cuers. A sa droite, plus voyante, Aline Renck-Guigue candidate à La Crau, quatre enfants et look de Milf [Mother i’d like to fuck] : blonde méchée, french manucure et foulard imprimé panthère. Les deux femmes lorgnent la table de presse et cherchent à savoir pour quel journal travaille celle qui officie ici.
18h20
Applaudissements et cris dans la salle : Bruno Gollnisch fait son entrée. Le numéro deux du FN qui a connu une défaite à Hyères – où il était parachuté – aux législatives, remet le couvert pour les municipales.
18h30
Amaury Navarrane, proche de Gollnisch et ancien secrétaire départemental du FNJ fait un tour de piste et vient discuter avec deux journalistes. Il évoque avec eux « la claque de 2011 », lorsque Marine a été élue présidente du FN et Gollnisch recalé.
18h25
David Rachline, conseiller régional, 26 ans – et déjà une tête de vieux -, adresse un sourire à la table de presse. Peut-être connaît-il déjà les résultats du sondage Ifop qui le donnent gagnant à Fréjus avec 34 % des voix au second tour en cas de quadrangulaire ? « On attend une vedette américaine », lance tout excité le chargé de com à la journaliste du Ravi.
18h29
Un agent de la DPS (Département protection et sécurité du FN) badgé « Honneur et fidélité » tente de se gratter les testicules, discrètement, face à 800 personnes… Des sexagénaires décolorées sont en pâmoison devant Lopez qui a l’air crevé. L’agent de sécurité essaie de lui faire la conversation en lui parlant écologie : « Les particules… c’est dangereux pour la santé ces trucs-là ! » Lopez sourit poliment…
18h45
Le brouhaha de la salle est couvert par le Boléro de Ravel et une voix au micro annonce l’entrée sur scène de l’amiral Jean-Yves Waquet. « C’est du Var que vont venir des résultats qui vont faire trembler Falco et tous ses amis UMPS ! », lance-t-il d’une voix chevrotante à la de Gaulle, mais avec le charisme d’une huître…
18h48
C’est au tour de Frédéric Boccaletti, secrétaire départemental du FN, conseiller régional et candidat à Six-Fours, de prendre la parole. A L’école des fans, on aurait dû ajuster le micro à sa (petite) taille… « Le choix des candidats s’est effectué sur trois critères : la compétence, l’honnêteté et la fidélité », précise l’élu. Pour l’honnêteté, le FN semble moins regardant en ce qui concerne son staff puisque jusqu’à fin janvier – il a été viré depuis – Robert Falce, directeur de campagne du candidat toulonnais, officiait malgré une condamnation en 2006 pour « abus de confiance, vols, faux, usage de faux, soustraction de biens publics, escroquerie par personne chargée d’une mission de service public et atteinte à la liberté d’accès des candidats dans les marchés publics ». Rien que ça…
18h52
Boccaletti présente les têtes de liste une à une. Gros succès pour les ancêtres comme Gollnisch, pour les espoirs prometteurs comme Lopez et pour… le sosie capillaire de Patrick Juvet, alias Régis Chevrot, candidat à Solliès-Pont, retraité d’une Marine pour en servir une autre ! Au total, 40 têtes de liste varoises soit 1200 colistiers. « Une première dans l’histoire », note Boccaletti.
18h53
Fiscalité, sécurité, transparence… « En engageant rapidement et fermement toutes les actions possibles visant à mettre fin à l’installation sauvage de nomades ! » : applaudissements. Il introduit ensuite l’invité surprise…
18h57
« Jean-Marie !, Jean-Marie ! », scande le public en liesse. Le président d’honneur du FN arrive difficilement des coulisses. Il évoque son attachement au Var : « Champion des adhésions et champion du nombre de têtes de liste. » Une journaliste a oublié d’éteindre son portable, l’agent gratteur de testicules la fusille du regard.
18h59
« Une question de vie ou de mort », « le monde va brûler », « nous allons connaître des flux migratoires considéRRRRRRables », « une véritable guerre de survie ! »… Le Pen file la métaphore apocalyptique jusqu’au bout. Avant de conclure : « Mais je ne voudrais pas exagérer les termes… » Si peu ! Il en est sûr : la région Paca sera FN en 2015 et « Marine » présidente de la République en 2017.
19h11
Un Le Pen en chasse un autre, voici l’héritière, tailleur pantalon noir et veste blanche. Ovation. Diction parfaite, art de la rhétorique, aucun temps mort et le sens du pathos : « Il y a en France des villes qui symbolisent les trâââââhisons du pouvoir ! […] A Toulon, les Français ont été menés en bateau – c’est le cas de le dire – menés par celui qui a quitté la présidence de la République il y a deux ans mais qui laisse encore aujourd’hui à la ville un souvenir amer et… un maire ! » Et c’est parti pour une demi-heure sur l’UMPS…
19h16
Stéphanie Mouriez, candidate à Callas (1823 habitants) la dévore des yeux ; Jean-Laurent Chable, candidat au Pradet, frotte les siens… Dans le public, un bébé pleure, un pré-ado joue avec son drapeau et un septuagénaire s’étouffe avec ses glaires.
19h26
Dans l’air du temps… « Cette union européenne c’est une coproduction UMPS, c’est leur bébé, maman Ump et papa PS ! » Applaudissements.
19h33
Marine Le Pen ne se contente pas de dire des conneries, elle les hurle ! le Ravi a la tête sous les baffles et il lui suffirait de débrancher un câble pour la faire taire. La tentation est grande, mais le courage manque en territoire ennemi…
19h45
Un petit coup pour Hollande « l’homme qui murmurait à l’oreille des pigeons ». Et pour l’UMP, « ce parti faussaire, parfaitement inutile et rongé de l’intérieur ». Avant de conclure : « Vive Toulon, vive la République, vive la France ! » Auquel le public répond par : « On est chez nous ! On est chez nous ! » Une petite Marseillaise – que Lopez chante la main sur le cœur – pour finir. Le petit vieux et son bouquet tricolore se font voler la vedette par un plus gros bouquet prévu par Boccaletti.
19h50
Bain de foule avant le départ, chacun veut la toucher et l’embrasser… Si le FN perd les élections dans quelques semaines, Marine Le Pen aura au moins gagné une bonne grippe, ce soir !
Samantha Rouchard