« Notre région, c’est celle d’Adolphe Thiers ! »
9h58
Une dizaine de photographes se positionnent devant le fauteuil 121. Réservé à Marion Maréchal (nous voilà)-Le Pen (MMLP), qui l’hérite de son grand-père. Une délicate attention de son groupe…
10h00
Séance shooting. La Maréchal (nous voilà) fait son entrée au côté du Varois Frédéric Boccaletti, son garde chiourme et directeur de campagne pendant les régionales.
10h05
Une sonnerie d’école retentit. Mon général Estrosi, qui s’est posé toute la semaine du second tour en « résistant », de la dernière heure quand même, fait une entrée triomphale sous les flashs et les caméras.
10h10
Stéphane Ravier, qui passera la main pour cause de cumul, se pose devant le groupe FN pour immortaliser l’instant avec son Iphone©. Plutôt que le traditionnel « ouistiti », le sénateur-maire FN du 7ème secteur de Marseille (13ème et 14ème arr.) préfère chuchoter un ironique « Estrosiiiii » pour motiver ses troupes…
10h12
Coup de théâtre, le FN préside l’assemblée ! Doyen des élus, Jean-Pierre Daugreilh est à la manœuvre jusqu’à l’élection du nouveau président. Le visage aussi rose que celui de Michel Vauzelle, patron de la région pendant 17 ans, le frontiste ouvre la séance en se lançant dans quelques anecdotes vénéneuses. « J’ai œuvré au rapprochement de Jean-Marie Le Pen avec celui qui à l’époque était maire de Nice, Jacques Médecin. Dans son entourage, il y avait le jeune Christian Estrosi, [qui] recevait Jean-Marie Le Pen dans sa maison, rappelle en bougonnant le Niçois. [Car] il n’était pas contre un accord avec le FN pour faire barrage à la gauche. L’histoire est connue, mais il me revenait de la rappeler… » Un assesseur intervient, les bancs du FN s’agitent : « Déjà un kapo ! Laissez-le parler ! » Le député-maire de Nice est pivoine.
10h17
Appel. Frédéric Boccaletti, qui était en fauteuil roulant sous la dernière mandature, part en promenade. Il paraît qu’il a été en pèlerinage à Lourdes…
10h21
La vingtaine, mèche parfaite et costard impeccable, Amauri Navarranne, un proche du député européen et FN canal historique Bruno Gollnish, parachuté dans le 05, siège avec le code des collectivités territoriales à portée de main. Stéphane Ravier dégaine sa CB Sylver. D’après Libération, il achète des places pour le concert d’AC/DC au Vélodrome en 2016.
10h27
Ouverture du vote pour l’élection du nouveau président.
10h30
En rouge et noir, façon Jeanne Mas, bottes comprises, Nora Preziosi, adjointe de Jean-Claude Gaudin, se recoiffe et sort son plus beau sourire pour les photographes.
10h37
Costard sombre et chemise bleu ciel de travail, Christian Estrosi se lève pour aller voter. En sortant de l’isoloir, celui qui cumule à 60 ans déjà plus de 90 ans de mandats serre les mains des assesseurs, puis prend la pose tout sourire, son enveloppe suspendue au-dessus de l’urne. Les flashs crépitent.
10h46
Mon général Estrosi et l’amiral Muselier, enfin son petit-fils Renaud, l’ancien dauphin de Jean-Claude Gaudin, se bidonnent pendant que la Maréchal (nous voilà) file d’un pas rapide vers l’isoloir. Sa mèche est à gauche. Contrairement à son adversaire, elle se contente de voter puis retourne s’asseoir.
10h56
Clôture du vote.
11h00
C’est un putsch ! Le sénateur-maire LR de Marseille fait son entrée suivi d’Hubert Falco, sénateur-maire LR de Toulon, de Martine Vassal, présidente LR du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, et de quelques autres, dont le socialiste Michel Pezet, premier président du Conseil régional, et Marc Giraud, président LR du CD 83, mis en examen pour « détournement de fonds publics par dépositaire ». Renseignement pris, il s’agit de l’installation du conseil des sages promis par Christian Estrosi…
11h06
Stéphane Ravier tweete, MMLP envoie un sms avant de se replonger dans la rédaction de fiches, Christian Estrosi et Renaud Muselier se bidonnent toujours.
11h10
Les photographes se rapprochent du perchoir de la présidence. Jean-Claude Gaudin scrute le groupe FN. La nostalgie de sa cogestion de la région avec l’extrême droite entre 1986 et 1992 ?
11h13
Mon général Estrosi se lève pour une séance photo. Puis se rassoie.
11h18
Jean-Pierre Daugreilh annonce les résultats : 42 voix pour MMLP et 82 pour le maire de Nice. Une de trop. La nouvelle majorité ne relève pas et offre débout une standing ovation au nouveau président de Paca. Stéphane Ravier fulmine, puis mime avec Amauri Navarranne des handicapés en train d’applaudir…
11h20
Entrée du président sortant, le socialiste Michel Vauzelle, écharpe de la région en bandoulière. Il la transmet à son successeur après une accolade. Les bancs FN se déchaînent : « Le bisou, le bisou ! »
11h23
Christian Estrosi attaque son discours d’investiture. Frédéric Boccaletti revient avec sa panoplie de nouvel élu.
11h30
Parti dans une énumération des personnalités régionales symboles de Paca (de Georges Clémenceau à Simone Veil), mon général Estrosi s’enflamme : « Notre région, c’est celle d’Adolphe Thiers, cet enfant de Marseille qui en 1871 en tant que président du conseil rétablit l’ordre et libéra le territoire national occupé. » Si la référence ne devrait pas déplaire au FN, qui ne bronche pas, elle pourrait défriser un poil les électeurs de gauche. « Foutriquet » a surtout été le fossoyeur de la Commune de Paris…
11h37
« Dès lundi, je me mets au travail », promet Christian Estrosi. Et d’énumérer sur l’air de « moi président », en plus de la mise en place du conseil des sages et du conseil territorial, qui accueillera les recalés du premier tour, ses principales mesures : « une baisse de la fiscalité », « des portiques de sécurité et la vidéosurveillance dans les gares », la « défense des traditions régionales » ou encore la mise en place d’une « conférence régionale et permanente de la culture ». En résumé, son programme relevé de promesses de l’entre-deux tours…
11h44
Jean-Claude Gaudin semble s’être assoupi dans sa position préférée, les mains jointes sur son ventre. Frédéric Boccaletti poursuit l’examen de son kit d’élu, dont il apprécie particulièrement le cartable en cuir.
11h52
Nouvelle envolée de l’encore député-maire de Nice : « Le logiciel politique est désormais dépassé. Le vote du premier tour comme le sursaut du second l’ont montré. Mon slogan, "ça va changer", est une réalité. Je serai le président de la parole tenue ! » Ravier ironise : « Bravo ! »
12h00
Fin du discours sous une nouvelle ovation. La majorité, comme le public, est debout. Mon général Estrosi annonce la création de la commission permanente et propose une composition à la proportionnelle. MMLP acquiesce de la tête. Suspension de séance d’une heure pour régler les détails.
12h10
Si le buffet a été dressé pour les journalistes, conseillers régionaux et public sont à la diète et tuent le temps en papotant. Parmi les invités, quelques socialistes (les députés Jean-David Ciot et Marie-Arlette Carlotti notamment) qui se consolent avec une place au balcon.
13h05
Nouvelle sonnerie. Veste de chasse molletonnée, l’identitaire niçois Philippe Vardon s’installe en pestant contre les photographes qui travaillent « sans jamais demander d’autorisation ».
13h06
Mon général Estrosi annonce « un consensus sur la liste ». La commission permanente compte 13 élus FN et fait la part belle aux parlementaires (5 des 14 vice-présidents). Le balcon réservé à la presse s’est vidé.
13h14
Le nouveau président de Paca promet « la désignation dans les prochains jours d’un déontologue issus de la magistrature ». « Et d’un urologue aussi ? », lance un frontiste toujours aussi finement.
13h16
« Notre séance est ainsi terminée », clôt sobrement mon général Estrosi. Elus et public se ruent sur le buffet.